Sous bien des aspects, la visite chinoise du Premier ministre français E. Philippe (23-25 juin) eut un petit air de déjà vu. Certes, le chef du gouvernement avait tenté d’innover en s’entourant d’une vingtaine de start-ups. Mais au reste, le voyage sembla calqué sur d’autres de ce gouvernement et de précédents et d’autres leaders européens, de par ses étapes (Shenzhen-Shanghai-Pékin) et par ses visites de sites industriels. A Shanghai, E. Philippe découvrait la première ligne de métro automatique de Chine (cf photo), exploitée par Keolis, ou ce porte-conteneurs de CMA-CGM à quai au port en eaux profondes de Yangshan, situé dans la baie de Hangzhou.
A Pékin, il était reçu par Xi Jinping et Li Keqiang, manifestement désireux de donner de la face à l’hôte, sans pour autant faire de concessions. En cette période de tension avec les USA, il s’agissait de cultiver l’amitié, sans remettre en cause des règles du jeu qui tant profitèrent à la Chine depuis 25 ans. Xi fit une homélie sur l’urgence de « cultiver de nouveaux moteurs de croissance », « dans un souci de confiance mutuelle et d’égalité de traitement ».
Hélas, les fruits de la mission n’apparaissent pas frappés au coin de ces principes. E. Philippe croit pouvoir affirmer que Pékin s’apprête à « honorer bientôt » une commande de 184 Airbus A320, déjà miroitée en janvier lors de la visite d’Emmanuel Macron. La promesse gagne en plausibilité du fait de la mauvaise passe dans laquelle se trouve tout produit d’exportation américain, Boeing inclus. Pékin lève aussi l’embargo de 2001 sur le bœuf français avec un quota de 30.000 tonnes par an. La Chine ouvrira un peu plus l’export de semence bovine, de porc (2 abattoirs agréés – Bigard et Tradival), et de lait maternisé (2 usines agréées – Baby Drink et Candia).
Côté nucléaire, 10 ans de palabres s’éternisent, sur le centre de retraitement de combustible à 12 milliards d’€ livrable par Orano (anciennement Areva). Seul sort est confirmé un contrat de 20 millions d’€, pour travaux « préparatoires ». Par comparaison, Pékin signe avec la Russie, un contrat de 4 voire 6 réacteurs nucléaires, pour un budget supérieur à celui guigné par Orano. C’est peut-être ce qui pousse M. Aglietta, chercheur au centre d’études CEPII, à voir en cette médiocrité l’effet d’une méfiance mutuelle entre Chine et l’Occident. Sur les « routes de la soie » (BRI), E. Philippe a plaidé pour des projets « transparents » où des firmes françaises reçoivent leur part, en contrepartie d’un soutien français au BRI. Il a même remis à Li Keqiang une liste de chantiers en pays tiers, pouvant être réalisés conjointement—comme pour « prendre la Chine au mot »…
Au final, l’impression qui se dégage de cette visite, est celle d’une courtoisie bien élevée, qui cache le peu d’envie de parler clair. Cela permet de pallier la mésentente, tout en restant bons amis !
Sommaire N° 25 (2018)