Le box-office chinois fait recette, avec 8.7 milliards de $ en 2017 (n°2 mondial) – un succès qui cache diverses réalités. Conformément aux goûts d’un public largement composé de jeunes adultes (21/22 ans), sensibles aux effets de mode, la programmation est concentrée sur des « blockbusters » (productions à gros budget), films historiques ou légendaires, d’art martiaux, comédies « fleur bleue » ou de propagande.
Mais surprise : les 50.000 salles du pays (qui seront 80.000 d’ici 2022), ne s’emplissent qu’à 15%. Les exploitants cherchent donc la formule pour améliorer ce taux d’occupation : en attirant les familles par exemple, avec des films d’animation – dont le succès ne se dément pas depuis Kung Fu Panda en 2008, œuvre hollywoodienne de DreamWorks. Côté production, elle est partagée entre maisons publiques (China Film Group, Huaxia Films, Shanghai Film Group), et privées (Huayi Brothers, Stellar Media Group), rejointes récemment par la cohorte des entrants du monde digital, Alibaba Pictures, iQiyi Motion Pictures (Baidu), Heyi Films (Youku Tudou), ou Tencent Pictures…
Pour assurer l’avenir, le cinéma chinois compte de plus en plus sur l’international. Par chance au même moment, les majors américains visant le marché chinois, cherchent à faire des coproductions avec l’Empire du Milieu — seul pays avec lequel ils acceptent un tel partage de marchés et de ressources. Problème : pour l’heure, le seul film chinois qui a du succès à l’étranger, dans les festivals, est celui d’art et d’essai… Ainsi, le ministère de la Culture chinois cherche à développer ce segment, en y affectant 1000 écrans en 2018.
Une des causes de cette faible diversité de la programmation dans les salles chinoises, est la censure : depuis 2013, chaque ville ou province décide séparément – un titre visé à Chengdu, peut être rejeté à Dalian… Chaque niveau décide selon sept critères nationaux : violence, sexe, politique, mafia, drogue, moralité, religion, critique d’un pays tiers.
Sous la tutelle de la Propagande, le China Film Bureau octroie les visas d’exploitation, y compris pour les 70 titres étrangers par an, dont la moitié sous quota, et l’autre en coproductions qui permettent de contourner cette limite. Il régit également les productions destinées à diffusion sur internet, à la TV et aux festivals intérieurs.
On notera enfin que le cinéma entre dans la panoplie des rétorsions de l’Etat chinois contre les pays qui lui déplaisent. Ainsi durant la crise nord-coréenne, suite au déploiement des rampes antimissiles américaines Thaad en 2017, films et séries sud-coréennes ont été éradiqués de toute programmation en Chine—jusqu’à ce jour.
Sommaire N° 25 (2018)