Editorial : Avant la trêve estivale…

Patiemment, de main de fer, le 1er Secrétaire Xi Jinping prépare son XIXe Congrès d’octobre. D’ici là, se tiendra cet été, à huis clos, le conclave balnéaire de Beidaihe, où 60 à 70 édiles de la nation parachèveront les nominations du prochain quinquennat et la fixation de la ligne politique future. 
En signe de renforcement de son autorité, Xi présidait le 18 juin sa dernière création, la Commission Centrale d’intégration des industries militaires et civiles, destinée à assurer un flux constant de systèmes d’armement pour les branches air, terre, mer et balistiques de l’Armée Populaire de Libération. En plus du titre de « cœur » du Parti qu’il s’est fait attribué en 2016, Xi préside une douzaine de comités, groupes moteurs et commissions centrales, dont les attributions ont été reprises aux groupes de travail du Secrétariat du Comité Central. Toutes ces entités récentes ont été mises aux mains d’hommes de confiance, assurant à Xi les rênes du pouvoir.
En gestation depuis plus d’un an, un autre  organe devrait devenir la clé de voûte du système Xi Jinping : la super agence anticorruption, conçue pour mailler le territoire, en associant les expertises de la CCID (police interne du Parti) et des limiers financiers de la Sécurité publique. Mais bien des questions restent sans réponse. Qui dirigera l’agence ? Wang Qishan, à la tête de la CCID ? Mais n’est-il pas déjà pressenti pour reprendre le poste du Premier ministre Li Keqiang ? Quelle seront ses attributions ? Pourra-t-elle arrêter les suspects sans en référer à un juge, les destituer, les exproprier sans procès ni avocat ? Cette question importe à grand nombre de membres du Parti, surtout à l’heure où les plus puissants capitalistes du pays, au sommet de la classe du pouvoir, tombent comme feuilles mortes. Selon des rumeurs, Xi et Wang, par jeu de limogeage et de promotions, s’efforcent de renforcer leur emprise sur la Sécurité Publique—qui s’est largement affranchie du pouvoir depuis 2008. 

Autre question qui interpelle : qui présidera la CIRC (la Commission de surveillance des Assurances), décapitée en avril après la mise en examen de son président Xiang Junbo ? Selon un  expert, cette vacance qui s’éternise suggère une défiance généralisée envers la structure organisatrice, la gouvernance-même de la finance en Chine. Une refonte de la CIRC et des deux autres tutelles financières CSRC (bourse) et CBRC (banques) est inévitable. Mais dans quel sens ? Nul n’a aujourd’hui d’indices, sur le type de réforme que décidera le chef de l’Etat.

Le 15 juin, date de la visite pékinoise de Gianni Infantino, le nouveau président de la FIFA (cf photo), coïncida avec les premières semaines du blocus aérien et maritime du Qatar par une coalition d’Etats menée par l’Arabie Saoudite. Il fut reçu en grande pompe par Xi, qui lui fit part une fois de plus du désir ardent de la nation d’héberger un jour la Coupe du Monde de football. Mais à quelle échéance ? Le plus tôt, selon la règle, serait 2030 ou 2034, l’édition de 2022 étant déjà confiée au Qatar (classé dans le continent asiatique), et la suivante en 2026, devant obligatoirement se tenir hors d’Asie. Mais… suite à la défection des traditionnels sponsors euro-américains, échaudés par la corruption du précédent président Sepp Blatter, la FIFA dépend d’autant plus du sponsoring de groupes chinois (tels Wanda, Hisense, Alibaba ou Vivo). La Chine dispose de 20 stades de plus de 50.000 places, et autant d’argent nécessaire pour remplacer un Qatar au pied levé, ce dernier dût-il voir son blocus s’éterniser en mois ou en années.
On ne sait pas ce qu’a dit Xi à Infantino, mis à part cette phrase ailée : « le vrai sens du football n’est pas dans la seule compétition, mais dans la culture du patriotisme populaire et l’esprit collectif de lutte ». Deux faits manifestes : 
– récupérer la Coupe de 2022 avant octobre, serait pour Xi un coup d’éclat—manière favorable d’aborder le XIXe Congrès en position de force ;
– Xi Jinping se tient prêt ! 

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1 Commentaire
  1. severy

    Instaurer la stratégie du coup franc dans le pays du coup bas relève davantage de l’enseignement de Sunzi que du respect des règles footballistiques. Experts dans l’art de faire passer les cartons rouges pour des lanternes, le régime chinois pourrait bien y parvenir.

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