Editorial : Le FOCAC, un sommet politique

Le FOCAC, un sommet politique

Barrages routiers à répétition, bouchons interminables et forte présence policière le long des grands axes et des ponts : voilà à quoi ressemblait la circulation dans la capitale chinoise la semaine passée. La raison ? Le 9ème Forum pour la Coopération Chine-Afrique (FOCAC) organisé à Pékin du 4 au 6 septembre. C’est la première fois depuis la fin de la pandémie de Covid-19 que le dirigeant chinois Xi Jinping retrouve l’ensemble de ses homologues africains. Avant la tenue du forum, le Secrétaire général du Parti a d’ailleurs enchaîné un maximum de rencontres bilatérales – une douzaine au total sur la cinquantaine de chefs d’Etat africains présents.

Si la plupart des dirigeants africains attendaient beaucoup de la Chine sous l’angle de la coopération économique (investissements, prêts, réduction du déficit commercial, accès au marché chinois, industrialisation, création d’emplois locaux…), Xi Jinping, lui, paraissait davantage intéressé par l’aspect politique et idéologique de la relation. En effet, la Chine semble décidée à faire de l’Afrique son allié présent et futur dans sa lutte pour la reconfiguration du système international.

Ainsi, dans son discours inaugural, le Président chinois a affirmé, tout en leur rappelant leur passé commun, que la modernité et le développement auxquels la Chine et l’Afrique aspirent passe par une « communauté de destin » face à un système international qui leur a été longtemps défavorable.

Le leader n’y est pas allé par quatre chemins : « la voie occidentale a infligé de profondes souffrances aux pays en développement », a-t-il déclaré lors de son discours inaugural, mais « la quête commune de modernisation de la Chine et de l’Afrique amènera une vague de progrès pour tout le Sud global ».

Xi Jinping a également souligné que le chemin du développement et de la modernité n’était pas unique et universel, mais le reflet de l’histoire et de la particularité de chaque nation. Une rhétorique qui fait de plus en plus mouche dans un continent où l’on évoque souvent le besoin d’une démocratie « propre à l’Afrique ».

Au-delà de l’aspect idéologique, le dirigeant chinois a eu à cœur de prouver que malgré le ralentissement économique dans son pays, son intérêt pour le continent reste intact. Il a ainsi promis que d’ici le prochain FOCAC, qui aura lieu en République du Congo en 2027, la Chine engagera 50 milliards de $ à destination du continent, dont 29 milliards de $ de lignes de crédit, 11 milliards de $ d’aide et 10 milliards de $ d’investissements d’entreprises chinoises. Il a également promis de lever tous les tarifs douaniers chinois pour les 33 pays les moins riches du continent, de transformer davantage les matières premières sur place et de créer au moins 1 million d’emplois, se montrant ainsi à l’écoute des récriminations de ses partenaires.

Au-delà de ces milliards de $ qui sont devenus la norme – bien réductrice – à laquelle on avait parfois pris l’habitude de mesurer la vitalité des relations Chine-Afrique, ce FOCAC aura surtout servi à renforcer la valeur politique de l’Afrique pour la Chine dans un système international qu’elle entend réformer. Pour Pékin, il s’agissait de partager et promouvoir une vision politique mondiale et créer une alliance politique pour y parvenir.

Sous cette perspective, il n’est donc pas étonnant d’apprendre que Pékin compte lancer une « plateforme de partage d’expérience sur la gouvernance » et ouvrir 25 « centres d’étude sur la Chine et l’Afrique ». Un millier de personnalités issues de partis politiques africains seront également invitées en Chine pour suivre des programmes sur « l’édification des partis et la gouvernance d’Etat ». Pour mémoire, le PCC a ouvert sa première école de leadership en Tanzanie en 2022.

En parallèle, alors que Pékin affiche une volonté d’élargir son influence militaire (après l’installation de la première base hors frontières de l’APL à Djibouti), le gouvernement chinois a promis de former 6 000 militaires et 1 000 policiers africains ainsi que de multiplier les entraînements et patrouilles conjoints…

Cerise sur le gâteau : la Chine et l’Afrique ne sont plus liées par de simples relations, mais forment désormais une « communauté, avec un futur partagé dans la nouvelle ère », selon la formule consacrée de la diplomatie chinoise. Tous ces changements montrent à quel point la Chine compte sur l’Afrique pour redessiner la gouvernance mondiale d’après-guerre. Autant dire que ceux qui annonçaient un désengagement de la Chine en Afrique, feraient bien de revoir leur copie…

Par Géraud Neema Byamungu

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