Le Vent de la Chine Numéro 32 (2021)
La Chine a été particulièrement active sur le front diplomatique ces derniers jours. Outre le retour au pays extrêmement médiatisé de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei, en échange de la libération de deux ressortissants canadiens, Pékin a officialisé le 16 septembre sa demande d’adhésion au partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP).
Ce pacte est le successeur du défunt « TPP » initié sous la présidence de Barack Obama pour contrer l’influence économique croissante de la Chine dans la zone Asie-Pacifique. Donald Trump, allergique aux accords multilatéraux, avait retiré les États-Unis du traité dès ses premiers jours à la Maison-Blanche en 2017. Signé l’année suivante par 11 pays (Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Pérou, Nouvelle-Zélande, Singapour et Vietnam), le CPTPP est le plus grand accord de libre-échange de la région, et toute nouvelle candidature doit faire l’objet d’un consensus entre les onze pays membres.
Espérant capitaliser sur l’absence américaine avant même que l’administration Biden ne puisse envisager un retour, le Président Xi Jinping avait créé la surprise au sommet virtuel de l’APEC en novembre 2020 en déclarant « favorablement » envisager de rejoindre le pacte.
En déposant officiellement sa candidature, la Chine se présente en championne du multilatéralisme et vient réfuter tout « découplage économique », notamment alimenté par la théorie de « circulation duale » qui consiste à rendre le monde plus dépendant de la Chine, et la Chine moins dépendante du reste du monde. Alors que Xi Jinping a fait de la « prospérité commune » le nouvel objectif du Parti, la candidature au CPTPP a pour mission de rassurer : la Chine va rester une économie de marché.
Au sein du Parti, la demande d’adhésion de la Chine au CPTPP a su séduire les conservateurs, désireux de faire un pied de nez aux États-Unis, tout comme les libéraux, qui la perçoivent comme un moyen d’accélérer le rythme des réformes économiques, comme la procédure d’adhésion à l’OMC l’avait fait il y a 20 ans. Xi Jinping, actuellement en « campagne électorale » pour obtenir un troisième mandat en 2022, pourrait se servir de cette candidature au CPTPP pour faire miroiter de telles réformes.
De ces considérations politiques internes, découle la question suivante : la Chine se donnera-t-elle réellement les moyens de rejoindre l’accord ? Ces dernières années, le gouvernement Xi Jinping a décrété des mesures qui vont à l’encontre du haut niveau de libéralisation économique attendu par le CPTPP.
Pékin a notamment procédé à de nombreuses fusions de ses entreprises d’État, subventionne ses industries, favorise les compagnies chinoises dans ses appels d’offres au détriment des firmes étrangères, réprime tout syndicat indépendant, interdit tout transfert de données à l’étranger, ou encore a recours à des mesures de rétorsion économiques dans ses disputes diplomatiques… L’Australie et le Canada, tous deux membres du CPTPP, en savent quelque chose. Canberra a déjà déclaré que la Chine devait mettre fin au gel des contacts avec les hauts responsables politiques australiens si elle espérait adhérer au pacte. Le Japon n’a pas non plus fait preuve d’un enthousiasme débordant en recevant la demande chinoise. À l’inverse, Singapour et la Malaisie l’ont bien accueilli.
La candidature de Taïwan, déposée une semaine après celle de Pékin, vient compliquer un peu plus le tableau politique. L’île, revendiquée par la Chine, pourrait bénéficier de la bienveillance du Japon, de l’Australie et du Canada. Mais certains membres – de l’ASEAN notamment – pourraient craindre de se mettre Pékin à dos en ne s’opposant pas à l’adhésion de Taïwan. Dans ces conditions, l’unanimité des onze sur les deux candidatures pourrait être bien difficile à obtenir : faut-il admettre les deux, une seule, ou aucune ?
Zhao Lijian, porte-parole de la diplomatie chinoise, a déjà déclaré que « Pékin s’oppose à toute interaction officielle entre Taïwan et un autre État, et rejette fermement l’adhésion de Taïwan à une quelconque organisation ou accord d’une nature officielle ». Le même jour, 24 avions militaires chinois pénétraient dans la zone d’identification aérienne taïwanaise – la plus large incursion depuis trois mois. Le message est clair : la Chine ne tolérera aucune « cohabitation » avec Taïwan dans un schéma similaire à celui de l’OMC ou de l’APEC.
