La Chine se serait bien passée de ce quasi-blocus du Qatar, le 5 juin par 6 Etats du Golfe et l’Egypte. Lignes maritimes et aériennes et les relations diplomatiques sont rompues avec l’Etat milliardaire, également exclu d’une coalition militaire de paix au Yémen.
A l’origine du clash, Riyad (Arabie saoudite) accuse Doha de financer en sous-main des mouvances tels le Hamas, les Frères musulmans, Daesh et Bachar el-Assad en Syrie. Mais derrière le Qatar, c’est l’Iran qui est visé. Ces deux pays ont des convergences dues à l’histoire et la géographie. Des deux bords du golfe Persique, ils partagent une tradition religieuse—le salafisme (47% des Qataris) et un gisement pétrolier mitoyen, exploités en commun. Riyad espère ainsi « éduquer » Doha, et forcer ses soutiens, telle la Chine, à faire leur choix d’une puissance comme leader du golfe Persique—Riyad ou Téhéran ! Or la Chine a payé cher pour éviter de faire ce choix. Depuis 30 ans, elle a fait ce pari : « le business avant tout », dans l’espoir que les affaires commerciales finiront par éteindre les acrimonies. Mais la crise présente dément cet optimisme : loin de s’estomper, les conflits s’enveniment. Un autre indice aurait pu révéler plus tôt la mauvaise pente : l’accord de libre-échange Chine-Conseil du Golfe (GCC), négocié depuis 13 ans mais toujours en panne du fait de querelles intestines.
Quoique déplorant le soutien qatari aux Talibans, et aux Ouighours du Xinjiang, Pékin poussait en 2016 ses échanges avec Doha à 11,5 milliards de $, faisant du Qatar son second fournisseur en GNL, et la Chine devenant le 1er partenaire commercial du Qatar. Elle a signé pour 8 milliards de contrats avec le Qatar, dont celui du grand stade de la Coupe du Monde de football de 2022 – certains se demandent à présent s’il pourra servir.
Avec l’Arabie saoudite, le partenariat est encore plus fort. En mars à Pékin, le roi Salman signait 65 milliards de $ de contrats d’infrastructures, raffineries, livraisons de brut, nucléaires et de défense…
Pour la Chine, la région du Golfe, quoique en dehors de ses « nouvelles routes de la soie », est cruciale : elle est sa première source de ses hydrocarbures et grosse cliente de ses produits. Mais si la stabilité venait à disparaître, la Chine serait vulnérable : en cas de guerre, comme celle en Libye à la chute de Kadhafi, elle risquerait de tout perdre.À ce jour, la Chine a pu garder l’équidistance entre Riyad et Téhéran. Mais son Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) « réfléchit » à intégrer l’Iran, et même la Turquie, protectrice du Qatar… Mais après cela, pourra-t-elle encore préserver ce vernis de neutralité ? Imbroglio et choix cornélien en perspective.
Sommaire N° 23 (2017)