Petit Peuple : Jinjiang (Jiangsu) : Les débuts mouvementés de Feng Hewei (2ème partie)

Après la naissance du petit Hewei en juillet 2015 à Jinjiang, les grands-parents paternels Zhaoyan et Yuanlong donnèrent de leurs personnes pour aider Rudai comme Xiaoming à élever leur bébé.

En effet, les deux jeunes parents, désormais pris par un emploi fixe, ne pouvaient pas s’en occuper. Chaque matin, à peine la première tétée prise, le nourrisson était confié à la grand-mère par les parents qui venaient le reprendre le soir venu. Plus tard, quand l’enfant fut sevré, ils le laissèrent au vieux couple en permanence. Pendant que Yuanlong s’occupait du petit, Zhaoyan, contremaître dans une usine de motocyclette, devait travailler double pour faire face à cette charge nouvelle…

Les jeunes ne reprenaient le petit que le week-end, et de temps en temps dans la semaine. Ils ne s’annonçaient jamais. Mais cette vie en dent de scie pesait sur l’enfant, écartelé entre ses deux foyers : quand ses parents étaient à la porte, il se réfugiait dans les jupes de sa grand-mère et s’y agrippait en silence. Un jour, la grand-mère osa tenter d’en parler avec Rudai, lui demandant de faire son choix, reprendre l’enfant ou le laisser. Mais Rudai répondit rudement : « si vous n’êtes pas contents, on reprend Hewei pour de bon – il est à nous » – sur quoi la pauvre Yuanlong et même son mari s’étaient tus, humiliés! 

Entre les trois générations dans la famille, la vie se poursuivit cahin-caha, dans la tension et les non-dits.  Un matin du 14 janvier 2018, les parents de Hewei vinrent le prendre -comme d’habitude sans préavis-, promettant de le ramener en fin de journée. Mais le soir venu, les vieux attendirent en vain leur retour. Pour ne pas risquer une colère de leur fils, ils ne dirent rien, et attendirent. Ce n’est que le 3ème jour qu’ils osèrent venir sonner chez Rudai et Xiaoming où ils furent accueillis par un silence de glace. Ils appelèrent alors le propriétaire à l’étage du dessus : ce dernier leur déclara n’avoir plus vu les jeunes depuis le 14, jour où ils étaient passés prendre l’enfant. Avec sa propre clé, il ouvrit l’appartement de location, et le spectacle qui s’offrit alors à eux les laissa bouche bée : désert, le logis était dans un état de saleté indescriptible, et ses meubles et sa vaisselle brisée jonchaient au sol, comme s’ils avaient été le champ d’une bataille conjugale des mois auparavant.

Seule chose sûre, le petit fils avait été enlevé par les jeunes parents qui leur avaient « 混淆黑白 » ( hùn xiáo hēi bái – raconter des bobards). Cette disparition, et la trahison évidente, abasourdit les grands-parents, mais réveilla aussi leur esprit de résistance : il y avait urgence, il fallait retrouver ce petit. Suivant la suggestion de sa femme, le grand-père alla d’abord chercher leur soignant, qui connaissait la moitié de la ville. Hélas, ce médecin aux pieds nus n’avait rien entendu. Mais il promit d’activer ses réseaux et de les relancer dès qu’il saurait quoi que ce soit.

Ensuite, ensemble, les deux vieux allèrent sonner à toutes les portes du voisinage. Ils recopièrent des centaines d’affichettes de disparition, qu’ils allèrent encoller aux poteaux et aux arrêts des bus. Zhaoyan appela les journaux, les portails internet, le Journal de la jeunesse, le Nánfāng Zhōumò (南方周末) et CCTV – quelques journalistes publièrent leur histoire.

Puis débuta l’interminable attente. De rares témoignages se proposaient, la plupart fantaisistes, certains à titre onéreux. L’un prétendait avoir vu le couple et l’enfant à Canton, l’autre savait leur adresse à Wuhan, l’autre aurait vu le trio sur la benne d’un camion en route pour Chongqing… D’autres leviers plus sérieux apparaissaient, telle « Bǎobǎo huí jiā » (宝宝回家, « Bébé rentre à la maison »), l’agence bénévole nationale qui entra Hewei dans son système informatique, avec photos et fiche signalétique, prête à détecter toute adoption suspecte correspondant aux données.

Pourquoi, durant tout ce temps, Zhaoyan et Yuanlong ne contactèrent-ils pas la police ? Parce que la grand-mère tenait malgré tout à ne rien faire qui porte son fils Rudai en prison. Et puis tant que l’un ou l’autre restait absent, on ne pouvait dire pour sûr ce qu’il s’était passé – Rudai et Xiaoming étaient peut-être innocents, qui sait ?

Pendant tout ce temps, les grands-parents gardaient leur résilience, s’encourageant mutuellement pour ne jamais baisser les bras. Leur existence n’avait plus qu’un sens, un espoir ténu : rechercher et retrouver leur petit. Un jour, ils en étaient sûrs, sortirait le détail salvateur… Durant leurs insomnies chaque nuit leur apparaissait Hewei dans ses attitudes d’avant sa disparition, avec sa chaleur enfantine et sa tendresse : comment un jour, il avait dit au grand-père qui enfourchait sa moto : « conduis doucement, pas d’accident, hein ? ». Zhaoyan se rappelait aussi comment chaque soir après dîner, le petit allait lui porter son mug de thé dans son fauteuil, où il le sirotait précieusement, inconscient du drame qui approchait à grands pas…

Après un an d’attente stérile, vint enfin le miracle inespéré. Le médecin de l’ombre réapparut, porteur d’une nouvelle qui fit l’effet d’une bombe : Rudai leur fils était en détention préventive à Fuzhou, pour trafic de stupéfiants. Aussitôt, Zhaoyan bondit au tribunal, pour obtenir un droit de visite. La piste du petit-fils qui passait par Rudai, était de nouveau visible, fraîche. Le grand-père y croyait dur comme fer : une fois face à son fils, il saurait comment retrouver l’enfant -d’une manière ou d’une autre !

L’espoir sera-t-il une nouvelle fois déçu ? Plus qu’une semaine à attendre, cher lecteur, et promis, vous saurez tout !

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