
Après neuf mois d’attente, le 3ème Plénum du Comité Central s’est enfin déroulé au Grand Palais du Peuple du 15 au 18 juillet. Malgré cette longue attente, l’événement, qui a lieu tous les 5 ans et est traditionnellement consacré à la réforme économique, a laissé les observateurs sur leur faim. Après la publication d’un simple communiqué à l’issue du conclave, un long document, révisé pas moins de 38 fois durant le processus, a finalement été dévoilé le 21 juillet. C’est la fameuse « décision du Comité Central pourtant sur l’approfondissement global de la [politique de] réforme et la promotion de la modernisation à la chinoise ».
A travers ses 50 et quelques pages, on retrouve beaucoup de slogans néo-marxistes, mais bien peu de détails sur la manière dont le Parti compte s’y prendre pour affronter les multiples défis (démographique, immobilière, emploi, endettement des gouvernements locaux, consommation…) auxquels il fait face.
Dans les grandes lignes, l’objectif principal pour générer une « croissance de haute qualité » sera le développement des technologies avancées, ce qui est maintenant décrit idéologiquement comme les « nouvelles forces productives » (新 质 生 产 力). En parallèle, le Plénum met l’accent sur la réduction des inégalités, le verdissement de l’économie et le développement de chaînes d’approvisionnement résilientes.
L’une des rares échéances mentionnées est celle de 2029 (80ème anniversaire de la RPC), date à laquelle le projet d’approfondissement des réformes devra avoir été mené à bien, où « le marché déterminera l’allocation des ressources » (tel que promis en 2013) et où « les entreprises privées et sociétés étrangères seront traitées équitablement avec les entreprises d’Etat » (doux rêve). Or, en tant que « leader » de ce projet, Xi se doit d’aller jusqu’au bout et donc, être reconduit pour un 4ème mandat en 2027 (pour ceux qui en doutaient encore).
Plus étonnant, le Parti affirme que, globalement, tous les objectifs de réforme formulés lors du 3ème Plenum de 2013, lors de l’arrivée de Xi au pouvoir, ont été atteints, quoi qu’il est de notoriété publique que ce n’est pas le cas…
Ce qui pose la question de la définition du terme de réforme selon Xi (习试改革) ? Elle n’a pas grand-chose à voir avec l’orientation « libérale » telle qu’on l’entend communément. Le leader chinois a d’ailleurs souligné à plusieurs reprises que la poursuite de la réforme ne signifie pas un changement d’orientation, ni que la Chine adopte un modèle de gouvernance occidental. Encore une fois, et il est important de le rappeler, pour le Parti, il n’a jamais été question de pousser la Chine vers une économie de marché.
On l’aura compris : pour Xi, la réforme est synonyme de sécurité, de « prospérité commune », d’autosuffisance, de centralisation et de rectification idéologique. On est bien loin de la ligne prônée par Deng Xiaoping, qui permettait d’accumuler des richesses dans l’objectif de les redistribuer. Voilà pourquoi on observe depuis un certain temps un effort de l’appareil de propagande de distinguer la notion-même de « réforme » issue de l’héritage Dengiste, de l’interprétation proposée par Xi.
Les tensions intra-Parti entre ces deux lignes pourraient en partie expliquer pourquoi l’article « Xi, le réformateur » publié par Xinhua le 15 juillet a été retiré de la toile. A la demande de Xi, suggèrent certains… L’article de plus de 10 000 caractères semblait en effet donner trop de crédit à Deng en tant que premier « réformateur exceptionnel » et tentait maladroitement de valoriser Xi en soutenant l’idée que Deng était dans une situation plus favorable que Xi actuellement. Sous cette perspective, Xi serait le « véritable » réformateur à qui il incombe la tâche difficile de compléter la « modernisation à la chinoise ». « Xi, en tant que leader et praticien des réformes de la nouvelle ère, a permis à l’économie de marché socialiste lancée par Deng de perdurer […] » : ce type d’allusions relègue (de manière volontaire ou non) Xi au second plan, malgré l’objectif premier de l’article, qui était de surpasser Deng et de mettre Xi au centre des réformes.
Une chose est sûre : les réformes « à la Xi » sont loin de faire l’unanimité au sein du Parti, et encore moins au sein de la société. Le déluge de critiques d’internautes qu’a reçu l’article de Xinhua en est la preuve. Ces dissensions peuvent expliquer en partie pourquoi rien de concret n’a été présenté lors du Plénum. Dans tous les cas, peu importe ce qui est présenté, dans le cadre gauchiste qui prévaut actuellement, rien n’est suffisant pour relancer l’économie chinoise.
1 Commentaire
severy
6 août 2024 à 20:20Xi lave plus rouge que rouge.