Editorial : Une canicule tous azimuts

Non sans peine, le 2 juillet, les 28 membres de l’Union Européenne ont désigné la nouvelle équipe appelée à diriger les instances communes —deux femmes pour trois hommes, tous de vieilles nations profondément pro-européennes. Sur leurs visions de la Chine, on voit monter parmi eux un tropisme critique envers l’Empire du Milieu. C’est nouveau.

L’allemande Ursula von der Leyen, 60 ans, ex-ministre de la Défense, sera Présidente de la Commission,  grâce au tandem A.Merkel/E.Macron –c’est une importante première pour une femme.  Or, le nouveau plus influent personnage de l’UE est loin d’être tendre envers la Chine. En janvier, pour l’hebdo Die Zeit, elle décrivait une Chine « insidieusement enserrant l’UE », réclamait que l’Union lui « applique les mêmes règles (sécuritaires) qu’à la Russie » et que ses états-majors se préoccupent plus de ses visées sur l’UE. La gouvernance autoritaire chinoise, selon elle, ne pourrait s’imposer sur la durée : « tôt ou tard », le peuple chinois voudra résister au crédit social, système de surveillance universelle à déployer à partir de 2020. C’est donc un discours bien moins affable  que celui de son prédécesseur J-C. Juncker.

A la Banque Centrale, succédant  à l’italien Mario Draghi, la française Christine Lagarde, 63 ans, ex-patronne du FMI, parlait en avril des nouvelles routes de la soie. Ce projet mondial d’équipement devrait être refondu en une version plus transparente, un Belt & Road 2.0, avec projets soumis à appels d’offres internationaux, risques mieux estimés, et octroi aux seuls pays en ayant besoin et assez solides pour se les payer. Là aussi, sous couvert de regard technique, ces remarques portaient sur la Chine un regard incisif. 

Envers Pékin, les trois autres leaders d’instances sont plus polis ou plus flous : Charles Michel (43 ans), ex-1er ministre belge va au Conseil Européen, l’espagnol Josep Borrell (72 ans) sera chef de la diplomatie, et l’ex-journaliste italien David Sassoli (63 ans) monte au perchoir du Parlement européen. Cependant sous leurs propos courtois, tous n’en pensent pas moins, et gardent en mémoire l’avis de la Commission sortante en mars. Le texte décrivait une Chine « rival systémique potentiel ». C’est un tournant. Or la nouvelle tête de l’Europe, les yeux grands ouverts sur la Chine, a toutes les chances de le valider, d’aller plus loin à l’avenir.  

Sous une torpeur écrasante, deux fléaux inquiètent le monde rural. Le premier est la fièvre porcine, redoutée par les 40 millions d’éleveurs du pays. Le virus, extrêmement virulent, se répand d’élevage en élevage, sous les semelles des chaussures ou les roues des camions… Seules des mesures strictes de biosécurité pourrait le contenir. Ainsi, depuis août 2018, 143 foyers d’épidémie ont été déclarés sur tout le territoire, dont 44 depuis janvier. Les experts prédisaient une perte allant jusqu’au tiers du cheptel chinois, mais les dernières estimations parlent de la moitié, soit 250 millions de têtes, soit équarries parce que malades, soit abattues préventivement afin de pouvoir au moins vendre la viande. Les entrepôts réfrigérés sont pleins, renforcés par des importations massives (+63% en mai par rapport à 2018). Le ministère de l’Agriculture s’attend un envol des prix à l’automne, jusqu’à 70%. Un vaccin est en cours de développement mais il mettra au moins deux ans avant de voir le jour, l’enveloppe du virus étant extrêmement résistante.

L’autre fléau qui frappe la Chine depuis janvier est la chenille légionnaire d’automne, venue de Birmanie. Elle dévore riz, maïs, sorgho, coton, arachides, cultures fourragères, et fonce à marche forcée vers le Nord-Est, le grenier à céréales du pays, au rythme de 500km par vie d’insecte, ayant conquis 5 millions de « mu » (1 亩, mu = 450m²) en 19 provinces. Alors que des études américaines concluent que la chenille légionnaire n’a pas de prédateur naturel en Chine, l’Académie chinoise des Sciences agricoles mise sur la punaise Arma chinensis, assurant qu’elle peut tuer jusqu’à 41 larves par jour. Elle envisage d’en élever 10 millions pour stopper la propagation du lépidoptère. 

Force est de constater que face à ces deux épidémies, la Chine élabore ses propres solutions, se préoccupant des difficultés futures uniquement lorsqu’elle y sera confrontée. 

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