Pour Taipei donc, un compte à rebours a commencé : si la Chine réussit à rejoindre le CPTPP, Pékin va très certainement opposer son véto à la candidature taiwanaise. Si Taipei veut intégrer le pacte, sa seule chance est de coiffer Pékin au poteau. Taïwan serait déjà bien plus proche des standards requis par le CPTPP que la Chine. Mais la bataille sera rude : Pékin pourrait se contenter de faire pression sur un seul des membres actuels du CPTPP pour torpiller les efforts de Taipei.
Cependant, un élément pourrait venir jouer les trouble-fêtes : les États-Unis. En rejoignant le pacte hier abandonné, Washington doucherait les perspectives de Pékin. Mais l’administration de Joe Biden a pour l’instant rejeté cette possibilité.
Après 1019 jours de détention dans des conditions précaires, les deux Canadiens arrêtés par la Chine en représailles de l’interpellation à Vancouver, fin 2018, de la fille du fondateur de Huawei Meng Wanzhou, ont finalement été relâchés.
Ce dénouement heureux a pu avoir lieu après le retrait le 24 septembre de la demande d’extradition de la justice américaine à l’encontre de la directrice financière de Huawei. La fille de Ren Zhengfei s’est alors vu retirer son bracelet électronique qui contrôlait jusqu’à présent ses déplacements, puis a quitté sa villa de Vancouver – où elle vivait avec son mari et ses enfants – pour s’envoler pour la Chine, dans un avion affrété pour l’occasion.
Moins de 24h plus tard, l’ancien diplomate canadien, Michael Kovrig, et le consultant-spécialiste de la Corée du Nord, Michael Spavor, ont pu quitter leurs prisons respectives pour embarquer dans un avion les ramenant au Canada, accompagné de leur ambassadeur Dominic Barton. Ils ont été accueillis en comité restreint sur le tarmac de l’aéroport de Calgary par le Premier ministre Justin Trudeau, tout juste réélu.
Officiellement inculpés pour « espionnage » six mois après leur arrestation début décembre 2018, tous deux avaient été jugés à huis clos en mars dernier. Si Michael Kovrig attendait toujours son verdict, Michael Spavor avait été condamné à 11 ans d’emprisonnement le 11 août, avec une éventuelle déportation à une date indéterminée…
La vitesse à laquelle les ressortissants canadiens ont été relâchés, quelques heures seulement après la fin du feuilleton judiciaire contre Meng Wanzhou, a surpris de nombreux observateurs. En effet, en libérant sans délai les deux Canadiens, Pékin ne peut plus continuer à affirmer que les deux affaires n’avaient aucun lien entre elles.
Certains commentateurs regrettent le fait que Washington cède à cette « diplomatie des otages » en acceptant d’abandonner toute poursuite judiciaire contre Meng Wanzhou au 1er décembre 2022.
En échange, la directrice financière de Huawei a été contrainte de reconnaitre les faits détaillant la manière dont son groupe a contourné l’embargo américain lors de son audition virtuelle devant un tribunal fédéral de Brooklyn (New York). Elle a notamment admis avoir sciemment menti à la banque HSBC sur les liens entre Huawei et Skycom, sa filiale en Iran. Sa déposition pèsera sans doute dans les poursuites judiciaires contre Huawei, qui perd 30 milliards de $ par an depuis les sanctions américaines décrétées par l’administration Trump.
Pour autant, Meng Wanzhou s’en sort sans avoir plaidé coupable aux quatre chefs d’accusation qui étaient retenus contre elle. Une victoire qui vient confirmer aux yeux du public chinois son statut d’innocente victime. « Les faits ont prouvé que cet incident est un cas de persécution politique à l’encontre d’un citoyen chinois, avec l’objectif de nuire à une entreprise high-tech chinoise », a déclaré la porte-parole de la diplomatie Hua Chunying.
En Chine, l’héritière de l’empire Huawei a été accueillie telle une héroïne, sauvée grâce aux efforts diplomatiques de sa patrie. La presse officielle chinoise interprète cet épisode comme la preuve que la Chine est devenue assez « forte » pour tenir tête aux États-Unis et remporter le bras de fer.
Signe de l’importance de l’évènement, son arrivée à l’aéroport de Shenzhen (siège de Huawei) a été retransmise en direct à la télévision et suivie par 100 millions de personnes. Le tapis rouge a même été déroulé pour l’occasion. Vêtue comme à son habitude d’une élégante robe, aux couleurs du drapeau national, Meng n’a pas manqué de formuler d’émouvants remerciements au gouvernement chinois et au Parti, avant de disparaître pour se conformer au protocole sanitaire. Ses détracteurs ont souligné que cette quarantaine sera la détention la plus stricte que la directrice ait connue durant ces trois dernières années.
