Près de 50 ans après l’introduction du contrôle coercitif des naissances, la Chine fait face à deux problèmes démographiques urgents : son solde naissances-décès est devenu négatif, et le nombre de garçons dépasse fortement celui des filles, éliminées durant la grossesse par avortement sélectif. Suivant les statistiques, naissent en Chine 110 à 130 garçons pour 100 filles. En 2015, 34 millions de garçons se retrouvaient ainsi condamnés au célibat, devenus « branches mortes » (光棍—guānggùn) – fins de lignée. Depuis 1971, la Chine a connu 336 millions d’avortements. En 2015, le planning a été assoupli, autorisant deux enfants par couple au lieu d’un. Les démographes espéraient 4 millions de naissances en plus par an, mais dès 2016, le résultat était décevant, avec 1,31 million : les Chinois ne veulent pas de deux enfants ou n’en ont pas les moyens.
Dans ce contexte, la décision publiée au Jiangxi le 15 juin, semble un test ordonné par Pékin pour tenter de changer la donne. Dans cette province désormais, passée la 14ème semaine de grossesse, l’avortement est banni sauf pour cause médicale, contresignée par 3 docteurs. Or, à 14 semaines, le sexe de l’enfant est discernable : le dispositif tend donc à engager la responsabilité pénale des médecins, qui devraient refuser aux parents l’avortement de leur fille.
Avant le Jiangxi, une quinzaine de provinces avaient tenté de brider l’avortement, à commencer par le Hunan en 2004. Mais le Jiangxi est le premier à imposer un verrouillage contraignant. Il donne l’exemple – libre aux autres provinces de le suivre suivant leur besoin plus ou moins aigu en renforcement de la natalité.
Toutefois, à peine émis, ce nouveau système suscite des résistances, de la part d’une opinion publique qui a mûri et s’est renforcée depuis les années 70, quand le Parti avait lancé sa politique de planning familial. Sur les réseaux sociaux, les critiques vont bon train : un internaute dénonce l’atteinte aux droits reproductifs et cite « La servante écarlate », série américaine de science-fiction où l’Etat a pris le contrôle complet des fonctions reproductives des femmes. « Voix féminines », un blog sur les questions de genres et les droits procréateurs de la femme, se fait le porte-parole des craintes de nombre de futures-mères : que l’Etat ne remplace brutalement le contrôle des naissances par un encouragement autoritaire de celles-ci, accompagné d’une disparition complète de la liberté d’interruption de grossesse.
Sommaire N° 26-27 (2018)