Pluies diluviennes, inondations, glissements de terrain dans le sud de la Chine, vague de chaleur dans le nord… Un peu partout, la Chine fait face ces dernières semaines à des conditions météorologiques extrêmes et à des températures inhabituellement élevées pour la saison estivale. Sous l’effet du réchauffement global, ces perturbations climatiques deviennent plus fréquentes et intenses en Chine, premier pays émetteur de gaz à effet de serre.
Pas plus tard qu’en août 2023, en plein conclave de Beidaihe, Pékin et le Hebei avaient connu les plus importantes chutes de pluie depuis 140 ans. L’absence de Xi Jinping sur le terrain après la catastrophe ainsi que la priorité donnée au sauvetage de Xiong’an, la ville « modèle » du président, au détriment de zones voisines du Hebei, avait suscité un certain mécontentement de la population…
Cette fois, le leadership ne semble pas prêt à refaire la même erreur. Début juillet, le premier ministre Li Qiang se rendait dans le Jiangxi, l’une des provinces fortement touchées par les inondations, et admonestait les cadres afin d’améliorer le système d’alerte météo et les infrastructures de gestion des eaux tout en accélérant les opérations de secours. Le patron du Conseil d’Etat leur a également rappelé qu’il est inutile de dissimuler les problèmes : « nous ne devons pas avoir peur du danger, mais nous devons craindre de ne pas les découvrir à temps », a-t-il déclaré.
Tout le monde se souvient du drame de Zhengzhou (Henan) le 20 juillet 2021, où au moins 400 personnes avaient péri noyées (les images de voyageurs piégés dans une rame de métro inondée avaient fait le tour du monde). L’année suivante, plusieurs cadres locaux étaient condamnés pour avoir ignoré les alertes des services météo et minimisé le bilan des victimes.
Pour éviter que de telles situations se reproduisent, Pékin vient d’amender la loi sur la gestion des situations d’urgence. Le texte interdit désormais aux agences gouvernementales d’ordonner à d’autres de retarder, de signaler faussement ou de dissimuler des informations, ou d’empêcher d’autres personnes de les signaler. En parallèle, les autorités locales devront « guider les médias » et « soutenir les journalistes dans leur travail d’interview et de reportage » tout en « effectuant une surveillance de l’opinion publique ». Les médias, eux, devront informer « en temps et en heure » le public et « de façon objective et équitable ».
Même si l’objectif affiché est d’accroître l’exactitude et l’objectivité de l’information, la nouvelle loi monopolise davantage le contrôle de l’État sur les flux d’information et complique un peu plus les conditions de reportage des journalistes. Déjà, à Zhengzhou, lors des inondations de 2021, une foule en colère avait pris à partie les correspondants du Los Angeles Times et de l’agence allemande Deutsche Welle, accusant les journalistes étrangers de « calomnier la Chine » et de « colporter des rumeurs ». Plus récemment, en mars dernier, des journalistes de la CCTV et d’autres médias avaient été bloqués et bousculés alors qu’ils couvraient une explosion à Sanhe, une ville voisine de Pékin. Un comportement qui a incité « l’association » nationale des journalistes chinois à rédiger une rare déclaration de protestation.
L’aspect météorologique n’est pas le seul à être surveillé de près par les autorités cet été. Alors que le 3ème Plénum du Comité Central a été annoncé pour mi-juillet (du 15 au 18), l’administration du cyberespace (CAC) a appelé les régulateurs et les plateformes internet (Tencent, NetEase, Weibo, Douyin, Ifeng.com) à « tout mettre en œuvre » pour créer un environnement d’opinion publique « favorable » en amont du grand rendez-vous politique.
Les censeurs ont déjà eu pas mal de travail pour réprimer les commentaires ultra-nationalistes suite à la mort le 26 juin d’une jeune Chinoise, Hu Youping, qui a arrêté une attaque au couteau dans un bus scolaire japonais à Suzhou. Ce drame vient s’ajouter à plusieurs autres agressions à l’arme blanche ces dernières semaines en Chine et qui ont poussé les internautes à s’interroger sur les causes de ce « regain » de violence dans un pays largement considéré comme « sûr ». Beaucoup sont convaincus que cela a un lien avec la situation économique morose du pays, se basant sur le fait que l’un des assaillants était au chômage… Le fait que le public penche pour cette interprétation en dit long sur l’état d’esprit qui prédomine au sein de la population chinoise durant cet été 2024.
Sommaire N° 24 (2024)