Petit Peuple : Fengyang (Anhui) – Chute et rédemption de Zhang Liwei  (2ème partie)  

Résumé de la 1ère Partie : Après avoir commis un meurtre en novembre 2000 à Daqing (Heilongjiang), Zhang Liwei refait sa vie au monastère de Baisui (Anhui), sous le nom de frère Sun Hongtao.

Dès son arrivée au temple, Hongtao se rendit vite indispensable en faisant sans rechigner toutes les corvées qu’on lui donnait—balai, nettoyage des tinettes, cuisines. Considéré comme franc et honnête, il se retrouva à la billetterie après deux mois.

Le fait de se racheter une conduite, l’aida à retrouver progressivement une paix intérieure. Chaque nuit certes, revenaient les sueurs froides : « un seul faux pas se payait d’une vie de regrets » ( 一失足成千古恨, yīshīzúchéng qiāngǔhèn ). Mais le poids de sa faute l’astreignait à la vertu : la seule liberté qui lui restait, désormais, était celle de faire le bien.

Il serait bien resté là jusqu’à la fin de ses jours—mais après un an, en mars 2002, un incident survint. Un visiteur se présenta, prétendant passer sans payer, « juste pour une minute ». Tentant de lui barrer l’entrée, Hongtao se retrouva à échanger des coups avec lui, à le plaquer à terre, avant que les frères ne vinrent en renfort, l’aider à expulser le goujat.

Hongtao était le héros du jour. Très fier de sa recrue, le père abbé ne pensait qu’à oublier l’affaire. Mais à sa surprise, le novice inconsolable s’accusa d’avoir failli à la règle de non-violence, et prétendit, brisant ses vœux, reprendre la route : pour se punir, disait-il. Et tout ce que le père put obtenir, fut qu’il accepte une place dans un monastère voisin, plus fruste et retiré du monde, où il pourrait « renforcer sa vie spirituelle »… Hongtao fut transféré le soir-même à Longxin, une ruine au sommet d’un mont à 3000m d’altitude. La communauté qu’il rejoignait ne comptait que sept moines, y compris le prieur. On l’aura deviné, la hâte de Hongtao n’était en fait pas étrangère à la crainte de voir l’énergumène qu’il venait de corriger, revenir au temple avec la police.

A peine installé dans son nouveau cadre de vie, Hongtao continua à se consumer à la tâche, volontaire pour toutes les corvées. Il s’immergea aussi dans le travail d’ascèse et de formation théologique, en une vie précaire. Avec les frères, il partageait l’unique pièce restaurée—murs de pierre sèche, éclairage à la lampe à pétrole, sol de terre battue, qui faisait tour à tour réfectoire, dortoir et chapelle.

Le gong de 4 heures du matin sonnait le premier office, temps de psalmodies et de prières. A 6 heures, ils partageaient l’unique repas du jour, une soupe de riz au légumes, assez épaisse et calorique pour tenir jusqu’au lendemain à travers de longues heures de travaux physiques. Suivait à 8 heures l’étude des sutras, que le prieur traduisait du sanscrit pour les moines, avant de lancer le débat spirituel et l’étude solitaire. Venaient ensuite les tâches physiques : labour, taille des arbres, arrosage, récolte, ainsi que la lente et épuisante reconstruction du sanctuaire. Le soir de sept à neuf, l’office vespéral concluait la journée.
Deux fois par semaine, on descendait à Fenyang, offrir à la population une direction spirituelle—prières, confessions, exercices, conversion.

A l’arrivée de Hongtao, la communauté limitait ses ambitions à remettre en état les bâtiments essentiels. Mais vite, par sa présence énergique, elle lui rendit courage et l’incita à viser plus haut. De ses propres mains, Hongtao dressa de nouveaux plans de restauration, calcula les coûts, les besoins en ciment, en tuiles, en poutres.

Chaque fois qu’ils étaient en ville, il discutait avec le maire et le secrétaire du Parti, des moyens d’encourager la nouvelle vie du moustier. A sa stupéfaction, l’accueil de sa requête dépassa ses plus folles espérances. Par dizaines, les volontaires se mirent à affluer pour refaire la route, puis acheminer au sommet de la montagne les bétonneuses, les camions de briques. Dès 2007, nommé responsable de la restauration du monastère, Hongtao fit resurgir le portique sacrificiel disparu depuis un demi-siècle. Sous son impulsion, furent rebâtis le grand pavillon, le hall des 500 arhats, la pagode aux sept étages… Au bout de 7 ans, Longxin avait retrouvé sa gloire d’antan : les files denses de pèlerins gravissaient dans la nuit noire le chemin du sanctuaire pour le privilège d’une vue splendide au lever du jour. La célébrité du lieu grandissait : les frères étaient désormais 30. Oubliées, les années de misère !

Auteur de cette opulence, Hongtao gardait modestie et discrétion, et insistait sur la mission primordiale, compassion et charité. Aux portes du sanctuaire, s’attroupaient toujours plus nombreux les vagabonds, les filles-mères abandonnées, les jeunes désœuvrés : tous recevaient aide matérielle et réconfort moral. Hongtao d’ailleurs, avait adopté deux jeunes nécessiteux, dont il payait les études à l’université de Hefei.

A ce rythme, Hongtao gravit vite les échelons du clergé. En 2007, il fut élu à la Commission consultative de Chuzhou, la métropole de 4,3 millions d’âmes. En 2008, il passa vice-Président de l’Association bouddhiste, avant d’en devenir son Président, 6 ans plus tard. En 2014, sur recommandation du père, à l’unanimité, il était élu à la tête du temple.

Depuis longtemps, les invitations pleuvaient, de toute la Chine, anxieuse de rencontrer un tel saint homme.

Au monastère cependant, certains s’étonnaient in petto de voir Hongtao, après 13 ans sur place, n’avoir jamais parlé de sa famille, ni manifesté de velléité de lui rendre visite…

Un tel secret sur sa vie antérieure, peut-il être gardé ? Hongtao peut-il de la sorte enterrer son passé à jamais? Réponses dans la dernière partie, au prochain numéro ! 

 

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