Religion : Marathon papal

Les deux bords du détroit de Formose se pressaient aux portes du Vatican le 14 octobre : Chen Chien-jen, vice-Président de Taiwan remettait au Saint-Père une invitation à fouler le sol de l’île nationaliste en mars 2019 pour un Congrès eucharistique organisé par Jean Hung Shan-chuan, archevêque de Taipei. Ce serait une première.

Pas plus tard que le lendemain, Joseph Guo Jingcai et Jean-Baptiste Yang Xiaotin, les tous premiers prélats chinois autorisés à assister au synode des évêques au Vatican, frappaient à leur tour à l’huis pontifical, proposant une visite en Chine. Leur invitation ne manquait pas de sel : depuis de longues années, Joseph avait vécu sous le coup d’une excommunication pour avoir porté l’anneau d’améthyste des évêques sans l’accord du Saint Siège, et le verdict n’avait été levé par le Pape François que le 22 septembre, jour de l’accord de réconciliation avec la Chine. Par ailleurs, la simultanéité des offres n’avait rien de fortuit, et le Pape François pouvait ne plus savoir à quel saint se vouer : quelle église choisir, la petite qui lui fut toujours fidèle, ou la grande avec qui il venait de se réconcilier ?

En tout cas, l’agenda du Saint-Père pour 2019 s’annonce dense et complexe : trois autres visites asiatiques sont au programme, au Japon, en Corée du Sud et même en Corée du Nord sur invitation de Kim Jong-un. La demande était remise le 18 octobre par Moon Jae-in, Président de Corée du Sud, de passage en la cité de Saint-Pierre. Le Pape a déjà fait savoir qu’il l’envisageait d’un œil favorable. Tandis qu’à la requête présentée par le vice-Président taïwanais, le Pape s’est gardé de répondre sur le fond, se bornant à lui déclarer qu’il prierait pour l’île.

À vrai dire, entre Chine et Taiwan, le combat pour la visite papale n’est pas égal, car le Pape n’a pas vraiment le choix : il ne peut que préférer Pékin, au nom des 12 millions de fidèles qui l’attendent (en comptant l’église de l’ombre), et en mémoire du long et glorieux passé commun. Ce fut en Chine que Saint François-Xavier débarqua en 1552, miné d’une maladie dont il devait décéder sur le champ. Le missionnaire appartenait à la Compagnie de Jésus, comme l’actuel Pape. Une solution pour le Saint-Père consisterait à mettre toutes les étapes de son périple asiatique sur pied d’égalité, débutant par Japon et Corées, pour passer à Pékin puis à Taipei, histoire de ne pas faire de jaloux… Si Pékin, toutefois le tolère, ce qui est loin d’être acquis.

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0.84/5
6 de Votes
1 Commentaire
  1. severy

    La Chine vaut bien une messe (basse). La Real Politik finira bien, je le crains, par l’emporter sur l’ethique qui considère qu’abandonner ses amis pour une « Grande Illusion » vous fait considérer comme plus bas que le caniveau dans lequel vous barbotez déjà. Trahir Taiwan, quelle honte, ma bonne soeur!

Ecrire un commentaire