Cette fois, ça y est ! Carrefour, n°4 de la grande distribution en Chine, a trouvé ses partenaires : le géant de l’internet Tencent et le n°5 Yonghui (dont Tencent a repris 5% de parts pour 638 millions $). Ils recapitaliseront Carrefour pour un montant encore non dévoilé. Ensemble, Yonghui et Carrefour alignent 820 supermarchés, et sont complémentaires, le premier réputé pour ses produits frais, et le second pour ceux importés et déjà conditionnés. Face à l’émergence fulgurante du e-commerce, l’avenir de Carrefour en Chine s’annonçait difficile sans alliance (au 4ème trimestre 2017, ses ventes reculaient encore de 5,3%). Tencent, grâce au 1 milliard d’usagers de son application WeChat, a l’ambition de rattraper les deux géants du commerce en ligne Alibaba et JD.com, dans la course au dernier bastion de la distribution qui leur échappe encore, celui des produits frais. Ainsi Alibaba s’est récemment allié à Sun Art (la co-entreprise de Auchan et Ruentex, qui contrôle 15% du secteur), et JD.com à Wal-Mart. Voici donc trois leaders du commerce physique, en couple avec trois géants du commerce en ligne ou des réseaux sociaux ! Suite à ces alliances, des techniques inédites de vente et de logistique émergent, tel ce pop-up store lancé par WeChat à Shanghai le 22 janvier, sans employés, le paiement des articles se faisant par scan d’un QR code, puis à terme par reconnaissance faciale. Ou encore cette « blockchain » créée par IBM et l’université Tsinghua pour Wal-Mart et JD.com, visant à assurer la traçabilité des produits à toutes les étapes. En effet, chaque maillon (producteur, transporteur, distributeur) de la chaîne inscrit ses données dans un bloc, infalsifiable et sécurisé, qui est ensuite partagé avec les autres acteurs. Ainsi, de la ferme aux rayons, tout produit pourra justifier en temps réel de son respect des normes (de froid, d’emballage…), réglant ainsi tous les problèmes de réfrigération, de contamination, de vols de marchandise, de réétiquetage ou tout autre manœuvre frauduleuse…
D’ailleurs, une gigantesque fraude agite la presse et les réseaux sociaux depuis le 26 décembre. Ce jour-là se rendit à la police de Nankin, Zhang Xiaolei, 49 ans, charismatique fondateur de Qbao.com, plateforme d’épargne qui faisait miroiter depuis 2012 aux investisseurs des rendements jusqu’à 80%. La CCTV locale en avait même vanté les mérites. Incapable de payer les intérêts dus, Zhang n’eut d’autre choix que de révéler son trafic pyramidal, ayant siphonné 70 milliards de ¥ en cinq ans, et ayant floué jusqu’à 10 millions d’utilisateurs actifs quotidiennement… Cette affaire met en lumière de profonds dysfonctionnements des institutions chinoises.
Soudain remonte aussi l’affaire Gui Minhai, cet ancien ressortissant chinois devenu citoyen suédois, qui avait disparu lors de vacances en Thaïlande en 2015, pour réapparaître emprisonné en Chine. Aucun doute, ce kidnapping était illégal. Mais Gui avait pris de gros risques, puisqu’il gagnait sa vie à Hong Kong en éditant des ouvrages licencieux autour de la vie privée de leaders chinois. Depuis sa libération en octobre 2017, Gui était assigné à résidence à Ningbo, sa ville natale, en attendant son procès pour diffusion d’ouvrages illégaux – la justice chinoise semble retenir le fait que la plupart des ouvrages achetés par des touristes chinois à Hong Kong, retournaient sur le continent. En accord avec la police, Gui s’était rendu plusieurs fois à Pékin pour renouveler son passeport. Mais le 20 janvier, c’est sans accord, et accompagné de deux diplomates suédois qu’il monte à bord d’un train pour Pékin, pour se rendre à son ambassade « pour se soumettre à une visite médicale », souffrant d’une maladie neurologique développée en détention. Il est appréhendé en chemin, accusé d’avoir « transgressé la règle ». Depuis, la Suède et l’Union Européenne protestent. Dans cette péripétie, bien des chosent restent floues. Chaque bord a mal évalué l’acceptabilité de son action aux yeux de l’autre. Les deux parties devront faire preuve de souplesse pour se sortir de « ce pétrin » !
Sommaire N° 3 (2018)