Quoi qu’il en soit, la ferveur nationaliste orchestrée par les autorités pour célébrer le retour de Meng Wanzhou offre un saisissant contraste avec le manque d’explications officielles sur les raisons qui ont conduit Pékin à libérer les deux Canadiens, outre de prétendues « raisons médicales ». Le quotidien nationaliste Global Times s’est contenté de souligner que la nature de leur libération était différente de celle de Meng, puisque les deux « Michael » ont été jugés coupables d’offenses criminelles alors que Meng était une simple victime « politique » de Washington. Selon Pékin, il s’agirait plutôt d’un « échange de prisonniers », en aucun cas « une prise d’otages ».
Victorieux aux yeux de son opinion publique, le gouvernement chinois a néanmoins vu la réputation à l’international de son pays fortement écornée par cette crise diplomatique sans précédent entre Pékin et Ottawa. L’environnement d’affaires en Chine en a également pris un coup. Pékin aurait sans aucun doute pu obtenir le même résultat sans emprisonner deux Canadiens (ou deux Américains).
Pour le Canada, victime collatérale de la rivalité entre la Chine et les États-Unis, l’épisode laissera des traces… Malgré les multiples tentatives d’Ottawa de souligner l’indépendance judiciaire de ses tribunaux, Pékin a fait la sourde oreille, lui laissant le soin de négocier avec Washington. En conséquence, le gouvernement canadien s’est bien gardé de provoquer davantage la Chine, notamment en ne prenant pas officiellement position contre la 5G de Huawei. Le Canada est également absent du nouveau pacte AUKUS. Mais les choses pourraient changer. Le Canada est l’un des membres que la Chine va devoir convaincre si elle veut réellement intégrer le pacte transpacifique de libre-échange (CPTPP).
Surtout, cet épisode va servir d’avertissement à tous les autres pays, qu’ils aient choisi leur camp ou qu’ils tentent de rester non-alignés. Le reste du monde doit garder à l’esprit que cette sortie de crise ne va pas nécessairement de pair avec un réchauffement des relations entre Pékin et Washington. Elle ne signifie pas non plus que la Chine renoncera à avoir recours à de telles pratiques à l’avenir, lorsqu’elle estimera ses intérêts menacés (comme son champion Huawei). Seul moyen d’y faire face : afficher un front commun.
En diplomatie, chacun sait que le timing a toute son importance. Quelques heures avant que l’Union Européenne ne dévoile le 16 septembre sa nouvelle stratégie indo-pacifique, l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, lui ont volé la vedette en annonçant la création d’un pacte trilatéral de sécurité, prénommé « AUKUS », ayant pour mission de contrer la montée en puissance de la Chine dans la région, sans jamais la désigner directement.
L’alliance AUKUS va bien au-delà de la vente de huit sous-marins américains à Canberra*, dont la propulsion atomique devrait leur permettre de mener des patrouilles bien loin des cotes australiennes (jusqu’en mer de Chine du Sud ou au large de Taïwan, zones revendiquées par Pékin). Il s’agit d’offrir aux forces américaines un plus grand ancrage en Australie (notamment au nord du pays) et d’élargir la coopération dans des domaines stratégiques tels que la cybersécurité, l’intelligence artificielle, les technologies quantiques…
Sans surprise, le porte-parole de la diplomatie chinoise Zhao Lijian, a présenté ce nouveau pacte comme formé par une « petite clique »** animée par une « mentalité dépassée datant de la guerre froide ». Le diplomate a également souligné que l’AUKUS va « intensifier la course aux armements » et dénoncé le « double langage » des États-Unis sur la question de la prolifération nucléaire. Un argument repris par le leader nord-coréen Kim Jong-un.
Malgré cette ferme condamnation, le leadership chinois n’a encore fait aucune déclaration, potentiellement pris de court par cette annonce. Aucune mesure de rétorsion à l’encontre des membres de l’alliance AUKUS n’a été prise pour le moment. Pékin a déjà frappé l’Australie de plusieurs boycotts commerciaux (charbon, orge, vin…) pour avoir refusé la 5G de Huawei et réclamé une enquête indépendante sur les origines du Covid-19…
Alors que la Chine a officiellement déposé sa candidature au traité de libre-échange transpacifique (CPTPP), dont l’Australie, mais aussi le Canada, le Japon et le Vietnam, font partie, avoir recours aux habituelles mesures de « coercition économique » pourrait s’avérer contreproductif pour Pékin.
