Editorial : La Chine, ses vieux alliés et son dilemme

Du 17 au 24 juin, le Président Xi Jinping voyageait entre l’Europe de l’Est et l’Asie Centrale. Quoique modestement relatée par la presse, son étape en Serbie (18-19 juin) réveilla un souvenir fort – la relation fondatrice avec l’ex-Yougoslavie de Tito, champion du non-alignement.

Dans les années ‘50, Pékin cultivait l’amitié avec le phare des Balkans, socialiste mais distant de l’URSS. 30 ans après, en 1999, elle lui maintint son soutien, quoique son dictateur Milosevic se soit lancé dans une campagne de purification ethnique qui allait causer la disparition de la nation. Ainsi, la Chine de Jiang Zemin ressentait une communauté de destin – et la solidarité idéologique n’était pas un vain mot !

Le 18 juin 2016, Xi Jinping fut donc reçu avec faste à Belgrade par le Président T. Nikolic. Pour ce petit pays hors de l’UE, candidat à son accession, le soutien chinois est plus précieux que jamais – les 28 Etats membres ayant coupé leurs investissements en Serbie depuis la crise. En 2009, Pékin signait avec elle un « Partenariat stratégique » et y déversait un milliard de dollars, en infrastructures, pour en faire une tête de pont de sa « nouvelle route de la soie ».

À l’issue de son passage, Xi Jinping signa 22 accords. Les aciéries du Hebei (Hesteel) ont repris pour 46 millions d’€ les hauts-fourneaux désuets de Smeredevo (Belgrade), promettant de les remettre aux normes, et d’y adjoindre une zone industrielle. La Chine mise 206 millions d’€ dans la construction de 2 tronçons d’autoroute paneuropéenne (Surcin-Obrenovac), et prépare la ligne TGV Belgrade-Budapest.

L’APL va aider l’armée serbe à former et équiper des contingents de Casques Bleus de l’ONU, à se renforcer en lutte anti-terroriste, et contre les armes de destruction massive… La coopération sino-serbe est donc modeste, mais assumée et fondée sur 60 ans de compagnonnage politique.

9000 km plus à l’Ouest, la Chine négocie en ce moment-même, en toute discrétion avec le Venezuela, autre vieil allié socialiste. Avec ses réserves pétrolières supérieures à celles de l’Arabie Saoudite, le pays pouvait devenir premier producteur mondial. Sous Hugo Chavez, ce pays en pleine révolution post-coloniale, séduit la Chine : à partir de 2007, elle lui prêta 65 milliards de $ en financement de routes, de TGV, d’habitat populaire, de développement pétrolier –et de rééchelonnement de sa dette.

Problème : en 10 ans, le régime « rouge » de Caracas, perclus de corruption, n’a jamais remis en cause sa gouvernance archaïque, ni visé la profitabilité. Ayant ruiné sa classe moyenne, le pays est à bout de souffle. Fils spirituel d’H. Chavez, son Président N. Maduro est sous le coup d’une procédure de destitution. Éreintée d’une inflation de 480%, l’économie est atone, les magasins sont vides. Selon le FMI, le taux de récession serait de 8% en 2016. Face à cet Etat ruiné, Pékin est assuré de perdre la majeure partie de ses investissements – déjà partis en fumée. Ses diplomates, en coulisses, négocient pour sauver ce qui peut l’être. Ils le font davantage avec l’opposition de Henrique Capriles (déjà majoritaire au Parlement) qu’avec le gouvernement.

Pour Pékin, le cas de Caracas a valeur de test : que reste-t-il des investissements dans des Etats qu’elle soutient depuis 20 ans, Soudan, Zimbabwe, Birmanie ? Les 20 milliards de $ perdus en Libye après la chute de Kadhafi sont loin d’être oubliés…

La question de fond demeure : faut-il privilégier la rationalité financière et la croissance, ou continuer à investir dans la nostalgie révolutionnaire ? La question n’est pas –encore– brûlante, car ce cas vénézuélien est le seul de cette ampleur, et la Chine n’a pas encore à gérer une faillite d’Etat, dont elle serait le premier créancier. Mais judicieusement, elle s’y prépare …

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