Editorial : Panorama estival

Panorama estival

Les grandes chaleurs se dissipent, les longues pluies s’espacent… L’été touche à sa fin. Mais que retenir de cette saison estivale ?

Sur le plan politique, l’été a été plutôt terne, avec un 3ème Plenum sans nouveauté ni originalité. Du conclave balnéaire de Beidaihe, où les leaders chinois se retrouvent traditionnellement début août, rien n’a fuité, si ce n’est qu’une cinquantaine de scientifiques, chacun expert en son domaine (intelligence artificielle, physique quantique, exploration en haute mer, aérospatial…), ont été conviés. Confirmation, s’il en fallait une, que la montée en puissance technologique de la Chine est la priorité n°1 du leadership.

Les rumeurs sur la santé de Xi Jinping (attaque cardiaque, cancer du pancréas…) ou encore sur le fait que son pouvoir serait contesté par une poignée d’anciens dirigeants du Parti, continuent d’aller bon train, alimentées par la relative baisse de la couverture médiatique des activités de Xi ou encore par la censure d’un article de Xinhua prénommé « Xi, le réformateur ». Une chose est sûre : que ces rumeurs soient fondées ou non, Pékin ne peut se permettre de les laisser proliférer et fera tout pour montrer que le leader n’est pas souffrant et que son autorité est intacte. Cela soulève aussi la question (pour l’instant sans réponse), du mécanisme de succession en cas d’incapacité ou de décès soudain du dirigeant de 71 ans.

Du point de vue de l’actualité « intérieure », le public chinois a été choqué d’apprendre début juillet que de l’huile alimentaire était transportée dans des camions citernes ayant convoyé du fuel industriel, notamment pour le compte d’une filiale de l’entreprise d’Etat, Sinograin. « C’est un secret de polichinelle dans l’industrie du transport », écrit le Beijing News qui a révélé la fraude. De fait, cette pratique privilégiant l’appât du gain avant la sécurité des consommateurs, avait déjà été dénoncée en 2005 et en 2015. Des sanctions contre deux chauffeurs et trois compagnies de transport ont finalement été annoncées fin août. Les enquêteurs ont également tenté de rassurer en affirmant que l’affaire était un cas isolé et pas une pratique généralisée. Le public, lui, reste sceptique et la mise hors ligne d’une fonctionnalité de suivi des camions d’une application de logistique, n’a rien fait pour inspirer la confiance…

Cela faisait des années que la Chine n’avait pas vécu un tel scandale dans l’industrie agroalimentaire, depuis celui du lait à la mélamine en 2008 et l’huile « de caniveau » recyclée dans les arrière-cuisines des restaurants en 2011. En affichant une posture ferme, Pékin semble avoir réussi à désamorcer ce qui aurait pu être un scandale d’une ampleur similaire. L’affaire ravive néanmoins le sentiment du public que la sécurité alimentaire reste encore défaillante dans bien des secteurs, faute d’inspections suffisantes, d’une réglementation adaptée et d’une presse indépendante.

Pour finir sur une note plus positive, la Chine a brillé sportivement aux Jeux Olympiques de Paris en remportant 91 médailles dont 40 en or, se classant juste derrière les Etats-Unis (125 médailles dont 40 en or)*. Certains diront que, rapporté au nombre d’habitants, les USA restent la première puissance sportive du monde. Mais si l’on rapporte ces résultats à la taille de la délégation (592 athlètes américains envoyés à Paris contre 388 pour la Chine), il est indéniable que l’Empire du Milieu réduit l’écart avec le rival américain.

En effet, si la Chine a su conserver sa domination dans des disciplines comme le ping-pong, le badminton, le plongeon, le tir, la gymnastique voire l’haltérophilie, elle a également effectué des percées dans des sports où on ne l’attendait pas, tels que la natation, le tennis, la gymnastique rythmique ou encore la natation synchronisée… Des résultats que l’on peut attribuer à l’absence de la Russie, mais surtout au recours à des entraîneurs étrangers.

Pour Pékin, le contrat est rempli : les prouesses de ses (jeunes) athlètes et leurs interactions avec le public ont permis de projeter au monde entier l’image d’une Chine confiante et amicale, loin des clichés de fermeture et de repli sur elle-même qui lui collent à la peau, surtout depuis le Covid-19.

Du côté des téléspectateurs chinois, ces Olympiades ont été globalement bien perçues, les internautes ayant été séduits par une cérémonie d’ouverture audacieuse et conquis par la beauté des monuments parisiens en toile de fond des épreuves. A voir si cela suscitera des envies de voyage vers l’Hexagone, particulièrement en cette année du tourisme culturel franco-chinois.

Seul point noir de ces JO vus de Chine : les soupçons de dopage entourant les nageurs chinois. Pour rappel, le New York Times et la chaîne de télévision allemande ARD ont révélé en avril dernier que 23 d’entre eux avaient été contrôlés positifs à la trimétazidine, un stéroïde, sept mois avant les JO de Tokyo de 2021. Dans ce contexte, l’incroyable performance du jeune Pan Zhanle (19 ans) sur le 100 mètres nage libre, battant son propre record mondial, a été accueillie avec suspicion par ses adversaires étrangers. De quoi faire bondir la délégation chinoise, qui s’estime, au contraire, victime de contrôles antidopage abusifs. Une polémique qui a plombé l’ambiance au bord des bassins et qui s’inscrit surtout dans un contexte de tensions géopolitiques exacerbées entre la Chine et les USA. Cette controverse a d’ailleurs toutes les chances de perdurer jusqu’aux JO de Los Angeles en 2028… Comme quoi, même aux JO, la politique n’est jamais loin.

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* Et ce n’est pas fini puisque la Chine est bien partie pour remporter la première place du classement des médailles aux Jeux Paralympiques (28 août au 8 septembre), compétition qu’elle domine depuis 2004 grâce à une stratégie handisport bien rodée.

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