Avant la fondation de la République Populaire de Chine en 1949, Mao s’était servi du slogan « au service du peuple » (为人民服务) pour gagner le soutien populaire pendant la guerre civile. Deng Xiaoping lui, avait affiché son pragmatisme économique en lançant que « peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, s’il attrape la souris, c’est un bon chat » (不管黑猫白猫,捉到老鼠就是好猫).
Chaque dirigeant chinois a marqué son époque de ses propres slogans, expressions et théories politiques… Xi Jinping n’échappe pas à la règle et est même très prolifique en la matière. Alors que le Parti s’apprête à célébrer son centième anniversaire le 1er juillet, notamment par un discours « historique » de son Secrétaire Général, voici un bref éclairage d’une dizaine de ses concepts, souvent abscons pour les non-initiés.
« Le rêve chinois » (中国梦)
Présenté lors de l’intronisation de Xi Jinping fin 2012, ce concept relève de la prospérité nationale, de l’effort collectif, du socialisme, et du retour du pays à une certaine splendeur passée. À ce « rêve chinois » sont associés deux objectifs : celui de faire de la Chine une société « modérément prospère » que devrait annoncer Xi Jinping le 1er juillet 2021, et celui d’en faire une « nation développée sous tous les aspects » en 2049.
« La stratégie globale à quatre volets » (“四个全面”战略布局)
Formulée fin 2014, cette théorie regroupe les priorités de Xi Jinping pour son pays, à savoir :
-parachever la construction d’une société « modérément prospère» ;
-approfondir la réforme dans tous les domaines ;
-administrer le pays en vertu de la loi sur tous les plans ;
-gérer strictement l’ensemble du Parti.
Si les trois premiers points reprennent les objectifs des dirigeants précédents, le 4ème représente l’apport personnel de Xi Jinping et fait notamment référence à sa fameuse campagne anti-corruption.
« La pensée de Xi Jinping » (习近平新时代中国特色社会主义思想)
Officiellement appelée « la pensée de Xi Jinping du socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère », Xi Jinping a fait enchâsser sa doctrine en 2017 dans la constitution interne du Parti et celle du pays. Véritable tour de force, il a pu y intégrer son nom, ce que n’avaient pas réussi ses prédécesseurs Hu Jintao et Jiang Zemin. Xi Jinping se hisse ainsi au niveau d’un Mao Zedong ou d’un Deng Xiaoping. Étudié dans toutes les écoles du pays, ce plan de route pour les 30 prochaines années consiste à redonner à la Chine sa grandeur passée, à en faire non seulement un pays prospère, mais aussi une puissance internationale respectée. Pour cela, Xi Jinping préconise de renforcer la supervision du Parti sur tous les aspects de la société.
« La communauté de destin pour l’humanité » (人类命运共同体)
Même si l’on doit la paternité de cette expression à Hu Jintao, elle est devenue récurrente depuis un discours prononcé par Xi Jinping en 2017, dans lequel il affirmait que « la sagesse et l’approche chinoise offrent une solution unique aux problèmes auxquels fait face l’humanité ». Ce concept évoque les ambitions du Parti de promouvoir son modèle de gouvernance – « supérieur » au modèle démocratique – à travers le monde, notamment via ses « nouvelles routes de la soie » (BRI). Lors des grandes rencontres internationales, le Président Xi Jinping ne rate jamais une occasion d’y faire référence…
« Les valeurs socialistes fondamentales » (社会主义核心价值观)
Elles sont partout, dans les rues sur des bannières rouges géantes, à la télévision, sur internet, dans les manuels scolaires… Promues depuis 2012, les douze « valeurs socialistes fondamentales » représentent un certain idéal de société selon Xi Jinping. Elles incluent, les valeurs nationales telles que la prospérité, la démocratie, la civilité, et l’harmonie ; les valeurs sociales telles que la liberté, l’égalité, la justice et l’autorité de la loi ; ainsi que les valeurs individuelles telles que le patriotisme, l’intégrité morale, le dévouement, et l’amitié. Certaines de ces valeurs ont toutefois une définition bien particulière, « aux caractéristiques chinoises ».
« La circulation duale » (双循环)
Largement reprise dans le 14ème plan quinquennal (2021 à 2025), cette stratégie économique est apparue la première fois à l’issue d’une réunion du Bureau Politique en mai 2020, alors que la pandémie venait bouleverser les chaînes d’approvisionnement. Ce concept consiste en un rééquilibrage de l’économie chinoise visant à réduire la dépendance de la Chine vis-à-vis de ses exportations en stimulant sa consommation intérieure, lui offrant ainsi une protection en cas de turbulences économiques mondiales.
« Chasser les tigres, attraper les mouches, pister les renards » (“打虎”“拍蝇”“猎狐”)
Ce bestiaire est appliqué à la campagne anti-corruption lancée par Xi Jinping dès son arrivée au pouvoir et qui continue jusqu’à aujourd’hui. Une « mouche » désigne un cadre sans envergure, tandis qu’un « tigre » évoque un puissant dirigeant. Méconnu, le « renard » est un fonctionnaire corrompu en fuite à l’étranger. Lorsqu’un cadre est mis sous enquête pour « corruption », les médias officiels disent qu’il est « tombé de cheval ».
« Les individus aux deux visages » (两面人)
Même si cette expression a une longue tradition au sein du discours politique chinois, il est particulièrement employé sous Xi Jinping, en tant qu’instrument de sa campagne anti-corruption. Ce qualificatif désigne les fonctionnaires qui feignent la conformité à l’égard de leurs supérieurs, montrant ainsi leur « faux visage », tout en agissant de manière différente vis-à-vis de leurs subordonnés, dévoilant leur « vrai visage ». Un comportement déloyal qui empoisonne la vie du Parti, d’après Xi Jinping.
« Rhinocéros gris et cygne noir » (黑天鹅、 灰犀牛)
Originairement issu du vocabulaire financier, ces termes ont été réutilisés par Xi Jinping dans sa chasse aux risques : un « rhinocéros gris » évoque une menace identifiée mais sous-estimée, tandis qu’un « cygne noir » désigne un évènement imprévu.
« Les logements sont faits pour y vivre, pas pour spéculer » (« 房子是用来住的、不是用来炒的定位 »)
C’est le message que martèle le Président Xi Jinping depuis décembre 2016, inquiet de l’éclatement d’une bulle immobilière. En effet, les épargnants chinois choisissent massivement d’investir dans un ou plusieurs appartements, attirés par de belles plus-values en un temps record. Mais, ils préfèrent souvent garder ces logements vides, attendant sagement que leurs biens prennent de la valeur…
« L’eau verte et les montagnes vertes sont des montagnes d’or et d’argent » (« 绿水青山,就是金山银山 »)
Issu d’un article publié en 2005 lorsqu’il était à la tête de la province du Zhejiang, Xi Jinping s’est réapproprié ce proverbe chinois pour décrire combien la lutte contre la pollution est importante pour le pays, bien conscient que la croissance économique fulgurante s’est longtemps effectuée aux dépens de son environnement.
Sommaire N° 25 (2021)