Quoique la Chine ait nié tout lien entre l’AUKUS et sa demande d’adhésion au CPTPP (annoncée le même jour), Pékin a saisi l’occasion de se présenter en championne du multilatéralisme, en opposition à la mentalité belliqueuse des membres de l’AUKUS : « le public ne peut que constater que la Chine œuvre à la coopération économique et à l’intégration régionale, tandis que les USA et l’Australie poussent à la guerre et à la destruction », a taclé Zhao Lijian.
La Chine n’est pas le seul pays à être irrité par l’AUKUS.
Avec environ 7000 soldats, près de 2 millions de ressortissants, et 2,6 millions de km2 de zone économique exclusive (ZEE) dans la région indo-pacifique, la France se considérait comme le partenaire européen le plus crédible et déplore n’avoir pas été informée au préalable du pacte par Washington, Canberra ou Londres.
De surcroît, l’AUKUS est venu torpiller le « contrat du siècle » pour la France, qui avait conclu en 2016 la vente de douze submersibles à propulsion diesel à l’Australie, pour près de 40 milliards d’euros. Ni une, ni deux, le quai d’Orsay a rappelé ses ambassadeurs à Washington et Canberra. Mais la dispute transatlantique a été de courte durée, puisqu’un coup de téléphone quelques jours plus tard du Président Biden à son homologue français, a suffi à rabibocher les deux pays, du moins en apparence.
La volte-face d’Emmanuel Macron n’a pas échappé aux internautes chinois : certains soupçonnent une colère savamment calibrée du leader français pour obtenir des concessions américaines ; d’autres notent que le chef d’État français n’a pas perdu le sens des affaires puisqu’il s’est entretenu dès le lendemain avec son homologue indien, à qui l’hexagone a vendu 36 avions de combat Rafale en 2016.
Lu Shaye, ambassadeur de la RPC en France, ne se fait pas d’illusion : si le diplomate chinois voit d’un bon œil l’évolution de la relation bilatérale, il rappelle que la France reste l’alliée des Américains.
Néanmoins, de nombreux analystes chinois interprètent cet accrochage franco-américain comme une raison de plus pour l’UE d’exercer son « autonomie stratégique », elle qui s’est remise à discuter de la création d’une armée européenne après le retrait brutal des troupes américaines d’Afghanistan. Ironie de la situation, Bruxelles négocie actuellement un traité de libre-échange avec… l’Australie.
Il est pourtant peu probable que la Chine tire un quelconque bénéfice de cette dispute éclair. Même pendant les quatre ans au pouvoir de Donald Trump, fenêtre d’opportunité inédite, Pékin ne s’est pas donné les moyens d’un rapprochement avec l’Europe, obnubilée par ses relations avec les États-Unis.
Toutefois, le fait que l’AUKUS soit négocié dans le plus grand secret est révélateur d’une différence fondamentale de perception entre l’Amérique et le « Vieux Continent ». Alors que l’UE considère la Chine à la fois comme « un partenaire, un concurrent et un rival », Washington a qualifié le pays de Xi Jinping de« plus grande menace stratégique du 21ème siècle ».
En faisant fi des considérations européennes, l’administration américaine a fait preuve d’un scepticisme évident quant à la posture de l’UE. Washington a déjà déploré le manque de coordination lorsque Bruxelles a conclu un accord d’investissement (aujourd’hui suspendu) avec la Chine en décembre 2020. En même temps, les États-Unis poussent le bloc européen à durcir sa position, sachant pertinemment que les alliés transatlantiques partagent un objectif commun : défendre la liberté de navigation en indo-pacifique.
Quelle sera la réaction chinoise ? Jusqu’à présent, elle n’a montré aucun signe de modération, tant dans sa diplomatie que dans sa posture militaire. Cela ne devrait pas changer à l’avenir. Il est pourtant clair que, plus l’armée populaire de libération (APL) bandera ses muscles en indo-pacifique, plus les pays riverains seront enclins à se regrouper pour former un front commun, sous la houlette américaine. L’accueil relativement enthousiaste d’une partie des membres de l’ASEAN (Philippines, Singapour, Vietnam) et d’autres puissances régionales (Japon, Inde) réservé à l’AUKUS, le démontre. Mais la partie est loin d’être gagnée, une partie des nations redoutant de se retrouver prises en tenaille entre les deux camps.
