Petit Peuple : Pinggu (Pékin) – Miao Xiaohong, révolutionnaire de l’empire du ciel (1ère partie)

Deux ans après le passage de la Chine sous pouvoir socialiste, Mao décida en 1951 qu’il était temps d’apporter une touche féminine à la branche aérienne de l’Armée Populaire de Libération (APL). Ainsi la première promotion de femmes pilotes, en jupes et corsages bleu marine, voyait le jour : 14 recrues destinées à rejoindre les hommes aux commandes des appareils sous pavillon rouge aux cinq étoiles d’or. 14, c’était peu, et sept décennies plus tard, le régime n’aura finalement formé que 500 femmes pilotes.

En 1956, parmi les 14 heureuses élues de la seconde promotion figurait Miao Xiaohong, 19 ans. Miao présentait pour le régime révolutionnaire un pedigree impeccable. Ardente communiste, elle ne ratait aucune réunion de cellule, et conservait en toutes circonstances un haut degré de discipline du Parti. Le passé prolétaire de ses parents lui aussi était sans faille. Ouvrière elle-même, elle avait été cooptée dans une école pour adultes en cours du soir. Son assiduité lui avait ensuite valu une place dans une école professionnelle, où elle avait pu obtenir, en plus de son diplôme de mécanicienne d’aviation, son gaokao (diplôme de fin d’études). Un parcours sans faute qui lui avait tout naturellement ouvert les portes de l’école des pilotes militaires du Shandong, pour une carrière de rêve. 

Sa formation dura deux années, en cours théoriques, et à bord des biplans hasardeux de l’époque. Ces vieux coucous se faisaient démarrer d’une vive impulsion des deux bras sur l’hélice de bois, au risque non rare de retour de flamme ou de se faire trancher les doigts aussi nettement qu’un scalpel. En 1958, brevet en main, Miao fut affectée à la base de Jinan dans sa province natale. Au gré des promotions, elle eut l’occasion de survoler la quasi-totalité du territoire national, en diverses missions plus logistiques qu’offensives – le commandement faisant plus confiance aux hommes pour les missions les plus ardues. Il arriva néanmoins à la jeune femme d’embarquer des passagers en mission secrète, de faire du repérage de zones sinistrées. 

Miao a toujours gardé le souvenir brûlant de cette mission de 1963 durant laquelle elle parachuta des vivres et des médicaments dans une zone enclavée et inondée en plein Hebei, à 300km de Pékin. Le plafond culminait à 100m du sol, rendant la navigation périlleuse et empêchant toute localisation de la cible – son appareil, un monomoteur léger, n’était pas équipé pour le vol aux instruments. Soudain une trouée des nuages lui permit d’apercevoir la petite ville qui était sa destination : un petit groupe de maisons dans l’eau presque jusqu’aux toits, sur lesquels les réfugiés se serraient les uns contre les autres. Miao put ainsi leur larguer les ballots de vivres et jerricans d’eau potable. Le succès de cette mission lui avait valu une citation, une médaille, et une promotion au rang de capitaine. Suite à cela, on lui avait confié occasionnellement quelques missions plus complexes. 

En 1989 à 52 ans, Miao Xiaohong frappée par la limite d’âge fut rayée des effectifs d’actives, au rang de colonelle. Elle obtint en échange de ses services un logement pékinois dans le secteur des collines parfumées. Elle se lança alors dans une nouvelle carrière, littéraire cette fois. Coup sur coup, elle publia “Une Fille du Ciel” et “Le Premier Groupe de Femmes Pilotes de Chine”. Ces titres obtinrent un grand succès de vente : Miao connaissait déjà la célébrité de par sa légende de femme pilote, et suite à ses publications elle passa encore plus régulièrement à la radio, à la TV et dans les magazines.

En dépit de sa condition de star, Miao fut longtemps poursuivie par un lancinant regret : celui d’avoir été clouée au sol à 52 ans, au nom d’un ridicule règlement : l’armée prétendait que sur leur cinquantaine, les femmes perdaient la vue et les réflexes, contrairement aux hommes qui, eux, étaient supposés ne décliner que dix ans plus tard. Elle avait été maintenue en service, dans l’administration, à comptabiliser les heures de vol de ses collègues masculins et à dispatcher et classer leurs rapports. Que ces collègues conservent leur droit à décoller tandis qu’elle était clouée sur le plancher des vaches la mettait hors d’elle car même dans sa soixantaine, Miao conservait sa vue de lynx et ses réflexes d’acier. 

Un jour, lors d’un banquet d’anciens en l’honneur de collègues retraités étrangers, quelle ne fut pas sa stupéfaction quand elle réalisa que sa voisine australienne, justifiant comme elle de quarante ans de licence, lui appris qu’elle volait toujours. En Australie, non seulement elle possédait son propre avion, mais en plus, elle le pilotait chaque semaine pour aller voir sa fille à 200km. Miao ressentit comme une gifle l’injustice et l’aspect inutilement vieux jeu de sa hiérarchie qui sacrifiait ainsi tant de talents et de capacités, sans le moindre profit pour personne… 

Aussi clairement qu’un ciel en turbulence, Miao réalisa quelle allait être sa troisième carrière, la dernière grande mission de son existence : elle allait militer pour les droits de la femme dans les airs, et faire que se matérialise au sens propre le slogan de Mao : que la femme « supporte la moitié du ciel » (妇女能顶半边天 – fùnǚ néng dǐng bàn biān tiān) !   

Vous découvrirez la semaine prochaine les futures batailles de cette femme pilote extraordinaire!

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