Automobile : L’EV, voiture électrique en Chine sur les plots de départ

Autour du véhicule à énergie nouvelle (VEN), 100% électrique (EV), hybride ou pile à combustible (hydrogène), l’Etat multiplie normes et règlements, indice d’une bataille qui s’engage pour la conquête du marché chinois, voire mondial.

En 2020, Pékin veut voir ses entreprises écouler 2 millions de VEN, le quadruple du chiffre de 2016, puis 5 à 10 millions en 2025 (« 20% du total ») et 15 millions vendus en 2030, 40% des ventes de tous véhicules attendues d’ici là. En conséquence, l’effort suit aussi, concernant les « postes de recharge » : de 57.000 en 2015, ils passeront à 80 millions en 2030, soit un par voiture électrique sur les routes à échéance.

La Chine veut tout miser sur cette filière d’avenir afin de s’assurer une part majoritaire du marché, après avoir vainement tenté de percer depuis 20 ans sur celui de la voiture à essence. La stratégie consiste à battre de vitesse une concurrence étrangère qui n’a pas vu venir les progrès de la batterie (en coût et en capacité) et pensait différer de 10 ans l’avènement de l’électrique. Dans un plan concerté entre ses ministères, Pékin crée de toute pièces un puissant marché local de VEN, pour l’élargir ensuite au monde. Depuis 2011, plus de 43 milliards de $ ont été versés en subventions au développement, à la construction et à l’achat de véhicules de cette filière, dont 15 milliards de $ en primes à l’achat, obtenant ainsi pour les seules EV une hausse des ventes de 75% (à 257.000) et pour tous VEN confondus, à 507.000.

Toutefois cet effort n’enregistre pas que des succès. La distribution des fonds a créé un appel d’air, attirant 169  constructeurs opportunistes, parfois sans nulle technologie, ni même moyens d’investir. D’énormes fraudes s’en sont suivies. En octobre 2016, 25 groupes ont été dévoilés et taxés, parmi lesquels Lifan et Hengtong (Chongqing), mais aussi Nissan et Hyundai. Sur les 4000 modèles de VEN déposés, seul un quart fut construit. La majorité est de technologie locale, à bas coût, faible autonomie, vitesse et connectivité. Ce dernier point est pourtant l’essentiel d’une EV, lui permettant d’intégrer les services et l’assistance à la conduite. De plus, la jungle de modèles va avec une pléthore de normes bloquant l’interconnexion des différents acteurs et fonctions du véhicule -batterie, moteur, internet embarqué, radars, signalisation mobile…

Aussi l’Etat met le holà. Au 1er janvier, les subventions à la vente ont baissé de 40% – elles disparaîtront en 2021. Les primes provinciales ne peuvent plus dépasser 50% de celles de l’Etat, et elles sont conditionnées à des performances : consommation, pollution, autonomie, sécurité. Les EV à basse vitesse (moins de 100km/h) sont à leur tour soumises à des normes—les constructeurs incapables de s’y conformer, seront fermés.

 Un exemple typique est Suda, de Sanmenxia (Henan). Fondé en 2011,  Suda prétendait atteindre en 2017 une capacité en EV de 100.000 voiturettes par an. En 6 ans, la firme a été soutenue par un milliard de yuans au bas mot, sans compter de nombreux avantages tels le terrain gratuit. Et pourtant l’usine exsangue est presque en faillite…

En terme d’EV, la Chine tient par contre un joyau avec Faraday Future, du milliardaire chinois, Jia Yueting (aussi CEO de LeEco, autre constructeur émergent). Cise à Garden en Californie, la firme a été active à débaucher des talents chez Google et autres groupes de l’univers connecté, pour dessiner la FF91 présentée au salon CES de Las Vegas, qu’elle veut commencer à livrer en 2018. Elle fit sensation, grâce à son un design onirique (cf photo) et ses performances à couper le souffle –mais pas toujours vérifiées : 100km/h en 2,4 secondes, 600km sans recharge, un parking autonome, des alertes par hologrammes sur le pare-brise et des portes sans poignées, s’ouvrant à l’approche du conducteur… De plus, le groupe à bout de ressources, cherche un nouvel investisseur, pour 1,4 milliard de $. L’avenir n’est pas assuré !

Et les constructeurs étrangers ? Aujourd’hui, tous ont le regard vissé sur la Chine, mais se gardent de faire la moindre annonce. Partenaire de BYD (le n°1 chinois de l’EV), Daimler parle d’ouvrir une usine locale de batteries – mais non d’une usine d’automobiles. En partenariat avec Dongfeng, PSA assure, sans précision, avoir ses modèles prêts pour 2020. VW prépare 8 VEN, dont la moitié sous sa marque, le reste sous les griffes de sa filiale Audi et d’un nouveau partenaire, JAC. Et Toyota ouvrait en décembre un centre de R&D en EV.

RenaultNissan se dévoile le plus, et prend le plus de risques, comme pour rattraper son retard relatif sur les autres sur ce marché chinois : Carlos Ghosn, le PDG, y promet sous deux ans une EV dérivée de la Leaf (Nissan), à très bas prix (8000 $), sans subvention.
La discrétion des constructeurs étrangers, est leur réponse à la stratégie chinoise de protection des industries locales. Certaines technologies ont été résolument écartées, notamment en batteries où coréens et japonais étaient les plus avancés, et le plan crédit carbone du Ministère des Industries et Technologies de l’Information avantage les marques du Céleste Empire. Le plan décennal « made in China 2025 » nourrit aussi clairement le but d’accélérer voire forcer le transfert de technologies, ce que les marques étrangères doivent à tout prix éviter, faute de disparaître. Demain, le marché chinois (et le marché mondial) ne laissera pas de place pour tout le monde…

La stratégie chinoise est donc agressive, mais elle peut se retourner contre ses bénéficiaires : si ces derniers sont empêchés de faire un partenariat « marché local, contre technologie occidentale » avec leurs rivaux étrangers, … Sous cette perspective, il est intéressant de remarquer que le plan du Conseil d’Etat du 17 janvier de promotion des investissements étrangers, passe sous silence le marché automobile. 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
1.07/5
14 de Votes
Ecrire un commentaire