Editorial : Lueur d’espoir

Lueur d’espoir

Après deux mois d’attente, la date de la tenue du 3ème Plenum du Comité Central est finalement tombée à la suite de la réunion mensuelle du Politburo. Ce grand rendez-vous politique, est traditionnellement consacré à la réforme économique (au sens large) et était initialement attendu à l’automne dernier : il aura lieu du 15 au 18 juillet.

L’appareil n’a donné aucune explication à ce retard. Néanmoins, il est plus que probable que ce délai soit le fait de débats vigoureux en interne au sujet du programme de réformes plutôt que la conséquence d’une opposition au Secrétaire général du Parti, Xi Jinping. Ce temps de latence pourrait également indiquer que les réformes envisagées pourraient être plus conséquentes que prévues.

Dans ce contexte, le communiqué officiel mérite une attention particulière. Il révèle que les mesures dévoilées lors du 3ème Plenum seront « le reflet des demandes du peuple » mais aussi « partageront les fruits de réformes avec le peuple ». Faut-il y voir un soutien économique et social plus direct à la population ?

Plus intriguant encore, le texte promet des « innovations théoriques ». Est-ce une allusion aux « nouvelles forces productives », concept mis en avant récemment par le leadership qui donne la part belle à l’innovation technologique ?

Enfin, le communiqué promet un équilibre entre « le gouvernement et le marché, l’efficacité et l’équité, le développement et la sécurité ». De quoi alimenter les espoirs de certains observateurs échaudés par la priorité donnée au concept de « sécurité nationale » au détriment de la croissance et du secteur privé.

Plus concrètement, ces indices pourraient se traduire par une réforme du « hukou » (permis de résidence qui lie tout Chinois à sa ville de naissance), une réforme du système de retraite, une réforme du système fiscal (TVA, impôts sur le revenu, transferts entre l’Etat central et les gouvernements locaux, introduction d’une taxe foncière…), voire l’accélération de la mise en place d’un « marché unifié » (visant à mettre fin à la rivalité entre différentes provinces et à réduire les surcapacités)…

Au cours des jours à venir, la presse officielle devrait dévoiler davantage de détails. Mais s’il y a bien quelque chose que l’histoire récente (3ème Plénum de 2013) nous enseigne, c’est qu’élaborer un programme de réformes ambitieux est une chose, le mettre en œuvre en est une autre, la plupart des mesures annoncées en 2013 étant restées lettre morte jusqu’à aujourd’hui

L’autre aspect associé à la tenue de ce Plénum est celui du remaniement du personnel. Outre la nomination de nouveaux dirigeants à la tête de la province du Ningxia, de l’Anhui, du Jilin…, la nomination de Cai Qi et de Ding Xuexiang à la tête de commissions centrales auparavant dirigées par Xi Jinping (signe que le leader se sent suffisamment en confiance dans son 3ème mandat pour déléguer certaines fonctions à ses alliés), le leadership du Parti a fait deux annonces importantes concernant les deux anciens ministres de la Défense, Wei Fenghe (2018-2023) et Li Shangfu (mars à octobre 2023). Les deux hommes avaient tous deux disparus en août 2023.

« Le fait qu’il ait fallu autant de temps pour statuer sur leur sort indique que leurs cas ont conduit à des tensions considérables au sein du Parti et de l’armée », commente Alex Payette, cofondateur du cabinet Cercius. D’ailleurs, le langage employé pour qualifier les offenses des deux ex-ministres est beaucoup plus dur que celui utilisé lors de la chute en 2014 des deux vice-présidents de la Commission Militaire Centrale (CMC), Guo Boxiong et de Xu Caihou.

Si Li et Wei sont tous deux accusés de corruption et d’avoir « endommagé la construction du ministère », Li est mis en examen pour « avoir pollué l’écologie politique et les industries dans le secteur de l’équipement militaire » tandis que Wei aurait « perdu sa loyauté [envers le Parti] » – une accusation particulièrement grave dans le contexte actuel. « En ce sens, il apparaît que Wei est mis en examen pour cause de corruption politique – au sens idéologique du terme – et non pas Li », décrypte A. Payette.

Le fait que Xi Jinping ait récemment tenu une conférence militaire importante à Yan’an (haut lieu de la révolution chinoise) laisse entrevoir que Xi se serait senti personnellement trahi par la « corruption » d’hommes qu’il avait promu lui-même au plus haut niveau.

La chute de Li et de Wei n’est pas une fin en soi. Bien au contraire. Celle-ci annonce le début d’une nouvelle ronde de purges au sein de l’Armée Populaire de Libération, en plus de celle déjà entamée depuis plusieurs mois au sein de la Force des missiles, du Département de l’équipement, de la Force conjointe de soutien logistique ainsi qu’au sein d’un bon nombre de compagnies étatiques faisant partie du complexe militaro-industriel…

Le mystère reste cependant entier concernant le sort de l’ex-ministre des Affaires étrangères, Qin Gang, disparu de la vie publique en juin 2023, puis démis de ses fonctions ministérielles peu après sans plus d’explications… En février dernier, l’appareil révélait qu’il avait officiellement démissionné de certaines de ses fonctions – un détail de procédure qui suggère qu’il pourrait bénéficier d’un traitement de faveur. Verdict mi-juillet !

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