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* À titre de comparaison, la Chine posséderait actuellement 10 sous-marins nucléaires (tous types confondus), les États-Unis, 68, le Royaume-Uni, 11, la France, 10.
** Ce qualificatif est également utilisé par Pékin pour désigner l’alliance QUAD, sorte « d’OTAN asiatique » qui a rassemblé pour la première fois en présentiel, à la Maison-Blanche, les leaders américain, australien, indien et japonais le 24 septembre, afin de discuter 5G, vaccins, réchauffement climatique… La Chine était pourtant dans tous les esprits.
91% des jeunes entre 12 et 17 ans sont vaccinés, selon les chiffres du gouvernement. Le déploiement de la campagne de vaccination ciblant cette tranche d’âge avait débuté fin juillet. Officiellement, l’État a donné son feu vert à la vaccination d’enfants dès l’âge de 3 ans, mais les autorités locales n’ont pas encore débuté l’inoculation. Cela pourrait changer alors qu’un foyer de transmission du variant Delta dans la province du Fujian, a été relié à une dizaine d’écoles primaires et maternelles. À l’approche des vacances nationales (1er au 7 octobre), le ministère de l’Éducation a une nouvelle fois encouragé les parents à ne pas voyager. Lors du dernier week-end prolongé à l’occasion de la fête de la mi-automne, la Chine a encore enregistré 13% de voyages en moins par rapport aux niveaux pré-pandémiques.
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40 minutes par jour : c’est la durée maximum que les moins de 14 ans pourront passer sur l’application Douyin – la version chinoise de TikTok – entre 6h et 22h. Cette limitation, mise en place par son développeur ByteDance, sera appliquée au moyen d’un contrôle de l’identité des utilisateurs. L’application de courtes vidéos en ligne recense près de 600 millions chaque jour en Chine, mais seulement 0,4% d’entre eux ont moins de 14 ans. Cette limite vient s’ajouter à celle de 3h par semaine de jeux vidéo pour les jeunes de moins de 18 ans. Ces mesures – décrétées ou incitées par l’État – sont censées mettre un terme à « l’addiction internet » des jeunes Chinois.
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7 Chinois sur 100 souffriraient de troubles psychologiques (anxiété, troubles obsessifs du comportement, dépression…), soit 180 millions de personnes. Cette prévalence a été multipliée par 120 en douze ans, selon le Dr Xu Kaiwen (徐凯文), psychologue à l’université de Pékin. Elle serait encore plus importante chez les enfants : 20% à 30% seraient en proie à la dépression, voire à des tendances suicidaires. Dr Xu a également observé que 40,4% des étudiants en première année à Beida trouvent que « leur vie n’a pas de sens », et que 30,4% d’entre eux « détestent étudier ». Un phénomène que le chercheur appelle « la maladie du cœur vide » (空心病, kōngxīn bìng). À l’échelle nationale, il n’existe que 2 396 institutions psychiatriques. La chaine privée la plus célèbre du pays, le « Kangning Hospital » (康宁医院), coté à Hong Kong depuis 2015, a annoncé le 16 septembre une seconde cotation sur le marché ChiNext de la bourse de Shenzhen, visant à lever 300 millions de yuans pour construire trois nouveaux centres dans le Zhejiang, sa province d’origine.
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1 : c’est le nombre de siège obtenu par l’opposition pro-démocratique lors de l’élection du nouveau comité électoral hongkongais, qui a rassemblé environ 4800 votants parmi l’élite politique de la RAS (contre 230 000 inscrits en 2016). C’est le premier scrutin depuis que le système imposé par Pékin, visant à s’assurer que Hong Kong est gouverné par des « patriotes », est mis en œuvre. Il est censé garantir que les « fauteurs de troubles anti-chinois » ne puissent plus « faire obstruction » au gouvernement, selon la cheffe de l’Exécutif Carrie Lam.
Sur les 1 500 sièges qui composent le puissant comité électoral, seulement 364 étaient réellement à pourvoir, le reste étant installés d’office ou désignés par des groupes d’intérêts spécifiques. Seuls deux candidats de l’opposition ont été autorisés à se présenter à cette élection. Le comité électoral sera chargé de désigner le successeur de Carrie Lam en mars 2022 et près de la moitié du corps législatif (40 sièges sur 90) en décembre 2021. Seulement 20 des membres du « LegCo » sur 90 sont élus au suffrage direct.
