Un grognement porcin lointain le rappelle : le Nouvel An lunaire s’en vient, sous le signe du Cochon. A telle occasion, l’Etat ne manque pas de saupoudrer sa presse de nouvelles insolites et joyeuses, pour égayer le peuple et le distraire de ses soucis.
Parlant de Lune, on nous informe du dernier succès de Chang’e-4, la mission atterrie début janvier sur son pôle sud, inhabitée mais néanmoins dotée d’organismes potentiels. Une mini-serre étanche a été installée sur sol lunaire, sous atmosphère confinée, contenant une série de graines et d’œufs de moucherons. Or 15 jours plus tard, un responsable de la mission annonce la germination des semences de coton.
Cette réussite s’est avérée éphémère : la jeune pousse n’a tenu que 48h—fauchée sans doute par la glaciation féroce des nuits sélènes. N’empêche, c’est un premier pas vers la conquête d’un écosystème autonome sur notre satellite, et les quatre prochaines missions de la série, cette année, poursuivront ces explorations, surtout au pôle sud lunaire, en prélude à la construction d’une base permanente « ouverte à d’autres nations ». Le coût d’une telle mission est évalué autour de 100 millions d’euros, à « un kilomètre de métro ». Parmi les technologies qui seront testées, figurera l’impression en 3D, moyen possible de construction de la station. Aujourd’hui, la mission est au repos pour 15 jours d’obscurité complète. A son réveil, Yutu-2 (le char lunaire) reprendra sa piste exploratoire vers le nord-ouest (lunaire) !
Un autre site inattendu de culture maraîchère est la prison de Qincheng (cf photo), au nord de Pékin, au pied des monts Yanshan. Le jardinier n’est autre que Zhou Yongkang, qui durant 10 ans, fit trembler la moitié du pays comme redouté maître de toutes les polices de l’empire. En prison à vie pour « corruption », il est l’un des « tigres » les plus notoires, dont le Président Xi Jinping avait juré de débarrasser la Chine. Zhou se partage l’endroit (mais non la cellule) avec d’autres condamnés célèbres, tels Wang Lijun l’ex-chef de police de Chongqing, et Bo Xilai, qui fut le patron absolu de cette même métropole. Gu Kailai, l’épouse de Bo, condamnée à la perpétuité pour l’assassinat d’un homme d’affaires britannique avec la complicité de Wang, purge sa peine un peu plus loin à Yancheng.
Tous sont placés sous la férule plutôt douce (selon la presse chinoise) du ministère de la Sécurité Publique. C’est une exception à l’entièreté de la population carcérale chinoise, qui relève du ministère de la Justice. Pour cette poignée de prisonniers célèbres, les cellules font 16m², et ils ont droit à des loisirs, tel le jardinage ou la calligraphie, passe-temps de Bo et de Wang. Dispensé de tenue à rayures, Bo porte les costumes de drap anglais du temps de sa gloire. Wang, lui, polit son anglais – il pourrait s’en servir, à sa sortie en 2027.
La dernière nouvelle est moins réjouissante. Depuis Tallinn (Estonie, ex-république soviétique), la firme HackenProof vient de détecter une base de données chinoise non protégée, qui abritait les CV complets et précis de 202 millions de demandeurs d’emplois chinois. Bob Diachenko, l’enquêteur-chef, n’exclut pas que l’inquiétante compilation ait pour auteur un portail de recherche d’emplois comme BJ.58.com.
Ce dernier nie, et propose une autre explication : les CV auraient été grappillés sur divers sites de services exigeant à l’entrée l’identité des clients, tel 12306.com, le très populaire portail de réservation des chemins de fer chinois, ou Huazhu, qui gère des milliers d’hôtels à travers le pays. Une fois dévoilée par HackenProof, la base de données a disparu de son hébergement sur le cloud d’Amazon—après avoir été copiée au moins 12 fois. Mieux que des grands discours, cet incident dévoile le manque de protection des données privées des citoyens chinois.
Sommaire N° 3 (2019)