Délicate affaire que celle de Horiyat Abdulla, femme ouïghoure de 43 ans qui fut « sortie » le 29 mai par la police avec ses quatre enfants de sept à vingt ans de l’ambassade de Belgique, sur demande de cette dernière. Bruxelles avait pourtant dès 2017 octroyé l’asile politique à son mari A. Tursun, 51 ans, et préparait des visas de regroupement familial. L’ambassade avait même fait venir Mme Abdulla quelques jours plus tôt à Pékin pour procéder aux formalités—elle y retournait plusieurs fois par semaine.
Apparemment, les discussions à l’ambassade furent compliquées par l’angoisse de la mère face à la lenteur de la procédure, et aux tracasseries de la police qui lui rendait visite durant la nuit à son hôtel, voulant savoir les raisons du voyage et la date du retour au Xinjiang, son lieu de résidence. Une difficulté dans les négociations était le refus par la Chine de laisser Mme Abdulla et ses enfants voyager sous « sauf-conduit » : Pékin ne reconnaît comme titre de voyage international que son propre passeport…
Ce 28 mai, terrorisée par une perspective d’arrestation, Horiyat s’était rendue une fois de plus à l’ambassade avec ses enfants. Le soir venu, elle refusait de quitter les lieux. L’ambassade offrait en vain de la raccompagner à l’hôtel en voiture diplomatique.
Passé minuit, semble-t-il, le 29 mai, un diplomate notifia la police, qui vint déloger les demandeurs d’asile. La suite est moins claire. La famille semble avoir été reconduite à son hôtel, et avoir pu communiquer par vidéo avec le père à Bruxelles. Le contact fut rompu le 31 : Tursun, aidé par l’ONG qui suivait le dossier familial, donna l’alerte.
Depuis, la diplomatie belge fait tous ses efforts pour rattraper l’affaire, et obtenir en douceur le transfert de la famille vers le plat pays. Au journal belge Le Soir, le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders faisait préparer l’envoi d’un émissaire depuis Bruxelles jusqu’au Xinjiang à l’adresse indiquée par le mari, pour voir si « tout allait bien », et surtout si la famille n’avait pas été transférée dans un camp de formation.
Mardi 11 juin, changement de stratégie : apparemment, un « autre contact » aurait été rétabli, implicitement par les autorités chinoises, et la plus grande discrétion était de mise auprès du gouvernement belge toujours sous pression en Europe et à travers le monde. Autrement dit, tout semble fait, dans chaque gouvernement, pour étouffer l’affaire et pour que Mme Horiyat Abdulla et ses quatre enfants de sept à vingt ans obtiennent au plus vite passeport, visa et billet d’avion aller simple pour Bruxelles.
Cela dit, on n’en est pas encore là, et la famille reste toujours dans un lieu inconnu, en résidence surveillée.
1 Commentaire
severy
23 juin 2019 à 14:00Comment ces gens ingrats peuvent-ils penser à quitter la grande famille chinoise et renoncer à la merveilleuse perspective d’un séjour enchanteur tous frais payés dans un de ces agréables centres de formation gentiment installés dans leur propre région par les autorités dont la philanthropie le dispute à la générosité la plus éblouissante (nous sommes dans le désert du Taklamakan)? Et tout ça pour s’installer dans un pays bassement démocratique où les droits de l’homme et l’état de droit l’emportent honteusement sur la bienveillante dictature socialiste aux caractéristiques chinoises! Non, mais! Depuis quand l’instinct de survie prend-il le pas sur l’amour inconditionnel de la mère-patrie-dispensatrice-de-tous-les-biens et sur le respect sacré du Parti-qui-sait-tout-et-a-toujours-raison? Des ingrats, je vous dis!