Peintre, photographe, plasticien, performer, Huang Rui (黄锐) a été l’un des piliers du mouvement qui a initié les premières formes d’expression artistique libre de la Chine d’après Mao. Artiste engagé, il n’a de cesse d’explorer la fonction de l’art comme reflet de la société et sa capacité à questionner les problématiques contemporaines.
Né en 1952 à Pékin, Huang Rui grandit dans les hutongs de la capitale chinoise. Initié dès l’enfance à l’art de la calligraphie, il est envoyé à l’âge de 16 ans dans une ferme de Mongolie Intérieure pendant la Révolution culturelle. C’est là-bas qu’il parvient à acquérir les bases de la peinture à l’huile auprès d’un artiste mongol, vivant en résidence surveillée à Hohhot.
De retour dans sa ville natale sept ans plus tard, il cofonde une revue littéraire indépendante « Aujourd’hui » (今天, cf photo) durant le « printemps de Pékin » en 1978. Le premier numéro, vendu devant le « Mur de la démocratie » au carrefour de Xidan, est vite épuisé…
Porté par ce succès, Huang Rui propose à un ami, Ma Desheng, de fonder un collectif d’artistes « non conformistes », s’opposant à l’art officiel. « Les Étoiles » (Xīng Xīng, 星星) sont nées. Un nom en partie inspiré du culte de la personnalité en vigueur à l’époque, où seul « le Soleil » (le Président Mao) brillait… Les deux compères sont bientôt rejoints par des artistes tels que Wang Keping, Qu Leilei, Zhong Acheng, Bo Yun, Li Shuang, ou encore Ai Weiwei…
Véritable coup d’éclat, en septembre 1979, ils accrochent leurs peintures et sculptures politiquement « incorrectes » sur les grilles du Musée des Beaux-Arts de Chine (NAMOC, cf photo). Cette exposition sera réprimée par la police trois jours plus tard… Faisant face à la critique officielle, le groupe est volontairement démantelé en 1983. La majorité de ses membres quittent alors la Chine pour les États-Unis (Ai Weiwei), la France (Wang Keping) ou la Suisse (Ma Desheng)… Huang Rui lui, s’envole pour le Japon en 1984. Il y restera plus de quinze ans.
Durant cette période, l’artiste élargit le spectre de ses pratiques : de la peinture inspirée de l’art occidental, à la photographie, l’installation et la performance.
Le texte devient omniprésent dans ses œuvres, qui incorporent de nombreuses références historiques et politiques. C’est ainsi que l’artiste joue avec les mots et détourne avec ingéniosité des citations marquantes des grands leaders du Parti Communiste, qui prennent la forme de caractères peints sur de grandes toiles, de textes imprimés, d’installations calligraphiques, de sculptures, voire de performances.
Dans l’une de ses œuvres, il utilise exactement 10 000 yuans en billets de banque pour écrire le slogan « Que le Président Mao vive dix mille ans » (毛主席万岁), exprimant le paradoxe posé par la cohabitation idéologique du socialisme et du capitalisme dans la Chine d’aujourd’hui.
Dans sa série de peintures China/Chai-Na, Huang Rui associe le mot anglais pour « Chine » et les caractères chāi (拆) et nà (那) qui signifient respectivement « démolir » et « ici / cela », en référence à la destruction massive de certains quartiers de Pékin pour les Jeux olympiques de 2008.
Fervent partisan de la préservation et de la valorisation du patrimoine architectural, Huang Rui est à l’initiative, avec la commissaire d’exposition Bérénice Angremy, de la création dans la capitale chinoise, d’un quartier artistique à Dashanzi. Ses efforts pour protéger ce district de la démolition ont abouti en 2006 à la protection du site de « 798 », du nom de son ancienne usine.
L’histoire se répète avec la « Cloud House » (ou Pavillon des Nuages, 白云馆), située à l’extérieur du 5ème périphérique de Pékin. C’est sur le site d’une ancienne décharge que l’artiste va bâtir en 2007 sa résidence et son atelier à l’aide de 200 000 briques provenant du Vieux Pékin. Transformé en lieu d’exposition fin 2017, l’espace est alors menacé par les bulldozers…
Dénouement heureux, la gestion de la « Cloud House » a finalement été confiée en mars 2021 à la Fondation KS Jonathan Choi. Le public pékinois pourra y découvrir une offre artistique chinoise, française, mais aussi européenne, grâce au réseau chinois des centres culturels européens « EUNIC » qui sera associé à la programmation du « Cloud House – Choi Center ».
