Editorial : L’hiver en automne

Chaque automne, le gouvernement chinois anticipe les pics de pollution liés au chauffage de l’hiver. L’an passé, l’Etat voulut forcer des milliers de villages de Chine du Nord à abandonner le charbon au profit du gaz. Sauf que tous les raccordements au gaz n’étaient pas prêts à temps… Autre expression de cette guerre à outrance contre la pollution de l’air : le ministère de l’Environnement ferme depuis des années une à une des myriades de petites usines polluantes et inefficaces (chimie, ciment, papier…).

Or voici que depuis août, le gouvernement passe à la vitesse supérieure. Au Hebei et au Jiangsu, grandes provinces sidérurgiques, ce sont les aciéries géantes qui doivent fermer, quitte à aller se réinstaller plus loin, mais pas n’importe comment : fusionnées, plus propres, et de taille plus petite. À Tangshan (Hebei) (ville qui à elle seule produisait plus d’acier que les USA en 2017), Xinhua Metallurgy avale cinq rivaux, dont Guofeng, et part à Fengnan, un des 4 parcs industriels du Golfe de Bohai—les trois autres étant Caofeidian (site des aciéries pékinoises de Shougang depuis 2008), Canzhou et Jingtang. Dès octobre, à Fengnan, Xinhua Metal produira 7,9 millions de tonnes par an (en phase 1), soit 2 millions de moins que l’actuelle production des six groupes d’origine, mais le groupe compensera par un prix de vente plus élevé, s’agissant d’aciers spéciaux. D’ici 2020, le Hebei devra réduire de 20% sa coulée d’acier  à 200 millions de tonnes par an – sa part dans la production nationale aura baissé de 30% à 20%. Alors, les 10 plus gros acteurs devront représenter 60% de la production nationale contre 30% à présent. Plusieurs consortia de Tangshan sont actuellement en train de chercher fiévreusement leurs nouveaux sites, plus au Sud, entre Anhui et Guangxi. Mais clairement, les provinces prospères, telle le Guangdong, refusent d’avance.

Ces transferts et fusions des entreprises sont supposés se faire sur fonds propres—au risque de se retrouver surendettées—le secteur l’est déjà autour de 67%. Pour alléger la tâche, Pékin leur offre le droits de négociation directe avec les minéraliers extérieurs, et de fixation autonome  de leurs plafonds de pollution, adaptés à leurs nouvelles conditions locales. Quant à Tangshan qui se retrouve dépolluée mais exsangue, elle reçoit cette année 15 milliards de $ en soutien à la création d’activités. Tous ces efforts au Hebei s’avèrent payants : en août, pour la première fois, la province respectait la norme nationale d’émission de particules fines (fixée à 35 PM, 2,5µ), avec une moyenne de 31 PM / m3. De janvier à août, sa moyenne était de 54 PM,  18% de moins que 12 mois avant.

D’autre part, d’un point de vue idéologique, le régime traite la religion comme une forme de pollution « spirituelle », qu’il ne veut désormais plus tolérer que sous un avatar « sinisé », mettant au même niveau les mots d’ordres du Parti que ses dogmes. A travers le pays donc, une certaine campagne d’intimidation reprend.

Le 10 septembre à Pékin, l’église de Sion, une des plus importantes paroisses protestantes est interdite pour avoir refusé dans son sanctuaire le branchement de cameras de surveillance. Au Henan en un mois, ont été fermées et détruites une centaine d’églises, des douzaines d’autres étant harcelées – celles ayant déjà reçu leur agrément, ne sont pas épargnées. Les pasteurs sont invités à prouver leurs connaissances en « valeurs fondamentales socialistes ». Des directives apparaissent ce mois-ci, interdisant à toute paroisse de prêcher sur internet ou simplement de diffuser leurs prêches hors des sanctuaires. Cela dit, les communautés se défendent : à Zhengzhou (Henan, 9 septembre), des centaines de paroissiens de l’église protestante Dali empêchaient la fermeture de leur lieu de culte par la police. L’épreuve de force est engagée -n’ayant rien à perdre, les fidèles semblent prêts à tout.

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