Portrait : Le cas « Li Qiang », patron de Shanghai

Le cas « Li Qiang », patron de Shanghai

Cet article est le 3ème d’une série consacrée aux leaders de demain qui sera publiée à chaque numéro du Vent de la Chine d’ici l’ouverture du XXème Congrès le 16 octobre prochain. À l’occasion de cet événement politique hors du commun, nous publierons une étude offrant une analyse des rapports de force en présence et les portraits des 25 dirigeants les plus influents du pays pour les cinq prochaines années. Un éclairage indispensable pour mieux comprendre les arcanes du pouvoir chinois et les orientations politiques qui en découlent – à paraître fin 2022 (600 euros). Pré-commandez-la dès maintenant en nous contactant ! Pour retrouver un aperçu de notre précédente étude réalisée lors XIXème Congrès en 2017, cliquez ici. 

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Le cas « Li Qiang » est l’un des nombreux mystères qui planent sur le XXème Congrès. En tant que secrétaire du Parti de Shanghai, sa promotion au Comité Permanent était quasi assurée, tous ses prédécesseurs sauf un (tombé pour corruption) ayant intégré le pinacle du pouvoir ces 25 dernières années. C’était sans compter sur la débâcle du confinement de Shanghai au printemps dernier : va-t-elle lui coûter sa place ?

Né en 1959 à Rui’an, petite cité industrielle du Zhejiang (1,2 million d’habitants), Li Qiang (李强), est un cadre discret, voire effacé. Avide de connaissances, il retourna six fois aux études (mécanisation agricole, sociologie, management de l’ingénierie, économie internationale…) durant sa carrière, ce qui lui a permis de sortir du lot.

En 2001, Li Qiang monte à Pékin pour suivre une formation réservée aux cadres talentueux à l’école Centrale du Parti. L’année suivante, il est de retour au Zhejiang, comme Secrétaire de Wenzhou. Puis, de 2003 à 2007, il devient le chef de cabinet du n°1 de la province, qui n’est autre que… Xi Jinping.

C’est ainsi que Li devient membre de la « nouvelle armée du Zhijiang », l’équipe des anciens collaborateurs dévoués au futur chef de l’État, rencontrés dans cette province. Comme un long fleuve tranquille, il passe alors vice-secrétaire du Zhejiang en 2011, puis gouverneur en 2013. En 2016, à la faveur de la campagne anti-corruption dans la province voisine, le Jiangsu, Li Qiang obtient le poste tant convoité de Secrétaire provincial, à 57 ans. 

Seize mois plus tard, lors du XIXème Congrès de 2017, Li poursuit son irrésistible ascension : il intègre le Bureau Politique et prend la tête de Shanghai, relayant Han Zheng, monté au Comité Permanent. C’est une petite révolution : c’est la première fois en plus de 20 ans que Shanghai n’est plus aux mains du « gang » de l’ancien président Jiang Zemin.

Li Qiang aura pour mission de faire décoller la zone de libre-échange de Pudong qui végète depuis sa création en 2013 et d’accélérer l’intégration de la région du delta du Yangtze entre Zhejiang, Jiangsu et Shanghai – provinces où il a ses contacts.

En tant qu’« espoir de la 6ème génération » , tout comme Hu Chunhua (59 ans), Chen Min’er (61 ans) et Ding Xuexiang (60 ans), Li Qiang avait toutes ses chances de monter au Comité Permanent lors du XXème Congrès de 2022, probablement en tant que vice-premier ministre exécutif, en remplacement de son prédécesseur, Han Zheng.

Mais ça, c’était avant le fiasco du confinement de Shanghai au printemps dernier, où Li Qiang se retrouva incapable de mettre en œuvre les consignes de son patron-protecteur Xi Jinping face à une opposition des cadres locaux. Plusieurs habitants mécontents de la situation réclamèrent d’ailleurs ouvertement sa démission sur les réseaux sociaux.

Cet épisode le privera-t-il d’une place au Saint des Saints ? Les analystes sont partagés. Certes, d’importantes flambées épidémiques ont déjà déraillé la carrière de bon nombre de (petits) cadres. Mais aucun d’entre eux n’avait la stature d’un secrétaire du Parti de Shanghai ni n’entretenait une vieille relation avec le secrétaire général du Parti.

D’ailleurs, depuis la crise sanitaire dans la « Perle de l’Orient », aucun signal ne laisse entrevoir que Li Qiang sera mis au placard ou rétrogradé. Lors du Congrès municipal en juin dernier, Li Qiang, fraîchement réélu, a déclaré « victoire » contre le virus tout en chantant les louanges de Xi. Si la lutte épidémique à Shanghai a été un tel « succès », alors pourquoi Li Qiang serait-il sanctionné ?

Autre aspect non négligeable : Xi Jinping a besoin de s’entourer au Comité permanent d’un maximum de fidèles. Or, « abandonner » Li Qiang reviendrait à envoyer un signal inquiétant à tous ses alliés quant à sa capacité à les protéger, ce qui pourrait pousser certains à rompre les rangs…  

Malgré les critiques visant la désastreuse gestion de crise de Li Qiang, notamment formulées par Han Zheng, l’ancien patron de Shanghai, le scénario le plus probable est que Xi fasse des compromis avec d’autres factions politiques de manière à assurer l’entrée de Li Qiang au Comité permanent. Ainsi, le sort de Li Qiang mais aussi son affectation seront l’un des baromètres les plus fiables de l’influence de Xi au sein du Parti.

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