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Le travail de Huang Rui a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles notamment au Musée Coudenberg à Bruxelles (2009) ; au Museo delle Mura à Rome (2009) ; au He Xiangning Art Museum à Shenzhen (2007) ; aux Rencontres d’Arles (France) en 2007 ; au Contemporary Art Center de Osaka (1990).
Ses œuvres ont également été incluses dans de nombreuses expositions collectives, notamment à la Maison de la Chine à Paris (2019) ; au Musée Guggenheim à New York (2017) ; dans six villes allemandes (2015) ; à la Biennale de Venise (2013).
Une large sélection de ses œuvres abstraites, dont certaines n’ont encore jamais été présentées au public, sera visible du 25 septembre au 19 décembre 2021 à l’UCCA (Pékin), à travers une exposition personnelle prénommée « Huang Rui: Ways of Abstraction ». À vos agendas !
Sous cette perspective, je vous propose un regard sur les événements de l’été, ce qu’il faut en espérer – ou désespérer-, tout en sachant que s’il y a danger pour la paix de la Chine et du monde, cette phase ne va pas arrêter l’histoire. Ni le bon temps, ni les blagues, ni l’amour, ni l’amitié dans l’Empire du Ciel, ni ailleurs !
À Urumqi, Zeng Duozi est une drôle de fille, qui mène sa vie libre et sauvage entre les groupes ethniques Han et Ouighour, sans se préoccuper des lois ni du qu’en-dira-t-on.
Née en 1976 de parents militaires venus de Shanghai, elle parle chinois, mais aussi ouighour, qu’elle a appris dans la rue. Peu douée pour les études, elle a décroché du système scolaire dès l’âge de 13 ans, au grand désespoir de ses parents. C’était en 1989, année d’événements violents qui déstabilisaient cette capitale du Xinjiang et pour la première fois, son père, sur le terrain jour et nuit à la tête de ses troupes, tâchant de maintenir l’ordre, ne parvenait plus à contrôler sa fille.
Un soir de dispute un peu plus âpre que d’habitude, elle avait claqué la porte pour ne pas revenir. Les parents n’avaient pas osé alerter les autorités, de peur de la voir inscrite sur la liste des dissidents, ce qui lui aurait presque surement coûté des années de réclusion en camp de travail.
Après son abandon de l’école et du foyer, la petite avait végété entre petits boulots et amourettes dans cette grande ville séparée du monde chinois par 1000 km de désert. Pendant l’adolescence, elle eut une relation tumultueuse avec un Ouïghour réparateur de motocyclettes qui l’entraîna chez lui, la rendit femme et lui offrit de l’épouser. Le projet échoua au fait qu’il prétendait l’amener à un mariage à la mosquée, au prix d’une conversion dont elle ne voulait en aucun cas.
Duozi, à vrai dire, était moins amoureuse que désireuse d’échapper à son étouffant foyer natal, et elle gardait assez de jugeote pour deviner qu’entrer dans cette communauté religieuse, la lierait à une forme encore plus dure de servitude. Leur liaison orageuse se poursuivit donc cahin-caha, et se termina quand elle tomba enceinte. Là, elle reprit contact avec sa mère, qui obtint pour elle un avortement discret, tout en la convainquant de retourner à la maison.
Toutefois, la relation avec le père ne s’était pas arrangée : en 1991, elle fugua à nouveau. Cette fois, elle entra dans une bande d’ados sans feu ni lieu, vivant de mendicité et de petits chapardages. Pour échapper aux rondes de la police, ils vivaient en itinérance constante, changeant de campement tous les trois jours pour dormir là où il plaisait à Dieu – terrain vague, bidonville ou squat d’une ferme abandonnée.
