Restrictions aux voyages d’ici la fin octobre (test PCR de moins de 48h exigé pour tout déplacement en Chine), filtrage des entrées de la ville de Pékin et lancement d’une campagne de purge sur la toile des rumeurs liées aux « réunions politiques »… Aucun doute, voilà venu le temps du XXème Congrès du Parti qui s’ouvrira le 16 octobre – le 7ème et dernier Plénum du XIXème Congrès débutant quelques jours plus tôt, le 9 octobre.
À ce jour, très peu de détails ont filtré sur les préparatifs de l’événement. Cependant, grâce à un communiqué de Xinhua (dont le directeur a promis de ne pas dévier « une seule minute » des instructions du Secrétaire général Xi Jinping) relatant une nouvelle réunion du Politburo le 9 septembre, le public sait désormais qu’un nouvel amendement à la Constitution du Parti (et non de l’État) sera à l’ordre du jour, sans toutefois préciser lequel.
Ce n’est pas exactement une surprise : la charte du PCC a été amendée à chaque Congrès depuis sa fondation en 1921. En 2017, lors du XIXème Congrès du Parti, une annonce similaire avait précédé l’inscription dans la constitution de « la pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour la nouvelle ère » – un tour de force que ses deux prédécesseurs, Hu Jintao et Jiang Zemin, n’avaient pas réussi, leur nom n’apparaissant pas.
Cinq ans plus tard, il pourrait cette fois s’agir de raccourcir cette dénomination pompeuse (de 16 caractères à 5), de manière à donner davantage de poids symbolique au corpus idéologique de Xi Jinping, le plaçant ainsi un cran au-dessus de la « théorie de Deng Xiaoping » et le rapprochant de la « pensée de Mao », largement ancrée dans la conscience populaire.
Cette élévation pourrait aller de pair avec l’intégration à la constitution du concept des « deux établissements » (两个确立), qui marque la prééminence de Xi Jinping en tant que « noyau » (核心) du Parti et érige « sa pensée » comme ses principes directeurs. Cet amendement serait également l’occasion d’élaborer davantage les théories du leader mises en avant ces cinq dernières années, comme le concept de « prospérité commune » ou encore le principe de « gouvernance par des patriotes » imposé à Hong Kong.
Autres possibilités : l’octroi à Xi Jinping du surnom de « leader du peuple » (人民领袖) ou de « timonier » (舵手) ou encore la résurrection du statut de Président du Parti, un titre uniquement réservé à Mao, aboli par Deng Xiaoping en 1982.
Quel que soit l’amendement apporté, il viendra renforcer le statut suprême du leader et le caractère intouchable de ses politiques.
À ce stade, rares sont ceux qui doutent encore que Xi Jinping obtienne un troisième mandat en tant que Secrétaire général du Parti (et donc de Président de la RPC). Pourtant, selon Cai Xia, professeure à l’École Centrale du Parti de 1997 à 2012 et réfugiée aux États-Unis après avoir critiqué le leader, un vent de contestation serait en train de grandir au sein de l’élite chez ceux qui regrettent l’abandon du principe de collégialité établi par Deng Xiaoping, puis respecté (voire renforcé) par Jiang et Hu.
Dans un commentaire publié le 9 setembre par Foreign Affairs, elle juge néanmoins ce mécontentement interne insuffisant pour contrecarrer son couronnement, chacun se retrouvant pris au piège de sa propre corruption.
Une fois que Xi Jinping aura décroché son 3ème mandat, l’intellectuelle en exil s’attend donc à ce qu’il poursuive ses politiques économiques étatiques, renforce le contrôle social, isole encore plus la Chine du reste du monde, et continue à éliminer tout rival potentiel.
Enhardi par sa réélection et en même temps convaincu d’être perpétuellement menacé en interne, le leader pourrait très bien prendre des décisions encore plus radicales, comme accélérer la militarisation des zones disputées avec ses voisins, voire attaquer Taïwan … Ainsi, le pays se retrouverait piégé dans un cercle vicieux dans lequel Xi réagit plus ou moins brutalement aux menaces perçues dans le seul but de se maintenir au pouvoir.
Outre une fine analyse des enjeux liés à la réélection de Xi Jinping ainsi qu’une précieuse description du processus de décision au plus haut niveau, ce commentaire de Cai Xia regorge d’anecdotes personnelles sur le leader.
Elle y décrit l’ascension au pouvoir du dirigeant non pas grâce à son talent, mais grâce à l’aura de son défunt père Xi Zhongxun, l’un des compagnons de Mao ; le plaidoyer de sa mère auprès de Jia Qinglin, alors secrétaire du Parti au Fujian, pour qu’il soutienne l’avancement de son fils (ce qui explique que Jia, notoirement corrompu, ait été épargné par l’impitoyable campagne de Xi) ; la forte susceptibilité du Président et son manque de tolérance vis-à-vis des opinions des autres, causés selon elle par un profond complexe d’infériorité lié à son manque d’éducation, notamment perceptible à son emploi d’expressions truculentes faute de références plus littéraires ; les récriminations du vice-président Wang Qishan, pourtant initialement proche du leader, face au comportement d’empereur moderne de Xi avec les autres membres du Comité Permanent ; ou encore sa dangereuse tendance au micro-management, insistant personnellement à ce que Shanghai et d’autres villes soient placées en confinement strict… Un récit rare et instructif sous bien des aspects.
Sommaire N° 31-32 (2022)