« Attention aux pieds en avant et aux mains qui tirent… C’est un cours de dressage, pas de lutte ! », sourit Joël. Il est 9h du matin et la voix du directeur technique français résonne dans l’immense manège couvert du Oriental Equestrian Club (东方马汇马术俱乐部) à Pékin. Equipée d’un micro, sa traductrice transmet instantanément les directives de Joël aux six instructeurs, qui s’appliquent lors de cet entraînement quotidien.
Depuis 2007, ce club équestre dans la campagne de Shunyi, est la propriété de M. Feng, ex-militaire d’une cinquantaine d’années. L’arrivée en 2017 de Joël Vandevraye et son épouse Vanessa, directrice du Centre, cumulant à eux deux plus de 75 ans d’expérience de gestion de centres équestres à travers le monde, et d’Hélène Lemerle, cavalière expérimentée et parfaitement sinophone, puis d’Alice, monitrice française spécialisée en saut d’obstacles, donna un nouveau souffle au centre équestre.
De taille humaine (1 manège, 3 carrières), le club accueille en une ambiance ludique quasi familiale 300 élèves, et entretient 35 chevaux et 40 poneys, équidés tous nés en Chine de sang arabe, espagnol ou belge…
Il y a quelques années, « le cheval était encore considéré comme un outil , et non pas un compagnon, mais en l’espace de six ans, nous avons été et sommes encore témoins d’un changement radical des mentalités. C’est passionnant et très réjouissant », explique Joël. « De même, la pratique de l’équitation était il y a peu réservée à une élite prête à payer un droit d’entrée exorbitant pour devenir membre d’un club et ainsi socialiser entre gens riches. Les cavaliers ne brossaient pas, ne sellaient pas leur cheval eux-mêmes, et se contentaient de monter avec un seul objectif : la compétition ». Aujourd’hui la perception de l’équitation a évolué positivement vers un sport-passion, où chaque cavalier tisse une relation avec sa monture. D’autres bouleversements sont en cours : « cela commence par le développement progressif des cours collectifs, comme le préconise le système français, qui viennent remplacer les leçons individuelles si prisées jusqu’à très récemment en Chine (1 moniteur pour 1 cavalier) pour apporter une pédagogie de l’interaction et du plaisir, conduisant à des progrès plus rapides», commente Hélène, directrice du développement.
Et il y en a pour tous les goûts et tous les niveaux ! Du « baby-poney » (pour les petits de 2 à 5 ans, avec la participation d’un parent), aux classes d’initiation avec les élèves de primaire du lycée français de Pékin (LFIP), en passant par le horse-ball, le saut d’obstacles, le dressage ou la voltige pour les cavaliers plus expérimentés, enfants ou adultes, et enfin la compétition.
Pour ceux désireux de se perfectionner, le club, titulaire du label qualité « Ecole Française d’Equitation » de la Fédération Française d’Equitation (FFE), est également habilité à faire passer les diplômes nommés Galops, du « Poney de Bronze » au « Galop 7 ».
Enfin, un point d’honneur est mis sur la formation. En France, devenir moniteur requiert un Galop 7 ainsi que deux ans de formation pédagogique, conditions rarissimes chez les enseignants chinois. C’est ainsi que le CAE (Certificat d’Aptitude à Encadrer), diplôme spécial d’enseignement pour les coaches chinois, a été mis au point par la Fédération Française d’Equitation avec la participation active de Joël et Vanessa. C’est un diplôme propre à la Chine, selon un programme sur-mesure de la FFE et reconnu de la Beijing Turf and Equestrian Association (200 clubs affiliés). Le duo est aussi à l’initiative d’une « Alliance » de différents clubs à travers la Chine entière. Ainsi, ils ont déjà formé 200 coaches chinois depuis 2012, de Pékin à Chengdu. D’ailleurs, au club, les 10 coaches chinois continuent de progresser en recevant chaque matin une classe pour continuer de les former à la pédagogie « à la française ».
Le club héberge également H.O.P.E (Horses Offering People Enrichment), ONG chinoise dispensant des séances d’équithérapie aux enfants et adultes en situation de handicap moteur ou mental, ou souffrant d’une maladie invalidante. Manuela Tournier, équithérapeute diplômée et directrice du programme, adhère pleinement à la double vision de cette organisation créée en 2009 par une kinésithérapeute américaine : pratiquer un service de niveau international et développer la formation des professionnels et des encadrants bénévoles chinois afin de servir toujours plus et mieux les personnes qui en ont besoin.
En 4 ans, le nombre de clubs d’équitation en Chine a été multiplié par 7, pour atteindre un total d’environ 1,500 clubs à travers le pays et presque 1 million de cavaliers en 2018. C’est donc un marché colossal pour les fédérations des pays de tradition équestre que sont la France mais aussi l’Allemagne, l’Angleterre, l’Australie et bien d’autres, qui sont concurrentes sur le sol chinois … Par exemple, la British Equestrian Federation (BEF) a trouvé un ambassadeur de choc en le cavalier Alex Hua Tian, né à Londres, ayant grandi en Angleterre, et seul cavalier à représenter la Chine aux JO de 2008. Il ne reste plus qu’à mettre le pied à l’étrier !
1 Commentaire
severy
14 octobre 2018 à 14:09Sans compter que le crottin de cheval est un engrais de choix pour l’agriculture. L’équitation a de beaux jours dans ce pays où pullulent les boucheries populaires.