Le 11 septembre au siège de l’ONU, les membres du Conseil de Sécurité se félicitaient après leurs sanctions à la Corée du Nord, suite à son méga-test nucléaire (3 septembre). S’arrachant à leur paralysie, ces nations si différentes estimaient avoir enfin réussi à trouver un accord « solide » et unanime.
Toutes sanctions cumulées (anciennes et nouvelles), Pyongyang perdait 90% de ses exportations de textile (un marché de 726 millions de $) et son droit à exporter de la main d’œuvre. Elle subissait également un embargo partiel et progressif sur le pétrole brut et produits dérivés (-30%), et total sur le gaz naturel. Elle ne recevrait plus que 2 millions de baril par an, via le pipeline chinois Dandong-Sinuiju, exempté de l’embargo sous la pression de Pékin et Moscou. En effet, il fallait éviter de pousser Pyongyang au désespoir. En même temps, Chine et Russie réitéraient leur hostilité bien connue à tout changement de régime, toute attaque militaire, tout réunification immédiate et tout franchissement de la Zone Démilitarisée. En arrachant l’exemption de son oléoduc, Pékin obtenait un avantage considérable : devenant le fournisseur exclusif d’or noir à Pyongyang, elle augmentait considérablement son bras de levier potentiel sur le Pays du Matin Calme.
Quelles seront les conséquences du blocus ? Il va évidemment bloquer l’essentiel de, voire toute la croissance nord-coréenne—à condition que tous les pays membres de l’ONU le respectent, et que la Corée ne trouve pas moyen de le contourner—par exemple en réétiquetant ses cotonnades comme « made in China ». Sans nul doute, le pays va souffrir, surtout sa population qui aura plus de mal à s’éclairer, faire sa cuisine ou se déplacer.
Par contre, les espoirs de D. Trump de contraindre Kim Jong-un à renoncer à la bombe, relèvent plus du rêve que de la réalité. Fanatisée, la population est prête à tous les sacrifices. En outre depuis 30 ans, le pays a évolué vers plus d’autonomie : les bus roulent au gazogène, les balcons portent des panneaux solaires, et le pays investirait dans la liquéfaction du charbon (une ressource abondante). De la sorte, selon l’AIE, la demande électrique nord-coréenne a baissé de moitié par rapport aux années ‘90.
Pékin est surement sincère dans son appel contre la guerre et le chaos. Outre le risque nucléaire sur son propre sol, elle risquerait de voir Pyongyang, avec ses 70 mini-sous-marins, bloquer la route du pétrole arabe vers Chine, Corée du Sud et Japon, 34% du marché mondial.
Mais contestant la thèse officielle chinoise, le professeur Jia Qingguo, de l’Université Beida, plaide qu’il est temps de se préparer avec les Etats-Unis à une guerre inévitable, de négocier le partage des tâches. Quelle armée pénétrerait en Corée du Nord ? L’APL, l’US Army, ou les deux ? Comment prévenir l’afflux de réfugiés ? Jia parle de faire créer par l’APL des camps dans une zone-tampon en Corée du Nord. Et surtout, quel régime en Corée du Nord pour remplacer l’actuel ? Questions qu’il laisse sans réponse… Quoique improbable, la coopération qu’appelle Jia, exprime les doutes à travers la Chine, sur la valeur d’une alliance avec la Russie, sur le dossier coréen. Jia rappelle, au fond, que sur l’influence future sur la Corée du Nord, qui est le nœud du problème, Pékin et Moscou sont moins alliés, que rivaux !
Néanmoins, les nouvelles sanctions votées au Conseil de Sécurité le 11 septembre ne semblent pas avoir eu grand effet. La preuve : 100 heures après (15 septembre), Pyongyang lançait un nouveau missile sur une trajectoire de 3700km vers le Pacifique – à portée de l’île américaine de Guam. C’est de plus en plus clair, un pays puissance nucléaire, armé jusqu’aux dents et n’ayant rien à perdre, ne se laissera pas « pacifier » comme cela. Inutile de le dire, la paix est encore loin.
1 Commentaire
severy
18 septembre 2017 à 16:01Il faudrait faire très vite afin d’éviter une énième famine de la population tenue en otage par le régime de Pyongyang. L’option militaire est tout-à-fait réalisable et ne prendrait que quelques heures mais le risque le plus grand est celui que court la population de la capitale sud-coréenne, à portée de l’artillerie nord-coréenne. Il s’agit de décapiter un régime aussi « chirurgicalement » que possible et ensuite de s’occuper des dizaines de millions d’habitants de ce vaste camp de prisonniers. Ca ne s’improvise pas. L’ONU devra s’inclure dans la gestion de cette « crise humanitaire ».