Voici venir les temps de la fête nationale du 1er octobre (国庆节), « semaine d’or » où tout un chacun profite de ces quelques jours de congés pour faire du tourisme, du shopping ou encore s’envoler vers l’étranger.
La douceur de l’été indien contraste avec l’actualité brûlante chinoise : la guerre commerciale avec les Etats-Unis commence à mordre. L’administration de Xi Jinping a presque épuisé ses capacités de taxation des produits américains. Trump lui, peut encore taxer l’autre moitié des produits chinois sur sol américain.
Pour l’heure, les provinces chinoises compensent les pertes à l’export de leurs industries grâce à des fonds qu’elles empruntent—55 milliards de $ rien que durant la semaine du 17 septembre, nouveau record. S’inquiétant de l’explosion de la dette des provinces (2580 milliards de $), Pékin prépare un système de surveillance en temps réel de leurs recettes et dépenses.
Dans son Livre blanc du 24 septembre sur l’offensive commerciale américaine, Pékin déplore une « intimidation économique » mais reste toujours ouverte à la coopération. Soucieuse de ne rien faire d’irréparable, elle encaisse les coups – même après une offre américaine de vente d’armes à Taiwan pour 330 millions de $. Et même après ces préparatifs des Etats-Unis pour ouvrir leur agence de développement OPIC (Overseas Private Investment Corporation) aux capitaux d’Australie, du Japon, et bientôt de l’Inde qui négocie son entrée dans le système… Objectif : attirer des centaines de milliards de $ vers l’Asie, sur des projets d’énergie, de transport, de tourisme, d’infrastructures. Si le Sénat accepte, le fonds sera doublé à 60 milliards de $.
Dans cette course à la concurrence aux projets chinois BRI (Belt & Road Initiative), l’OPIC n’est pas seule : l’Union Européenne prépare son plan d’aide à l’Asie. 60 milliards d’€ de fonds doivent servir de garantie aux projets et attirer de 2021 à 2027, par effet « boule de neige » 300 milliards d’€ – si le Conseil européen vote le plan le 15 octobre. Par rapport aux BRI, ces chantiers promettent d’être transparents, soumis aux appels d’offres et aux normes internationales ; et de partager le travail avec les pays capables de le fournir, et les profits avec les pays bénéficiaires.
Chez ces derniers, justement, le vent de fronde s’amplifie—encouragé par ces plans concurrents, américain et européen, et par la rébellion d’autres pays comme la Malaisie. Décidément les temps changent.
Au Pakistan début septembre, A.R. Dawood, industriel et conseiller du 1er ministre Imran Khan (élu en août), choque Pékin en proposant l’arrêt pendant « 12 mois » de plusieurs chantiers géants du CPEC (China Pakistan Economic Corridor), le vaisseau amiral des BRI, avec 62 milliards de $. A Islamabad, le nouveau pouvoir dénonce ces chantiers facturés très au-dessus des prix du marché, et donnant aux firmes chinoises des avantages aussi imbattables qu’inéquitables. Il crie à la corruption de l’équipe politique précédente de Nawaz Sharif, et veut renégocier ! Sans retard, Pékin tente d’urgence d’éteindre l’incendie, dépêchant un diplomate à Islamabad et recevant à Pékin un général pakistanais : « tous les Etats amis de de Chine et du Pakistan sont les bienvenus pour participer » et « des modifications seront faites pour que les provinces pakistanaises mal servies en projets, voient leur tour arriver ».
Pas de doute : la formule des BRI appelle à des révisions. D’autant que le 23 septembre, lors des dernières élections aux Maldives, le 1er ministre pro-chinois était battu. Dans l’archipel, l’opinion s’inquiète du surendettement du pays, d’une trop grande dépendance envers Pékin, et rêve d’un rapprochement avec l’Inde… Mais ceci est une autre histoire.
Sommaire N° 32-33 (2018)