Né en 1950 dans la commune de Pingshan dans le Hebei, Li Zhanshu 栗战书 dispose d’un pedigree complet de « petit prince » au sein du Parti, avec un grand-oncle Li Zaiwen, vice-gouverneur du Shandong, torturé à mort pendant la Révolution Culturelle, et son père Li Zhengxiu, membre du Parti dès les années 1930, ayant servi comme messager clandestin dans les années ’40. Au total, 27 membres de sa famille ont rejoint les rangs du Parti dès la première heure.
Assidu aux études, le jeune Zhanshu voit ses rêves d’université torpillés par la Révolution culturelle, qui le renvoya durant l’hiver 1968 au village de ses pères comme « jeune instruit », pour être « rééduqué » par le travail manuel. En dépit des tâches rudes et de la vie difficile, il parvint malgré tout à étudier « à moments perdus » et à se faire nommer comptable. Fait rare : grâce à l’appui du secrétaire du Parti du village, il obtint en 1971 une place pour étudier à l’Institut du Commerce de Shijiazhuang, capitale du Hebei. En 1972, il intégra le Bureau du Commerce de la ville. D’un caractère entier, il critiqua l’ordre bureaucratique, attirant ainsi l’attention de ses supérieurs. Il entra donc au Parti en 1975 et commença sa carrière politique à un poste de cadre économique. Le soir, il suit des cours en sciences politiques à l’Université Normale du Hebei, et décroche une licence. En 1982, une lettre au Secrétaire général du PCC Hu Yaobang, en soutien d’un chant réformateur, « le socialisme est bon », lui valut un an plus tard son premier poste important, comme Secrétaire du Parti à Wuji (Hebei). Heureux coup du destin : son homologue du district voisin (Zhengding) n’était autre que Xi Jinping ! Les deux travaillèrent côte à côte pendant trois ans, développant une amitié jamais démentie et qui devait s’avérer payante sur le tard.
S’ensuivirent des promotions : Secrétaire de la section provinciale de la Ligue de la jeunesse, la pépinière des réformateurs (1987-1990) puis commissaire politique à Chengde. Il entra au gouvernement provincial, pour se retrouver aux prises avec le Secrétaire, un fidèle de Jiang Zemin qui finit par le démettre de ses fonctions. Humilié, Li dut quitter pour le Shaanxi en 1998, en quasi-exil. D’abord patron à l’organisation locale du Parti, il passa Secrétaire de Xi’an, poste qu’il conserva jusqu’en 2003, prétendant alors porter la ville, par ses initiatives de développement, au rang de « plus prospère métropole de l’intérieur ». Cependant l’administration de Jiang Zemin n’appréciait guère les hommes de la « tuanpai » (Ligue de la jeunesse). Ainsi, au lieu d’une province côtière qu’il guignait, le voilà envoyé au Heilongjiang. A son arrivée, Li écrivait ce poème : « un homme ne craint pas les tâches dangereuses, les montagnes regorgent de beauté et leurs sommets sont époustouflants, le majestueux vent d’automne ne secoue que les faibles, mais le faucon étendra toujours ses ailes et s’élancera vers les cieux ». Il en écrira de nombreux autres par la suite.
Bon administrateur, il s’efforce d’améliorer les rendements de ce « grenier à blé » par la création ou réhabilitation systématique de projets d’irrigation, et d’attirer les capitaux hongkongais. Sous sa gouvernance, la province nordique voit sa croissance bondir.
Il se familiarise avec le monde à part qu’est l’armée, lançant plusieurs initiatives pour améliorer les salaires et pensions de l’homme du rang. Il monte aussi à Pékin, invité d’un talk-show où il se fait remarquer par un franc-parler et l’audace d’évoquer sa vie personnelle (rare en Chine).
En 2010, à 60 ans, il devient enfin n°1 d’une province, le Guizhou. Bravement, il retrousse ses manches, obtient les crédits pour des investissements massifs d’infrastructures dans les années 2010-2012, induisant ainsi une hausse de 36% du revenu rural.
Enfin en 2012, il est l’homme du compromis entre Hu Jintao, Président sortant, et Xi Jinping, nouveau maître du pays. Ceci lui permet de décrocher un siège au Bureau Politique et le poste-clé de directeur du Bureau général du Comité Central qui gère l’emploi du temps des hauts dirigeants. Il remplace à ce poste Ling Jihua (ex-bras droit de Hu), déchu pour corruption.
Preuve de la confiance aveugle que Xi a en lui, Li se voit confier depuis 2015 des missions diplomatiques de première importance, rencontrant des leaders étrangers, avec ou sans son Président : Barack Obama en 2013 et 2016, Vladimir Poutine en 2015 et 2017, Ma Ying-jeou (Président de Taiwan) en 2015, Donald Trump et Carrie Lam (Hong Kong) en 2017. Une confiance bien placée, car Li se montre un exécutant fidèle des missions. Sans état d’âme, il intime à l’ensemble du Parti de se « soumettre » à l’autorité de Xi Jinping.
Aujourd’hui, lors du XIX Congrès, Li monte au Comité Permanent à 67 ans, et est nommé à la place de Zhang Dejiang (n°3), en tant que Président de l’Assemblée Nationale, sûrement en charge des affaires hongkongaises.
Sommaire N° 34 (2017)