Alors que les Jeux Paralympiques (24 août au 5 septembre) ont toutes les chances de voir triompher la Chine – qui domine la compétition depuis 2004 – , que retenir de la prestation de la délégation chinoise lors des Jeux Olympiques de Tokyo (23 juillet au 8 août) ?
Outre une excellente moisson de médailles, équivalente à celle récoltée lors des JO de Londres en 2012, ces Jeux sont venus exacerber certaines tendances existantes dans la société chinoise, à savoir le nationalisme – alimenté par une rivalité sino-américaine croissante et un sentiment anti-japonais persistant– le cyberharcèlement et le féminisme.
Malgré les efforts assidus des 431 athlètes envoyés à Tokyo, la Chine n’a pas réussi à détrôner les États-Unis au tableau final, ne récoltant « que » 38 médailles d’or (dix de moins que lors de sa meilleure performance aux JO de Pékin en 2008). Après avoir dominé le classement durant 11 jours consécutifs, la Chine s’est vue dépasser le dernier jour par la « team » USA, qui a repris in extremis la tête de la compétition (39 médailles).
Même si la Chine termine également deuxième en nombre total de médailles (88, tous métaux confondus), loin derrière les USA (113), les sportifs chinois ont réalisé une véritable démonstration de force, d’agilité et d’esprit d’équipe durant ces JO.
Cette performance a été largement saluée par le public chinois qui n’a pas manqué de souligner le caractère auspicieux de ce résultat : 88 médailles le 8.8 (8 août), le chiffre 8 étant considéré comme porte-bonheur en Chine. Sur la toile, les commentaires aux relents nationalistes, ont afflué : « si l’on compte les médailles d’or de Hong Kong (1) et de Taïwan (2), on a gagné ! », s’est réjoui un internaute. « Tôt ou tard, la Chine dépassera les États-Unis », prédit un autre, rappelant que l’objectif initial était de faire mieux que le Japon, pays hôte et rival historique…
Indéniablement, les athlètes chinois se sont présentés à Tokyo dans une forme « olympique », donnant l’impression d’avoir moins souffert de la crise sanitaire que la plupart de leurs compétiteurs internationaux.
Comme à leur habitude, ils ont dominé dans de nombreuses disciplines (plongeon, tir, haltérophilie, tennis de table, badminton…), mais ont aussi remporté de belles victoires, voire établis de nouveaux records, dans des sports où ils n’étaient pas nécessairement attendus, en athlétisme, aviron et escrime par exemple.
Le secret de ces réussites ? Des entraîneurs étrangers : l’Américain Randy Huntington (ancien entraîneur du recordman Mike Powell), le Britannique Steve Redgrave (quintuple champion olympique d’aviron), et l’épéiste français Hugues Obry, dont la joie débordante lors de la victoire de sa protégée Sun Yiwen (médaille d’or), a fait le tour des réseaux sociaux chinois (cf photo). Au total, 17 associations sportives chinoises, du water-polo au rugby, ont sollicité les services de 30 coachs étrangers issus de 19 pays différents, pour ces JO de Tokyo.
Pas invincible, la Chine a également essuyé de cuisantes défaites dans des sports où elle régnait en maître jusqu’à présent.
La première grande déception est venue du tennis de table : en finale du double mixte contre les Japonais Jun Mizutani et Mima Ito, les pongistes Xu Xin et Liu Shiwen se sont inclinés, marquant la fin de la suprématie chinoise dans la discipline depuis 2004. Cette défaite a été vécue comme une véritable perte de face nationale. Sur les réseaux sociaux, une avalanche de critiques s’est abattue sur les joueurs japonais mais aussi sur l’arbitre, accusé d’avoir favorisé l’équipe locale. Même scénario lorsque le gymnaste japonais Daiki Hashimoto a raflé l’or au concours général, à quatre dixièmes de points du Chinois Xiao Ruoteng.
Autre déconvenue en volley-ball, où les championnes olympiques en titre ont été sévèrement éliminées après trois défaites successives en huitièmes de finale … Il faut rappeler que l’équipe féminine est extrêmement populaire en Chine, ayant même fait l’objet d’un film « Leap » (夺冠) en 2020. Même si leur célèbre entraîneuse Lang Ping, 61 ans, a endossé la responsabilité de cet échec et annoncé mettre un terme à sa carrière, les « guerriers du clavier » (键盘侠) s’en sont pris à la capitaine de l’équipe, l’attaquante vedette et porte-drapeau Zhu Ting, qui a annoncé avoir porté plainte contre ses détracteurs dès la fin des JO.
Autre cas de harcèlement en ligne, celui de Wang Luyao : éliminée de la sélection finale du tir à 10 m, la tireuse a reconnu « s’être dégonflée » et présenté ses excuses au public sur Weibo, accompagnées d’un selfie. Un post qui lui valut un torrent de critiques, les internautes jugeant son attitude « désinvolte », « indigne » d’une athlète d’un tel niveau…
Sa coéquipière Yang Qing, pourtant médaillée d’or, n’a pas non plus échappé aux hordes de trolls nationalistes, qui sont allés jusqu’à dénicher une vieille photo de sa collection de baskets Nike pour l’accuser de ne pas être assez patriote. « Nos marques chinoises, comme Erke, Li-ning, et Anta, ne sont-elles pas assez bien [pour toi] ? », lui asséna Liu Hao, présentateur de Beijing TV.
Pour mettre fin au lynchage virtuel des athlètes, Weibo a finalement fermé le compte de 33 utilisateurs, avec l’appui de la presse officielle…
Enfin, malgré le fait que les athlètes chinoises ont remporté plus de la moitié des médailles pour leur pays, certaines d’entre elles ont été la cible de commentaires sexistes de la part de journalistes. « Quand te marieras-tu ? Quand fonderas-tu une famille ? Quand redeviendras-tu une femme ? Fais-tu des bras de fer avec tes petits amis ? », se sont vu questionner Hou Zhihui, l’haltérophile jugée trop « virile » et Gong Lijiao, la lanceuse de poids trop « enrobée ».
Toutefois, de nombreuses internautes ont pris leur défense, affirmant au contraire s’identifier à ces sportives à la beauté non conventionnelle. De fait, ces JO ont eu l’effet d’une campagne « body-positive » auprès des Chinoises, incitées par la diversité des athlètes à s’accepter telles qu’elles sont. Un esprit de tolérance qui fait aussi partie de l’esprit olympique !
1 Commentaire
severy
31 août 2021 à 20:27Très bon article Aux Jeux olympiques, l’important est de participer. Les pisse-froid de tout acabit peuvent aller se rhabiller. Les chiens aboient, la caravane passe.