Cette année, les huit jours de congés du 1er au 8 octobre, combinant exceptionnellement la fête de la mi-automne et la fête nationale, ont permis de prendre la température de la vigueur de la relance économique post-Covid-19, mais aussi de l’efficacité de la stratégie sanitaire chinoise.
Et les résultats sont encourageants sur les deux tableaux. Les ventes de détails et la restauration ont atteint les 1 600 milliards de yuans durant les vacances, 4,9% de plus que lors de la saison 2019. Une bonne nouvelle pour le gouvernement qui espère réorienter son économie en donnant la part belle à la consommation domestique.
Découragés de s’envoler à l’étranger, les Chinois se sont repliés sur des destinations locales, telles que Pékin, Shanghai, Chengdu, Canton, Xi’an, et même Wuhan, simplement munis sur leur smartphone de leur code QR de santé, laissant souvent leur masque dans leur sac. À Lhassa (Tibet), les réservations d’hôtels ont été multipliées par six, tandis qu’à Hainan, les ventes en duty-free ont plus que doublé par rapport à 2019. Habituellement plébiscitée, Hong Kong n’a pas vu l’ombre d’un visiteur venu du continent cette année, le Guangdong voisin exigeant que la RAS atteigne les zéro cas pour rouvrir la frontière aux touristes. Au total, 637 millions de voyages ont été enregistrés, générant 466,5 milliards de yuans de revenus. Cela représente une baisse respective de 21% et 30% par rapport à l’an dernier, reflétant une part non négligeable de foyers ayant choisi de ne pas voyager, par agoraphobie, incertitude économique ou par peur du virus…
Officiellement, plus aucun cas de transmission locale n’avait été recensé depuis le 15 août. « Nous avons pratiquement stoppé la circulation du virus sur le territoire, voyager en Chine est donc sûr », commentait Wu Zunyou, épidémiologiste en chef au CDC. « Il faudra tout de même attendre une dizaine de jours après la fin des vacances pour s’assurer que le virus n’a pas circulé parmi les touristes », précisait-il. Et justement, le 13 octobre, 13 cas ont été dépistés à Qingdao, apparemment causés par la mauvaise désinfection d’une salle de scanner d’un hôpital chargé du traitement des deux manutentionnaires de produits importés qui avaient testés positif à la Covid-19 deux semaines plus tôt. Les autorités ont alors mis en œuvre leur arsenal habituel : traçage des contacts, confinement localisé, dépistage de la ville entière (soit 9 millions d’habitants en cinq jours), et limogeage des cadres responsables (le directeur de la commission municipale de santé et le directeur de l’hôpital en question). « La Chine doit rester sur ses gardes pour prévenir toute réintroduction du virus par des voyageurs internationaux ou des produits surgelés importés », avertissait Wu Zunyou. « L’idée est d’éteindre la flamme en moins d’un mois », ajoutait le Dr Zhang Wenhong. Pour ce qui est de la réouverture de la Chine sur le monde, « elle dépendra entièrement des vaccins qui devraient être disponibles d’ici un ou deux ans », précisait le médecin. Ils seront le gage d’un retour complet à la normale.
A ce propos, après avoir longuement hésité, la Chine a finalement annoncé le 9 octobre, date butoir d’adhésion, être le 169ème pays à rejoindre COVAX. Cette initiative lancée par l’OMS vise à distribuer aux pays pauvres 2 millions de vaccins d’ici la fin de 2021 et à vacciner en priorité les personnels de santé et les travailleurs sociaux de chaque pays, soit 3% de leur population en moyenne. Une proportion amenée à évoluer à 20% une fois que les doses suffisantes seront disponibles.
Malgré le manque de détails sur les engagements chinois et la contribution financière consentie, la Chine tient donc sa promesse de faire d’un futur vaccin chinois un « bien de santé publique », en un saisissant contraste avec les Etats-Unis de Donald Trump qui préfèrent faire cavalier seul. Quatre vaccins chinois sont actuellement en dernière phase d’essais cliniques : celui de Sinopharm serait prêt d’ici la fin de l’année. La firme accepte d’ailleurs déjà les réservations des étudiants et professionnels en partance pour l’étranger et désireux de se faire vacciner au prix de 2600 yuans les deux doses. Au total, la Chine aurait la capacité de produire 610 millions de doses d’ici fin 2020, et 1 milliard en 2021.
Avant de rejoindre COVAX, la Chine avait également promis d’envoyer des vaccins aux pays qui ont accueillis les essais cliniques chinois (Brésil, Serbie, Émirats Arabes Unis, Pakistan…), à certains de ses voisins (Philippines, Cambodge, Vietnam, Laos…) ainsi qu’à plusieurs nations africaines et sud-américaines – l’écrasante majorité de ces partenaires étant également bénéficiaires de l’initiative COVAX. Ce faisant, la Chine espère renforcer ses alliances diplomatiques, s’attirer la bienveillance, mais aussi améliorer sa réputation, au plus bas historique dans 9 des 14 pays sondés par l’institut Pew, dont les USA, l’Australie, le Canada, la Suède, l’Allemagne, l’Espagne et la Corée du Sud. Son image s’est également détériorée en France, avoisinant le niveau de 2008… C’est donc un coup de poker que tente la Chine, qui compte bien remporter la course mondiale au vaccin, concilier ses engagements COVAX avec ses promesses bilatérales, et surtout redorer son blason à l’international.
1 Commentaire
severy
19 octobre 2020 à 21:24Qui casse paye. Non?