Temps fort : Liu Xiaobo, in extremis

Après avoir purgé près de neuf des onze ans de sa peine, Liu Xiaobo, pamphlétaire de 61 ans, est libéré après la détection fin mai d’un cancer du foie « en phase terminale ». Les autorités l’ont transféré de sa prison de Shenyang (Liaoning) vers un hôpital local, où il put enfin recevoir la visite de sa famille. 

La raison « humanitaire » cache mal un souci d’éviter de laisser périr cette « cause célèbre » derrière les barreaux, au risque de réveiller l’indignation du monde occidental, face au sort cruel de cet intellectuel.

Dès 1989, ce professeur d’université avait été privé un an de liberté, pour son rôle dans les événements du « Printemps de Pékin ». Puis en 2008, il avait contribué à rédiger la dissidente Charte 08, calque de la Charte 77 du tchèque Vaclav Havel, qui réclamait le passage à un système multipartite démocratique. Mais l’équipe dissidente autour de Liu Xiaobo, clairement, avait mal évalué l’onde de choc que causa l’initiative au sein du Parti. Même pour un Président Hu Jintao pourtant plus passif que son successeur Xi Jinping, c’était intolérable :  arrêté en 2008, Liu Xiaobo était condamné en 2009 à 11 ans de prison. En 2010, le Nobel de la paix attribué à Liu Xiaobo fut vécu par le régime comme une critique frontale : les relations avec la Norvège furent gelées jusqu’en 2017, et pour Liu, les chances de remise de peine restaient nulles, malgré sa bonne conduite et l’hépatite chronique dont il souffrait.

Depuis, Liu Xiaobo porte l’image d’un libre-penseur, incarnant une valeur universelle de liberté d’opinion. La sévérité à son endroit reflète le durcissement récent d’un régime fragilisé, forcé de voir en toute tolérance envers la dissidence, une faiblesse nuisible à sa survie.
Face au drame, l’Occident ne peut qu’exprimer sa désapprobation. Bientôt suivis par France, Allemagne et Norvège, les USA offraient (par la voix de l’ambassadeur T. Branstad) que Liu puisse recevoir des soins sur leur sol. Liu lui-même souhaite pouvoir quitter le pays – pour y être soigné, voire y mourir libre. Pékin, pour l’instant, refuse : le dissident reçoit actuellement « les meilleurs soins possibles » de l’équipe médicale autour de lui.

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1 Commentaire
  1. severy

    von Ossietzky, Li Xiaobo, même combat, même contexte, même destin. La dent-de-lion ne résiste pas longtemps au piétinement des bottes cloutées. Mais chaque enfoncement enfouit un peu plus profondément dans une terre amie qui les protège, les graines de la liberté et de la démocratie qui pousseront un jour au grand dam de la Bête.
    Esperare humanum est

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