D’une beauté sauvageonne, ébouriffée et le teint hâlé, mais le regard perçant et les traits durcis par sa révolte, Duozi s’était rapidement imposée comme l’amie du chef des « Loups gris », leur bande qui était redoutée en ville, au point de décourager les habitants de sortir, le soir tombé. Ils écumaient les abords de la gare, des galeries commerçantes, des souks et des mosquées. La nuit sur leur campement, ils faisaient un feu de joie pour griller des gigots et autres pièces de mouton dérobées sur les marchés, qu’ils dévoraient tout en fumant le « Xinjiang yan », le kif local. C’était une vie de bohème, excitante et jamais ennuyeuse, mais toujours sous la menace d’une descente de police. En effet, sous l’emprise des stupéfiants, ces ados en échec scolaire et en rupture du ban, se vengeaient de la société en abusant des passants qu’ils rackettaient, et en y prenant visible plaisir. Duozi regrettait ces excès inutiles, chaque fois suivis d’une riposte exacerbée des forces de l’ordre. À nombre d’occasions, ils avaient dû décamper dans la nuit, fuir en perdant plusieurs compagnons (arrêtés ou tués dans la débandade), et devoir y survivre plusieurs semaines au désert dans la faim et la soif, attendant que l’affaire se tasse. Un jour de 1996, quand Huan Kedai, le chef de bande, se fit prendre, suite à un rapt ayant mal tourné, Duozi n’attendit pas son tour, et quitta la bande.
Depuis six ans de cavale, à 20 ans, elle recherchait désormais la stabilité. Quelques semaines plus tôt, elle avait rencontré un grossiste de farine très prospère, fournissant un quart des épiceries d’Urumqi. Venant de perdre sa femme, ce quinquagénaire subjugué par sa vitalité, lui avait proposé de vivre avec elle, et elle avait dit « oui » – l’offre tombait au bon moment. Toute sa vie, Duozi avait consommé assez de « nan », ces galettes croustillantes grillées contre les parois de fours de terre cuite, pour reconnaitre à quel point cette denrée était essentielle.
Pas sot, le commerçant avait deviné qu’il ne la garderait qu’en l’occupant et en la formant. En quelques mois, Duozi avait appris à reconnaitre les différentes qualités de farine, à négocier les prix, alternant charme et autorité. Il l’avait présentée aux fournisseurs, aux acheteurs, aux compagnies de transport. Avec lui, elle achetait par camions entiers le froment du Xinjiang, de Mongolie, voire du Kazakhstan voisin, et alimentait épiceries et souks de la ville. Dès 2003 à 27 ans, elle était à même de gérer des commandes en dizaines de tonnes, l’équivalent d’une semaine de consommation pour le quartier entier.
Dès lors, il était temps pour elle de reprendre son indépendance. Elle voulait à présent se mettre à son compte et conquérir d’autres marchés, d’autres villes moins desservies. Seulement voilà, l’absence d’éducation lui manquait cruellement. Plus elle grandissait, plus le calcul des coûts, des taxes la dépassait. Elle commençait à se tromper, perdre de l’argent, risquer la catastrophe. Déjà, deux camions avaient été livrés aux sacs invendables, grouillant de charançons. Elle s’était laissé gruger, les boulangers exigeaient le remboursement sous peine de porter plainte…
Aux abois, Duozi avait imaginé de fuir une fois de plus – mais cette fois, en emportant la caisse. Bien sûr ce faisant, elle retournerait à la clandestinité et cette fois, serait poursuivie par une nuée de happe-chairs, plaignants, avocats et gendarmes pour cette carambouille, délit beaucoup plus grave que les 400 coups de sa jeunesse. Mais enfin, elle en était persuadée, elle saurait brouiller les pistes : n’était-elle pas la plus futée, et sa chance, qui jamais ne l’avait trahie, continuerait à lui être fidèle !
Aussi, à tous ses fournisseurs, en mars 2004, elle avait acheté en masse et au prix fort. À tous ses clients et au-delà, elle avait vendu à prix d’appel, bien en dessous du prix d’achat. Le principe était qu’elle ne livrait qu’au comptant, mais n’honorait la commande qu’à terme. Et puis une fois tout le stock vendu, elle avait simplement disparu avec la caisse, se sauvant par autobus successifs jusqu’à l’autre bout du pays.
Mais c’était compter sans le grand ordinateur du sommier national, qui recensait toutes les fraudes en temps réel. Elle avait cru se mettre à l’abri à 4500 km de là, à Suzhou (Jiangsu), avec les liasses de billets bien planquées dans son cabas. Mais à la police, il n’avait fallu que 15 jours pour remonter à elle, au terme d’une enquête d’autant plus facile qu’elle voyageait sous une carte d’identité grossièrement maquillée. Ramenée à Urumqi, délestée de son magot, elle se retrouvait prestement jetée en détention, condamnée à 10 ans de prison, « comme elle le méritait selon la loi » (赏罚严明, shǎngfá yánmíng).
Mais pour cette fille battante et intrépide, la vie s’arrêtait-elle vraiment là ? C’est ce que l’on verra, au prochain épisode !
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