Editorial : Deux chants du cygne

Depuis quelques temps, la Ligue de la Jeunesse (« tuanpai » 团派), l’ex-base de pouvoir de Hu Jintao (le prédécesseur de Xi Jinping) est en chute libre. Son secrétaire général Qin Yizhi vient d’être « promu » à un poste inférieur. De plus, la Ligue est accusée d’« élitisme », faute qui ne pardonne pas. Début septembre, elle créait deux comptes Twitter, portail social  bloqué en Chine—tout comme le Quotidien du Peuple qui ne craint pas de s’y trouver. En deux semaines, les comptes de la Ligue furent suivis par 2000 abonnés chacun, republiant des articles de la presse chinoise. Et puis soudain, la Ligue dénonça leur existence, réclamant leur fermeture : ils étaient « faux ». Que faut-il en penser ? Soit l’organisation mourante a ouvert ces comptes pour se battre, soit d’autres factions les ont ouverts pour mieux l’enterrer. Dans les deux cas, c’est un chant du cygne, annonçant sa disparition prochaine.

Autre probable chant du cygne, celui de Wang Qishan, maître de la police du Parti (CCID). Wang, à 69 ans, devrait se retirer lors du XIX Congrès d’octobre—la rumeur l’affirme.
Le 20 septembre, Wang recevait la  visite de Lee Hsien Loong, 1er ministre de Singapour (cf photo), venu à Pékin pour réconcilier les deux pays après six mois de bisbille. Or, Wang se laissa aller à une confidence insolite,  se plaignant que « s’opérer soi-même d’une maladie, est un acte de difficulté mondiale ». On peut l’interpréter comme une référence à la campagne anti-corruption et à la difficulté pour le Parti de chasser seul ses brebis galeuses, sans une justice indépendante pour les condamner, ni une presse libre pour les dénoncer. Wang aurait ainsi fait un genre de testament politique, critiquant implicitement le Parti. Très rare, ce type d’acte intervient toujours à la veille de la retraite. Dans les années ‘90, Qiao Shi en avait fait un à quelques mois de sa retraite de Président de l’Assemblée : il avait alors livré un plaidoyer pour le renforcement des pouvoirs du Parlement…

La rumeur prête déjà un successeur à  Wang : Li Zhanshu, 67 ans, directeur du secrétariat général du PCC, et le très discret bras droit de Xi Jinping qui l’accompagne lors de ses déplacements à l’étranger.

À moins d’un mois du XIX Congrès, les préparatifs se hâtent lentement, distillés jour après jour par la presse : la Constitution du Parti Communiste va enchâsser la pensée de Xi Jinping, comme elle l’a fait à chaque fin de 1er quinquennat de chaque dirigeant. Pour Jiang Zemin, c’était la théorie (absconde) des « trois représentativités ». Pour Hu Jintao, c’était celle (peu claire) du « développement social scientifique ». Pour Xi Jinping, elle s’appellera la « sinisation du marxisme et la nouvelle gouvernance ». La question sera de savoir si l’inclusion se fera sous son nom. Si tel est le cas, Xi Jinping rejoindrait Mao Zedong et Deng Xiaoping en leur Panthéon, ce que Jiang et Hu n’ont pas pu faire.

Derrière ces subtilités sémantiques se cache la guerre de succession. L’enjeu pour Xi est d’obtenir après 2022 un 3ème quinquennat, ce que la Constitution interdit et ce dont les hautes sphères se méfient, craignant le retour au culte de la personnalité qui avait failli renverser le régime dans les années ‘60.

De source nippone généralement bien informée, le plan de Xi consisterait en  un nouveau système d’élection des secrétaires du Parti des provinces, plus ouvert, avec plusieurs candidats. Si le système fait ses preuves, il serait appliqué dès 2022 au niveau national : les candidats seraient alors automatiquement les membres du Comité Permanent, qui n’auraient plus de rangs de préséance, tous égaux, et que le meilleur gagne… Bien sûr, Xi compterait sur son talent, et surtout sur tous les organes et les hommes lui ayant juré loyauté, pour emporter la mise, le jour venu.

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