Après avoir pourchassé « tigres » comme « mouches », hauts dirigeants comme simples fonctionnaires, les inspecteurs de l’anticorruption se mettent à remonter le temps en rouvrant de vieux dossiers.
Depuis son arrivée au pouvoir fin 2012, Xi Jinping n’a cessé d’étendre le spectre de sa campagne anticorruption, à la fois pour lutter contre ce fléau qui nuit à la légitimité du Parti, mais aussi pour consolider son propre pouvoir.
Lors de la session du Parlement en mars dernier, le Président a prévenu que « le Parti a fait preuve d’une tolérance zéro à l’égard des nouveaux cas de corruption [depuis 2012]. Aujourd’hui, nous ne tolérerons plus les anciens cas [avant 2012]. Le combat contre la corruption ne s’arrête jamais ».
C’est un tournant dans cette campagne anticorruption puisque, jusqu’à présent, elle ne ciblait que les méfaits commis sous Xi Jinping.
Première victime : la Mongolie-Intérieure, région autonome réputée pour sa production de charbon. Là-bas, les inspecteurs ont rouvert des affaires remontant jusqu’à « 20 ans en arrière », impliquant près d’un millier de cadres. Sur le banc des accusés, 34 cadres à la retraite et un décédé…
Fin avril, l’agence Xinhua a publié une vidéo de l’un d’entre eux. Il s’agit de Guo Chengxin, 66 ans (cf photo), qui a quitté son poste de directeur du bureau du charbon à Ordos en 2015, en espérant passer à travers les mailles du filet de l’anticorruption. Sous pression, Guo raconte avoir envisagé de s’autodénoncer, avant de changer d’avis… Il a finalement été incarcéré en mai 2020. « Cette campagne remontant 20 ans en arrière est nécessaire, toute une cohorte de cadres était pourrie à cette époque », affirme-t-il.
Ces enquêtes rétrospectives ne devraient pas se limiter à la Mongolie-Intérieure. Déjà, le Gansu lui emboîte le pas…
Cependant, en rendant les cadres responsables à vie de leurs agissements, Xi Jinping augmente encore d’un cran la pression, ce qui peut avoir comme conséquence d’exacerber chez eux la peur de prendre des initiatives ou la tentation de dissimuler certaines informations par crainte d’être sanctionnés… La gestion de l’épidémie de la Covid-19 à ses débuts à Wuhan en est un parfait exemple.
Autre changement de stratégie dans la campagne anticorruption : inciter les cadres corrompus à se rendre, en leur promettant de faire preuve de clémence. En 2020, plus de 16 000 cadres se seraient dénoncés d’eux-mêmes. Un chiffre en augmentation de 54%, se targue la Commission centrale d’inspection de la discipline (CCID).
Cette statistique, largement reprise par les médias officiels, est censée prouver au public les capacités de gouvernance du Parti, mais surtout la faculté de Xi Jinping à exercer son autorité sur tous les niveaux hiérarchiques, voire même à travers le temps ! Un atout de poids pour l’actuel Président qui espère sécuriser son troisième mandat lors XXème Congrès du Parti, à l’automne 2022.
Sommaire N° 22-23 (2021)