Le 28 août, Xinhua publiait l’inquiétude du Président Xi Jinping à propos de la myopie, « affectant l’avenir de la nation ». 50 à 60% des élèves chinois en moyenne souffrent de myopie – bien plus, en proportion, que les jeunes européens.
A cela, ophtalmos et sociologues voient deux causes :
– à la lecture, l’idéogramme fatigue davantage que la lettre d’alphabet, parce que contenant plus d’information à surface égale. Le mal empire sur écran – or la plupart des devoirs se font sur tablette électronique ;
– d’autre part le « petit dragon », enfant unique gâté à la maison, peut s’adonner sans fin aux jeux vidéos.
Dès le 30 août, le Conseil d’Etat annonçait un plan anti-myopie juvénile, signé de 8 ministères dont ceux de la santé et de l’éducation. Avant 2030, la myopie devrait toucher moins de 3% des tout-petits, moins de 38% des collégiens, de 60% des lycéens et de 70% des étudiants. Modeste, l’objectif vise un recul de 1 à 2% en moyenne. Les jeunes devraient passer plus de temps à l’extérieur, et moins devant les écrans. Cadres en charge et enseignants devraient voir une part de leur note d’évaluation dépendre du contrôle de la myopie chez leurs élèves.
Un plan vertueux, mais fonctionnera-t-il ? Parents et professeurs sont déchirés par leurs contradictions. Moins travailler sur écran, c’est faire moins de devoirs. Comme conséquence, les parents craignent une baisse des résultats scolaires de leur enfant, ce qui menacera leur carrière au profit de ceux ayant passé des heures à potasser. De même, l’école ayant décidé d’alléger les devoirs aura de moins bons résultats, devra réduire ses frais d’inscription, perdra ses meilleurs professeurs, le tout, au profit de l’établissement voisin…
24 heures après l’annonce du plan, le groupe Tencent perdait 5,3% en un jour en bourse de Hong Kong. Cette « locomotive du jeu en ligne chinois » (40% des revenus du groupe), « pesait » au premier trimestre 9,4 milliards de $. C’était une manière d’avertir le groupe d’orienter ses produits futurs vers d’autres directions.
Déjà le 10 août, Tencent avait perdu sa licence pour son tout nouveau jeu en ligne, « Monster hunter », d’origine nippone, pour lequel il venait d’enregistrer un million de commandes anticipées en un mois. Ainsi, bien malgré lui, Tencent devenait précurseur dans la lutte nationale contre la myopie infantile –mais ne craignons pas trop pour Tencent, en Chine, rien n’est jamais définitif.
Sommaire N° 29-30 (2018)