Histoire : Que faire de Mao ?

Le 9 septembre a été occulté par les autorités, en dépit de la portée historique de la date, l’anniversaire de la mort de Mao Zedong. C’est que 40 ans après sa disparition, le Grand Timonier hante les consciences.

Selon Jeff Wasserstrom, spécialiste de l’ère maoïste, Mao déchire la rue, entre le chômeur glorifiant le héros du « bol de riz d’acier » (de l’emploi à vie) ; le jeune ignorant de l’histoire, persuadé que Mao était le champion d’un harmonieux égalitarisme; et l’intellectuel torturé durant la Révolution culturelle, qui dénonce les dizaines de millions de victimes de son inconscience ubuesque.

Le culte de la personnalité n’est pas mort, même s’il s’érode. A Shaoshan (Hunan), ville de naissance du co-fondateur du PCC, s’est tenue le 9 septembre, avec force de drapeaux rouges, une manif « maoïste » ambiguë, entre un dernier carré de fidèles aux cheveux blancs et des hommes congédiés sans solde par les dizaines d’usines de statuettes Mao, en faillites. En face, matraque en mains, les policiers avaient fort à faire pour contenir la foule.
En plus des nostalgiques et des détracteurs, existe la catégorie la plus puissante : celle des grandes familles rouges. Pour Frank Dikötter, autre expert du Timonier, elles voient Mao comme un « secret de famille ». La plupart étaient de son vivant proches de Mao, impliquées au pouvoir : elles ont autant intérêt à maintenir la gloire et la légende, qu’à décourager toute analyse rationnelle et neutre de son action et de son héritage.

En janvier, les « nostalgiques de Mao» au Henan, avaient eu la douleur de voir leur statue dorée de 36m de haut de leur héros (cf photo), dynamitée par l’Etat faute de permis. Craignant de voir leur idole abandonnée, ils ont créé en août leur propre formation, le « Parti populaire pour la défense de Mao Zedong ». Ce qui est bien entendu interdit. Un de ses inspirateurs, Wang Shiji (un officier en retraite), annonça même pour le jour-anniversaire la tenue à Shijiazhuang (Hebei) du Congrès fondateur, à 50 fidèles. Mais le rendez-vous fut vite annulé par ordres supérieurs. Pour coloré et folklorique qu’il apparaisse, le mouvement avait été pris très au sérieux par l’équipe au pouvoir. C’est que ces ultraconservateurs constituent un socle non négligeable de l’opinion, et une force réactionnaire puissante, hostile à toute réforme du pays, quelle qu’elle soit.

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1 Commentaire
  1. severy

    Ah! la douce époque Mao. Les camps de rééducation par le travail, les petites vieilles qui vous espionnaient dans votre immeuble, la mode bicolore des vêtements en tissus crus, l’engorgement des rues par les hordes de vélos sauvages, le nettoyage en profondeur de l’information étrangère, les joies de la colonisation des « provinces » voisines, la destruction étatique de la famille traditionnelle, l’honnêteté des employés d’hôtels haussée au rang d’idéal de vertu, le règne du chou blanc dans les cages d’escalier, l’haleine des travailleuses voguant entre le piment perceur de paroi gastrique et l’ail ravageur des lentilles oculaires, la politique de la porte fermée claquant la porte à celle de la porte entrebaillée, la désintégration de toute velléité de pensée individuelle, la règle des deux petits cochons, des trois rats d’eau, des quatre cinquièmes, des six quarts d’heure, des sept je-ne-sais-plus-quoi et des huit réformes indispensables à ne surtout pas réaliser, la poésie des ukases politiques et l’aveuglement avili d’une population déboussolée par trop de revirements au sommet, vraiment, c’était une époque épatante… pour ceux qui y ont survécu.

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