Petit Peuple : Urumqi (Xinjiang) – Zeng Duozi, ou trop tricher nuit ! (3ème partie)

Urumqi (Xinjiang) – Zeng Duozi, ou trop tricher nuit ! (3ème partie)

Une première fois en 2004 à 28 ans, Zeng Duozi a réussi à échapper à la prison, alléguant de sa grossesse

En 2005, à Urumqi, aux confins du monde chinois, Zeng Duozi désormais ne connaissait plus de loi. Presque chaque jour, elle chapardait dans les magasins et s’exhibait dans les tenues qu’elle avait réussi à faucher. Elle en riait auprès de ses riches amants, tel exploitant de gisement gazier, patron d’une « bingquan » vinicole (une de ces corporations issues de l’armée de conquête des années ’50), ou membre influent du Parti, à la tête du comité des investissements territoriaux.

Elle avait aussi recommencé à arnaquer de grosses compagnies publiques, faisant miroiter des contrats d’exportation de vin ou de tomate vers l’Europe. Notoirement, de telles affaires nécessitaient un prêt bancaire bloqué, au titre de garantie de bonne fin. C’était ce montant qu’elle parvenait à détourner, moyennant l’imprudente confiance d’un de ses compagnons de plaisirs.

Arrêtée en mai 2006, elle s’était refusée à avouer la cachette du magot et avait été condamnée à 8 ans de prison. Curieusement, cette peine n’avait pas été cumulée avec la précédente, simplement oubliée…

Mais voilà qu’à la stupéfaction générale, après publication du verdict, Zeng faisait savoir qu’elle était à nouveau en « situation intéressante ». Le juge ordonna vérification par un obstétricien assermenté, mais ce dernier, sérieux comme un pape, ne put que confirmer la grossesse de la trentenaire.

Dès lors, comme pour la fois précédente, dans la stricte application de la loi, le magistrat n’avait plus qu’à déchirer son jugement et statuer que la coupable vive le temps de sa peine au lieu de sa guise. Elle était désormais en règle avec la justice ! Un mois plus tard, tout signe de sa grossesse avait disparu, après un passage dans un discret dispensaire…

A partir de ce moment, les choses commencèrent à couler comme un long fleuve tranquille, mais en circuit fermé. Chaque soir, Zeng régnait sur le « Xianggelila », la principale boîte de la ville, où les hommes fortunés et importants passaient leur soirée en compagnie des plus éblouissantes filles du territoire autonome.

Pour l’heure, Zeng avait jugé plus prudent de se concentrer sur les vols à l’étalage de parfums et ceintures, sacs à main et carrés de soie importés de France, aux motifs de chevaux et casaques.

Sauf qu’en décembre 2006, elle fut prise sur le fait et condamnée à 15 ans, le juge ayant cette fois opté de cumuler le châtiment avec le précédent. Après parution du verdict au tableau public du tribunal, plus personne en ville, ni les journalistes, ni les simples citoyens, ne furent autrement surpris de la voir se déclarer une fois de plus dans l’attente d’un heureux événement.

Par acquit de conscience, le prétoire fit vérifier l’assertion. Et comme elle était véridique, Zeng étant de nouveau dans l’attente d’un bébé, elle se retrouva une nouvelle fois dispensée de la peine !

Qu’on le croie ou non, jusqu’en 2015, Zeng Duozi ne se retrouva pas moins de 14 fois devant le petit fer à cheval des accusés au tribunal intermédiaire, entourée de deux membres imperturbables et benêts de la police judiciaire, sous une série de chefs d’accusation allant du faux en écriture à l’arnaque, en passant par la carambouille et le vol à l’étalage.

Et chaque fois, elle ressortit la tête haute et les mains libres, en démontrant qu’elle était mère en devenir, non assujettie à la détention pénitentiaire, au nom de la loi en vigueur.

Naturellement, la presse fit ses choux gras de cette affaire si étrange, réclamant un ajustement de cette loi pour en faire disparaître le vide juridique. Le cas était en effet du jamais vu en Chine populaire. Un nombre inouï de délits commerciaux et financiers avait été commis en toute impunité, avec le sourire même – que Zeng Duozi avait éblouissant et ravageur ! Sur les 14 occurrences de grossesses judiciaires de Zeng Duozi, « au moins 13 » avaient été validées comme authentiques.

Zeng Duozi n’est d’ailleurs pas la seule indélicate à exploiter sans vergogne cette faille dans la loi, puisqu’en février 2021, la Cour Suprême admettait être au courant du grand nombre de femmes échappant au châtiment en se laissant délibérément féconder par quelque innocent.

Et comment, me demanderez-vous, toute cette aventure s’est-elle terminée après plus d’une décennie ? De manière la plus imprévisible, par une défaillance physique de la coupable, notre héroïne !

Lors de sa dernière comparution en 2015, tandis qu’elle se prévalait pour la 14ème fois d’une condition de mère en puissance, le gynécologue, après l’avoir examinée, contredit la resquilleuse et la déclara non porteuse, probablement stérile même !

Car révoltée qu’elle était contre le système et sa société entière, elle avait fait pratiquer ses avortements à la file, et cette agression sauvage sur son corps avait eu raison de son cycle reproductif. C’était la revanche de la nature, la punition ultime pour avoir triché plus qu’avec les hommes !

Zeng Duozi dut donc cette fois enfin voir se matérialiser l’objet de ses cauchemars, et prendre sa valisette pour le pénitencier. Lorsqu’elle sera libérée, dans plusieurs années, il lui restera néanmoins une compensation pas si mince : les millions de yuans qu’elle a détournés et planqués tout au long de sa carrière, qui lui assureront une fin de vie hors du besoin.

Au fond, son audace aura permis à Zeng Duozi de passer ses années à l’abri de la morale et des convenances, selon l’adage, « vivre dans l’ivresse, et mourir dans un rêve » – 醉生梦死 (zuì shēng mèng sǐ) !

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1 Commentaire
  1. severy

    Comment peut-on condamner a la prison une heroine qui a pu lutter victorieusement treize de suite fois contre la surpopulation du pays et suivre a la lettre les preceptes sacres de la lutte contre l’exploitation ehontee de l’ovaire?

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