Le 3 et 4 septembre, durant le Forum sino-africain (FOCAC), la Chine devra défendre d’attaques de toute parts son plan BRI (Belt & Road Initiative), de nouvelles routes de la soie maritimes et terrestres.
Une première critique jaillit en décembre 2017, quand le Sri Lanka en faillite se retrouva contraint à brader à la Chine pour un milliard de $ et 99 ans son port de Hambantota.
Puis le Premier ministre malais Mahathir Mohamad dénonça peu après sa visite à Pékin mi-août, le corridor ferroviaire ECRL et deux oléoducs, déclarant ces projets BRI « trop chers (22,3 milliards de $) et inutiles ». Mahathir pouvait oser cette insolence – sa stature historique le lui permettait, mais ailleurs dans le monde, de nombreux pays commençaient à penser de même.
Presque en même temps aux Philippines, le Président R. Duterte fit un pas de plus, prétendant « aller en guerre » contre la Chine si sa marine continuait à molester ses chalutiers dans les Spratley, ou prétendait y explorer des hydrocarbures. Entre ce sujet et les BRI, le lien est fin, mais indiscutable, et il a été créé par Pékin-même. En 2017, la Chine promettait à Manille plus de 20 milliards de $ en projets BRI, moyennant une alliance avec elle et la mise au rancart de celle avec Washington. Or, ces offres tardent à se matérialiser : l’opinion philippine reproche à Duterte de brader les intérêts nationaux, pour rien. Ce qui force cet artisan convaincu d’une amitié avec la Chine, de changer son fusil d’épaule !
Pas en reste, les Etats-Unis viennent souffler sur les braises : R. Schriver, vice-secrétaire à la Défense déclare qu’en cas de guerre, Washington saura se montrer « bon allié »… Il est temps pour la Chine de penser à polir son image et ses règles des BRI : le 28 août, Xi les dépeint en « initiative de coopération économique universelle, pas en club chinois », et réfute toute velléité de piéger les pays pauvres, par leur dette envers elle.
Pour autant, sur le front des BRI, la Chine garde des atouts. Le Salvador rompt avec Taïwan, pour obtenir des projets BRI. L’Inde, hier adversaire des BRI (leur reprochant d’équiper le Cachemire pakistanais), valide un projet de route BCIM, Calcutta-Kunming via Bangladesh et Birmanie, au bénéfice de 400 millions d’âmes du sous-continent. N. Modi le Président indien y propose une bretelle vers Chittagong en mer de Bengale, pour desservir Bangladesh et l’Etat indien enclavé de Tripura (cf carte).
En somme, quoique souffrant de maux de croissance, le plan BRI reste perçu par la majorité comme un outil d’avenir – pour peu que la Chine accepte de se remettre en cause, pour un partage des tâches et des profits !
3 Commentaires
severy
3 septembre 2018 à 12:34Pour le moment, il semble que l’Initiative Belt and Road consiste pour la Chine à se serrer (un peu) la ceinture avant de se remettre en route.
Christian Vicenty
9 septembre 2018 à 21:56Beau jeu de mots, mais il me semble que c’est plutôt la France, l’Europe et l’Occident qui, conceptuellement et opérationnellement à la fois, se mettent eux-mêmes dans la situation de se serrer (beaucoup) la ceinture (et la pensée) avant de se remettre en route …
Evitons de nous « rassurer à bon compte » par rapport à l’Initiative Belt and Road et « nettoyons d’abord devant nos portes » avant d’émettre des appréciations sur des projets « extérieurs » qui, en fait, dérangent profondément nos « certitudes et valeurs occidentales » …
Le Vent de la Chine
10 septembre 2018 à 16:54Merci de vos commentaires sur ce sujet très important et d’actualité.
L’initiative « Belt & Road » (BRI) mérite toute notre attention.
Les difficultés évoquées dans Le Vent de la Chine apparaissent comme inhérentes aux projets eux-mêmes (de par leur ampleur notamment) et non pas au pays qui en a l’initiative. Cela ne remet pas en cause le bien fondé de la démarche chinoise : » le plan BRI reste perçu par la majorité comme un outil d’avenir « .
Toutefois, comme l’a déclaré Emmanuel Macron à Xian en janvier, ces routes ne peuvent pas être « à sens unique ». Ce qui peut être interprété comme une incitation à la Chine, de modifier sa pratique du bilatéralisme, pour passer au multilatéralisme. Et nous sommes également convaincus que cela pourrait être un des gages de réussite des BRI.