Ces dernières semaines, les rapports alarmants des Chambres de commerce étrangères en Chine se multiplient.
Choqués par le confinement brutal de Shanghai, capitale économique du pays, et plus largement par le maintien coûte que coûte de la stratégie « zéro Covid », les milieux d’affaires se mettent à réévaluer les risques liés à leur présence dans le pays.
80% des filiales d’entreprises françaises déclarent que les mesures sanitaires actuelles ont des conséquences sur leur stratégie d’investissements en Chine. 52% des firmes américaines auraient déjà remis à plus tard ou réduit leurs investissements. 47% des sociétés allemandes repenseraient leurs activités. 23 % des compagnies européennes envisageraient de transférer une partie de leurs investissements dans un pays tiers.
La politique sanitaire actuelle n’est pas la seule source d’incertitude. La guerre en Ukraine (suivie de sanctions contre la Russie), les menaces d’invasion de Taïwan, le risque réputationnel de faire des affaires au Xinjiang, et la rivalité croissante entre Pékin et Washington sont d’autres préoccupations de taille pour les firmes étrangères.
À cela s’ajoutent les vieux griefs autour des transferts forcés de technologies, des difficultés d’accès au marché, des traitements préférentiels accordés aux firmes chinoises…
Face à cette crise de confiance, les médias officiels soulignent que la Chine est toujours une destination importante d’investissements pour les multinationales et font valoir des perspectives de croissance bien supérieures à d’autres pays. Ils multiplient également les témoignages de patrons étrangers confiants dans le potentiel que représente l’immense marché chinois.
Le Global Times va plus loin en accusant certaines firmes européennes d’exagérer leurs difficultés afin d’arracher des concessions aux autorités chinoises. Selon le quotidien nationaliste, ces sociétés étrangères, ayant engrangé de juteux profits grâce au marché chinois durant les dernières décennies, doivent rester « objectives » et « distinguer les difficultés liées au contexte international et celles liées à la situation domestique chinoise ». L’article conclut en affirmant que les entreprises engagées en Chine sur le long terme seront « récompensées ».
En déplaise au Global Times, il semble que les avertissements émis par les milieux d’affaires étrangers et relayés par leurs diplomates, ont été entendus par certains dirigeants chinois, plaidant eux aussi pour un assouplissement de la stratégie sanitaire.
À une vitesse surprenante, les autorités chinoises ont décrété la fin de certaines restrictions aux visas dans bon nombre de pays (dont la France, l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique, la Suisse, le Royaume-Uni, le Canada, les USA, l’Inde, Singapour…), réduit à 7 jours la durée de quarantaine centralisée dans de nombreuses villes et provinces chinoises, et promis une augmentation des liaisons aériennes avec certains pays (dont la France) – sans toutefois remettre en cause le système mis en place par la tutelle de l’aviation civile (CAAC), qui permet d’annuler des vols dès que la situation politique ou épidémique en Chine l’impose.
Ces mesures, que les observateurs n’attendaient pas avant le 20ème Congrès du Parti à l’automne prochain, sont le reflet d’une prise de conscience au sommet de l’État des dégâts infligés par la politique sanitaire actuelle et d’une volonté de les réparer avant qu’il ne soit trop tard. Un désengagement massif des firmes étrangères aurait un effet plus que négatif sur l’économie du pays, déjà au bord de la récession au 2nd trimestre. À Shanghai, les autorités locales auraient déjà organisé plus d’une dizaine de visioconférences avec des dirigeants d’entreprises internationales afin d’éviter un tel scénario.
Autre signal encourageant laissant entendre que le développement économique recommence à prendre ses droits sur la stratégie « zéro Covid » : pour la première fois depuis le début de l’épidémie, Pékin a publiquement dénoncé plusieurs villes du Hebei, du Qinghai et du Liaoning pour avoir imposé des mesures sanitaires « excessives » et « arbitraires ». Même avertissement formulé une semaine plus tôt par le Conseil d’État aux localités qui maintenaient jusqu’à présent des barrages logistiques. Certes, c’est loin d’être un désaveu de la politique actuelle, mais c’ est néanmoins un pas dans la bonne direction.
Sommaire N° 24 (2022)