Editorial : La Chine « cocotte-minute »

La Chine « cocotte-minute »

À la veille des célébrations marquant le 100ème anniversaire du Parti le 1er juillet, la pression est à son comble pour les cadres, le moindre incident pouvant venir gâcher la fête et mettre un terme à leur carrière.

Dans la province du Hubei, une conduite de gaz mal-entretenue serait à l’origine de l’explosion d’un marché situé dans une zone résidentielle de la ville de Shiyan le 13 juin. Bilan : 25 morts et 138 blessés. Le jour même, le Président Xi Jinping ordonnait de déterminer au plus vite la cause de l’accident et intimait aux cadres de développer « un sens politique aigu » et de « créer une atmosphère propice au centenaire du Parti ». « Les coupables seront tenus pour responsables », avertissait-il.

En réaction aux instructions de Xi, la Commission nationale de la sécurité au travail annonçait superviser elle-même l’enquête sur les causes de l’accident – chose rare. Cinq jours plus tard, le vice-premier ministre Liu He ordonnait une inspection de tous les parcs industriels, gazoducs, mines… « Aucun effort ne doit être épargné pour assurer la sécurité », a-t-il rappelé.

Le drame de Shiyan est loin d’être un incident isolé. Les jours précédents, une fuite chimique dans le Guizhou et un accident dans le Sichuan ont encore tué 14 personnes. Malgré la campagne nationale d’inspection décrétée lors de l’explosion chimique du port de Tianjin en 2015 (173 morts, des milliards de yuans de dégâts), le pays est toujours victime d’accidents industriels en série.

Face aux inquiétudes exprimées par les internautes, Hu Xijin, le rédacteur en chef du quotidien nationaliste Global Times, soulignait les progrès du pays en matière de sécurité tout en affirmant que « la Chine a un système d’application du principe de responsabilité le plus strict au monde ».

Les accidents industriels ne sont pas l’unique cause de souci des autorités. L’arrivée de l’été et ses aléas climatiques (inondations à répétitions et vagues de chaleur) représentent également des risques, tout comme la situation sanitaire dans le Guangdong, où le variant Delta a pris ses aises. Après Canton, c’est au tour de Shenzhen, Foshan et Dongguan de déclarer quelques cas. Là encore, « les cadres négligents seront tenus pour responsables », a prévenu la commission provinciale d’inspection de la discipline.

Un mois plus tôt, un « ultra marathon » de 100 km, organisé dans le Gansu, tournait à la catastrophe et faisait 21 morts parmi les coureurs, décédés d’hypothermie. Le manque de professionnalisme des organisateurs ainsi que des conditions météorologiques extrêmes ont été identifiés comme les causes de la tragédie. Près d’une trentaine de cadres et organisateurs ont été punis. Le 9 juin, le principal accusé, le chef du Parti du comté où s’est déroulée la course, s’est jeté par la fenêtre, après avoir reçu la visite des inspecteurs le jour même…

Malheureusement, cette pression politique de tous les instants est souvent contreproductive, les cadres ou les entreprises (d’État notamment) préférant dissimuler les accidents ou minimiser la situation, pour espérer échapper à la sanction. Une anxiété qui redouble à l’approche d’évènements politiques sensibles pour le gouvernement, comme ce 1er juillet 2021. C’est ce qui explique qu’à J-10 du grand jour, le pays entier ressemble davantage à une immense cocotte-minute qu’à une nation qui s’apprête à vivre un épisode de liesse populaire.

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