« Si l’humanité ne déçoit pas la nature, la nature ne nous décevra pas », a conclu le Président Xi Jinping, lors d’un discours retransmis en direct à la COP15 de Kunming (11 au 15 octobre) dans la province du Yunnan, qui abrite la biodiversité la plus riche du pays mais également le lac Dian, l’un des plus pollués il y a encore quelques années.
Pour Pékin, c’est le premier sommet de l’ONU depuis la Conférence mondiale sur les Femmes en 1995, et une occasion unique de montrer au monde que la Chine s’engage pour la planète.
Maintes fois reporté à cause de la pandémie, ce sommet virtuel a adopté « la déclaration de Kunming », un texte qui reprend le concept de « civilisation écologique » de Xi Jinping, mais pas son slogan « des eaux vives et des monts verts », qui a suscité une levée de boucliers de la part de plusieurs pays.
Cette déclaration est censée mettre sur les rails la centaine de pays participants pour adopter un cadre mondial contraignant visant à protéger 30% des terres et des mers de la planète d’ici 2030. Aujourd’hui, 17 % des terres mondiales sont protégées et seulement 8 % des mers et des océans.
La seconde partie du sommet devrait avoir lieu au printemps 2022, en présentiel cette fois, pour clore les négociations. Cela laisse donc six mois à la Chine pour persuader les autres pays de consentir à cet objectif.
Pour sa première présidence d’un grand sommet environnemental, la Chine veut montrer l’exemple, en espérant que cela suscite un élan de mobilisation chez les autres pays signataires.
Surtout, Pékin pousse pour l’adoption d’un cadre mondial « réaliste », rappelant qu’aucun des objectifs d’Aichi (Japon), adoptés en 2010, n’a été pleinement atteint… Pour cela, la Chine veut mettre l’accent sur la vérification des engagements et sur les financements.
Devenu coutumier des grandes déclarations sur les thématiques climatiques et environnementales (pics des émissions avant 2030, neutralité carbone d’ici 2060, fin du financement des centrales à charbon à l’étranger…), Xi Jinping a mis la main au portefeuille en annonçant le lancement d’un fond doté de 1,5 milliard de yuans (200 millions d’euros) pour soutenir la protection de la biodiversité dans les pays en voie de développement. C’est loin d’être suffisant, mais c’est un premier pas, de la part d’un pays qui a longtemps alimenté le trafic illégal de défenses d’éléphant ou de cornes de rhinocéros – espèces menacées.
Au plan national, Xi Jinping a annoncé la création de cinq parcs nationaux : celui de Sanjiangyuan aux sources du Yangtze, du fleuve Jaune et du Mékong, où l’on peut apercevoir des antilopes tibétaines et des léopards des neiges ; celui des pandas géants, à cheval sur trois provinces à l’ouest du pays ; celui du tigre de Sibérie et du léopard du fleuve Amour dans le nord-est de la Chine ; celui de l’île tropicale de Hainan et ses gibbons ; et celui des montagnes Wuyi (Fujian), abritant de nombreuses espèces… Ces 230 000 km2 de parcs nationaux couvrent près de 30% des espèces sauvages protégées, présentes sur le territoire chinois.
En parallèle, la Chine a mis en avant le concept de « lignes rouges écologiques », élaboré au lendemain des catastrophiques inondations le long du fleuve Yangtze en 1998. Ces milliers de zones protégées de l’appétit des promoteurs, sont déterminées scientifiquement à partir de trois critères : leur importance en matière de biodiversité, de réduction des risques (érosion, inondations, désertification…) et leur apport aux écosystèmes (approvisionnement en eau potable, fertilité des sols…). Elles couvriraient environ un quart de la superficie du pays.
Et en guise « d’avant-première » à la COP26 de Glasgow (31 octobre au 12 novembre), le Président Xi a également promis « d’accélérer le développement de l’énergie solaire et éolienne » dans son pays. Cette annonce vient confirmer la rumeur d’un projet de construction « dans le désert » d’une gigantesque ferme de 400GW, dont la moitié serait opérationnelle d’ici 2025. La première phase du projet, représentant 100 GW (soit la capacité solaire et éolienne de l’Inde), a déjà commencé, a affirmé le leader chinois.
Cet agenda national ambitieux contraste avec la passivité dont la Chine a fait preuve jusqu’à présent sous l’angle diplomatique. Au lieu de pousser les différentes nations à s’entendre sur des objectifs communs et chiffrés, elle s’est pour l’instant contentée de fournir une « plateforme » pour que les pays expriment leurs idées et leurs inquiétudes.
Alors que la pertinence et la faisabilité de l’objectif de protéger 30% de la planète d’ici à 2030 fait encore débat au sein des nations, la Chine elle-même semble moins encline à fournir des efforts sur la partie maritime que sur la partie terrestre, pour des questions militaires et de souveraineté.
Cependant, si la Chine veut faire de sa présidence à la tête de la COP un succès, et ainsi marcher sur les traces de « l’accord de Paris » ou encore du « protocole de Kyoto », il faudra plus que de grandes annonces nationales. Un engagement diplomatique intense sera nécessaire, tout comme savoir jongler entre les différents intérêts afin de mettre tout le monde d’accord, sur fond de tensions politiques entre la Chine et de nombreux pays (occidentaux). En quelques mots, il faudra que Pékin aille au-delà de sa zone de confort.
1 Commentaire
severy
18 octobre 2021 à 12:56Pour rafistoler et redorer son blason, la Chine pourrait transformer les zones ou elle construit des bases militaires offensives en mer de Chine du sud, en vastes zones de protection de l’environnement. – Jerry Soucape –