Pour leur 14ème G20 à Osaka (Japon, 28-29 juin), les leaders de 20 puissances alignant 85% du PIB de la planète, ont à nouveau vu le bras de fer Chine/Etats-Unis occuper le devant de la scène, laissant au second plan des sujets d’avenir, tels la réforme de l’OMC, la lutte contre le réchauffement climatique ou l’économie digitale…
Avant de revoir Donald Trump, Xi Jinping reçut des alliés comme Vladimir Poutine, mais aussi des leaders hier moins « sinophiles », tels le Premier ministre indien Narendra Modi et l’hôte nippon Shinzo Abe, en délicatesse avec la Chine pour cause de conflits territoriaux. Mais le vent est favorable au rapprochement : en menaçant aussi Tokyo et New Delhi de taxes, Trump les encourage à enterrer la hache de guerre avec Pékin, pour pouvoir peut-être opposer au leader américain une défense commune.
Xi « briefa » aussi le sud-coréen Moon Jae-in sur sa rencontre trois jours plus tôt à Pyongyang. Ce fut pour rassurer sur le fait que la volonté de dénucléariser de Kim Jong-un restait inchangée et pour souligner le rôle bénéfique de la Chine dans ces palabres.
Justement avec Trump, ce thème apparut l’atout-maître de Xi : lui faisant rapport sur ses entretiens avec le « cher leader », il lui proposa à son tour de battre le fer pendant qu’il était chaud, une offre que Trump attrapa au vol, annonçant pour le lendemain (30 juin) une rencontre improvisée avec Kim dans la zone démilitarisée de Panmunjom.
Dès lors avec Xi, la glace était brisée : en 80 minutes, les deux hommes convenaient de renouer un dialogue rompu depuis mi-mai suite à l’échec du 11ème round de discussions bilatérales.
Trump s’engagea à suspendre sa salve supplémentaire de taxes sur 300 milliards de $ de produits chinois, ceux encore non frappés. La vraie surprise arriva quand Trump concéda à Xi que les fournisseurs américains pourraient derechef vendre leurs pièces et logiciels à Huawei, et qu’une levée des sanctions contre ce champion chinois des télécoms était envisageable. C’était l’annonce inespérée pour Ren Zhengfei, PDG du groupe, qui voyait déjà se profiler des pertes de 30 milliards de $ d’ici 2021, des ventes de smartphones hors Chine chuter de 40%…
Trump murmurait encore son acceptation d’un contingent plus fort d’étudiants chinois dans ses campus. Ce faisant, il mettait en sourdine ses dernières accusations selon lesquelles ces masses d’étudiants chinois aux USA seraient le vivier d’espionnage pour le compte de Pékin.
Face à la main tendue de Trump, Xi réciproquait par une vague promesse de commander « pour des dizaines de milliards de $ » de produits américains pour réduire le déficit commercial– un engagement déjà ancien.
Tous ces propos s’inscrivaient en filigrane de la petite phrase de Trump trois jours plus tôt, où il assurait que le deal était déjà « conclu à 90% » mi-mai, suggérant ainsi qu’il ne restait plus que 10% de chemin à parcourir. Xi de son côté, faisait valoir que les contre-rétorsions qu’il faisait planer sur les USA (frein aux exportations de terres rares, liste noire de firmes « non fiables ») étaient pour l’instant restées lettre morte. De part et d’autre, les portes étaient rouvertes.
Les deux Présidents faisaient ainsi marche arrière, retour à la case « Buenos Aires » du G20 de fin 2018, où ils s’étaient entendus sur une trêve de trois mois. En attendant, aucune avancée n’était perceptible sur les demandes fondamentales en souffrance des Etats-Unis sur la fin des pratiques « déloyales » de la Chine – transferts forcés de technologie, piratage, subventions à ses entreprises publiques. Silence radio aussi sur un mécanisme contraignant de vérification des engagements…
Mais à Osaka, il était difficile d’espérer mieux. À tout le moins, la trêve a permis aux décideurs de pousser un soupir de soulagement – in extremis, la guerre commerciale tous azimuts a été évitée. Aux négociateurs américains et chinois de tenter de transformer l’essai à l’avenir !
Sommaire N° 26 (2019)