Diplomatie : Un G20, succès chinois vu des nuages

Le sommet G20 de Hangzhou (4-5 septembre) s’est déroulé comme prévu, en émettant des mots d’ordre de nature à redonner confiance et relancer l’économie mondiale, et évitant soigneusement tout sujet qui fâche, notamment pour le pays-hôte. Selon Ding Yifan, du Centre de recherche sur le développement du Conseil d’Etat, « le G20 n’est qu’une chambre d’enregistrement des compromis négociés aux niveaux ministériels ». Ainsi, le succès pour la Chine était couru d’avance, sans risques, vue l’extrême méticulosité de ses préparatifs.

Pour son premier G20, la Chine a réussi à imposer son style, en dosant finement les contenus aujourd’hui utiles à la collectivité mondiale, et ceux liés à ses propres intérêts. Aussi pour Xi Jinping, c’est un succès personnel : à un mois du Plenum du Comité Central d’octobre, et à un an du XIXème Congrès, Xi Jinping démontre aux camarades du Parti sa capacité à faire danser le monde sur sa musique.

Non contraignantes par essence, les décisions de Hangzhou consistent en des lignes de conduite que chaque pays s’engage à respecter. La plus forte de ces créations est cette « plateforme de coopération en taxation » – liste de critères objectifs de transparence fiscale applicable à tous les pays du monde. D’ici juin prochain, l’OCDE devra faire rapport sur les « juridictions non coopératives » – les paradis fiscaux, qui seront débusqués par leur non conformité à ces critères. Tomber dans cette liste noire, coûtera cher à ces pays, dans leurs rapports avec les autres pays du G20 : les investisseurs, par prudence, préféreront les éviter.

Autre succès du G20, en partie due à la Chine, la ratification par Pékin et les USA de l’accord de Paris sur le dérèglement climatique (COP21), et leur engagement à publier leurs subventions au charbon, préliminaire à leur démantèlement. De ce fait, selon  l’agence Wood Mackenzie, les échanges de houille chuteront de 40% d’ici 2035, de 900 millions(2016) à 527 millions de tonnes. Par ailleurs, un accord Europe-Chine-USA s’attèle à la pollution de l’aviation civile. Selon ce texte peu ambitieux à vrai dire, les transporteurs seront taxés sur leurs émissions de CO2 : en 2025, jusqu’à 0,6% de leurs recettes en 2025, et jusqu’à 1,4% en 2035.

D’autres décisions sont nettement à l’avantage chinois. En matière sidérurgique, Jean-Claude Juncker, Président de la Commission de Bruxelles, réclamait une coupe contraignante des capacités chinoises, assortie de quotas. Car avec 800 millions de tonnes de capacité, la Chine fond 50% de l’acier mondial, dont 300 millions de plus que ses besoins, qu’elle exporte à bas prix, entraînant les cours dans une chute fatale. Mais tout ce que l’UE a obtenu au final, est la création d’un vague et flou « forum planétaire » de la sidérurgie. Xi Jinping lui, s’est contenté de réitérer sa promesse d’éliminer 100-150 millions de tonnes de capacité en 2020.

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NB : La Chine semble tardivement s’atteler avec sérieux au cas des firmes « zombies » (celles qui vivent de prêts et de subventions sans faire de profits), dont les aciéries représentent la majeure partie. A travers le pays, banques et structures de défaisance se mettent à lever de l’épargne en milliards de $ pour financer les faillites et compenser la perte de ces prêts irrécupérables.

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Le G20 lance également nombre de bonnes paroles : « relancer le commerce et l’investissement international », se préoccuper du sort des réfugiés affluant vers l’Europe, en précisant (sans dire comment) que leur charge devrait être « partagée mondialement ». Il s’inquiète aussi de la montée d’un sentiment anti-mondialisation, dans la rue mais aussi dans la classe politique—aux USA, les deux candidats à la succession d’Obama sont hostiles aux accords commerciaux négociés par ce dernier. Aussi le chœur des leaders s’engage-t-il à favoriser « tous les outils … pour ramener une croissance forte et soutenable… plus inclusive et partagée par tous ».

Cependant, il ne fallait pas longtemps gratter cette fine paroi d’unité entre ces dirigeants, pour retrouver les tensions et arrière-pensées. Dans ce tissu de conflits, la Chine était en première ligne.

Qui au juste décida qu’à l’arrivée de l’« Airforce One », Obama privé de passerelle et de tapis rouge, devrait débarquer par la queue de l’appareil présidentiel ? Chaque délégation rejetant la faute sur l’autre, on doit en retenir l’expression de méfiance exacerbée entre elles, et une potentielle source : le déploiement maritime chinois en mer de Chine du Sud. 

La tension chinoise se lisait aussi face au Royaume-Uni dont la Premier ministre Theresa May se vit amèrement reprocher la suspension du projet de centrale nucléaire à Hinckley, bâtie par EDF, mais cofinancée par la Chine.

Face à la Corée du Sud, Xi avertissait solennellement son homologue Park Geun-hye contre le déploiement sur son sol d’une rampe antimissile américaine Thaad : entre ces deux pays, s’ouvre une période de glaciation doublée d’un bras de fer. 

Face au Premier ministre australien Malcolm Turnbull, Xi déplora les réflexes protectionnistes du pays austral, et les blocages de deux rachats chinois : celui de larges terres arables et celui d’Ausgrid, premier réseau de distribution local d’électricité.

En conclusion de ce G20, la Chine se prétend prête à ouvrir ses marchés aux partenaires, comme ils le font en général pour elle. Mais elle exige des sacrifices en échange : des transferts de savoir-faire, d’expertise et d’innovation, et qu’on la laisse racheter de « pépites technologiques » toujours plus grosses. Mais s’adressant à des pays dont elle a rattrapé en 20 ans l’essentiel de l’avance industrielle, toute la question de savoir s’ils pourront et voudront tolérer de tels sacrifices.

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