Le Vent de la Chine Numéro 22 (2020)
C’était le moment que tout le monde attendait. Avec plus de deux mois de retard, la Chine débutait ses « Deux Assemblées » (consultative – CCPPC – et législative – ANP) en une session condensée (21 – 28 mai). Dans une ambiance solennelle, les 3 000 délégués présents observèrent une minute de silence en mémoire des 4 645 vies chinoises fauchées par le Covid-19 (selon l’admission officielle). Mis à part les 25 membres du Bureau Politique, tous les parlementaires présents au Grand Palais du Peuple portaient un masque (cf photo).
Quoique éclipsé par la tonitruante annonce la veille du passage en force d’une loi de sécurité nationale à Hong Kong, le rapport gouvernemental présenté par le Premier ministre Li Keqiang en ouverture de l’ANP n’en est pas moins important, révélant en 23 pages les priorités et les inquiétudes du régime.
Le grand enjeu de 2020 est sans aucun doute l’emploi (terme le plus récurrent dans le discours – revenant 34 fois). Le taux de chômage urbain a été relevé de 0,5%, à 6%. Mais les analystes de Zhongtai Securities estiment plutôt que le taux réel (travailleurs migrants inclus) serait de 20%. 70 millions de personnes auraient perdu leur emploi durant l’épidémie. Une situation qui est particulièrement préoccupante chez les moins de 24 ans (taux officiel de 13,8% en mars), menaçant la stabilité sociale (mentionné 9 fois).
Rompant avec une tradition décennale, le gouvernement renonçait à fixer un objectif de PIB pour l’année, « la pandémie ayant provoqué bien trop d’incertitudes ». En effet, la croissance (prononcé seulement 4 fois) devrait tourner autour de 1% cette année, menaçant les deux objectifs stratégiques du Parti pour l’année. Hors de portée pour 2020, le doublement du revenu par habitant par rapport à 2010 ne revient que 6 fois. Par contre, le rapport se focalise sur l’éradication de la grande pauvreté (23 fois) : fin 2019, 5,5 millions de personnes vivaient encore dans la misère, auxquelles il faut désormais ajouter au moins 380 000 personnes supplémentaires que l’épidémie a fait basculer sous le seuil des 3,218 yuans annuels. Contrairement à la croissance, la réforme (du système de santé, des entreprises d’État, du monde rural…) conserve une place de choix dans le rapport (28 fois).
La Chine a bien retenu la leçon de la crise financière de 2008, et le grand stimulus attendu n’aura donc pas lieu. Toutefois, Li Keqiang annonçait une sensible augmentation du déficit budgétaire à 3,6 % du PIB, nettement plus important que celui de 2019 (2,8 % du PIB) et surtout bien au-dessus du plafond officiel de 3 %. L’Etat compte émettre pour 3 750 milliards de yuans d’obligations « spéciales » des gouvernements locaux (contre 2 150 milliards en 2019), et pour 1 000 milliards de yuans de bons « spéciaux » du Trésor. C’est une première depuis 2007, mais c’est moins que prévu… Au total, le stimulus fiscal accordé représenterait 4,1% du PIB.
La relance sera principalement axée sur les « nouvelles infrastructures » (2 fois) comme la 5G, les « big data », les caméras de surveillance, les véhicules autonomes… Elle sera concrétisée par un grand plan consacré à l’intelligence artificielle doté de 14 000 milliards de yuans sur cinq ans (2025). L’environnement (4 fois) reçoit également plus de fonds par rapport à 2019 (407 milliards de yuans).
Sous l’angle sanitaire (4 fois), le système de prévention épidémique sera réformé : le Centre national de prévention des maladies (CDC) est chargé de rédiger un nouveau plan de réponse épidémique, tandis que le niveau de biosécurité de ses laboratoires devra être renforcé. Chaque province devra disposer de son propre laboratoire P3, et augmenter le nombre de lits dans les services de soins intensifs de leurs hôpitaux. Les gouvernements locaux étant déjà très endettés, ces dépenses seront financées par les nouvelles obligations « spéciales ».
Exprimant la priorité donnée à la situation nationale et le contexte international tendu, les États-Unis ne sont donc cités qu’une fois, lorsque Li réitère l’engagement de la Chine à respecter l’accord commercial de janvier. Alors que 2020 devait être l’année de l’Europe, le vieux continent n’apparaît pas dans le rapport, un mauvais signe pour le sommet Chine-UE prévu en septembre. Autre mauvais présage : le passage sur Hong Kong (6 fois) ne mentionne aucunement la « Basic Law ». Concernant Taïwan (6 fois), le terme de réunification « pacifique » a disparu. Cela peut en partie expliquer pourquoi le budget militaire (4 fois) continue d’augmenter (+6,6%) à 1 268 milliards de yuans pour 2020, même si son rythme est le plus lent depuis 20 ans.
Sans aucun doute, la Chine est confrontée à « des défis sans précédent ». Pour autant, cette situation inédite dans l’histoire du pays n’a pas l’air de secouer la légitimité de Xi Jinping (cité 13 fois). Malgré des nuages noirs orageux lors de l’ouverture du grand rendez-vous politique à Pékin, le « cœur » du Parti (8 fois) semble conserver son « mandat du ciel ». Si le régime a ses doutes et ses oppositions internes, il n’est moins que jamais le moment d’en faire état.
Alors que le monde entier est aux prises avec le coronavirus, la Chine vient de franchir une nouvelle étape dans sa reprise en main de Hong Kong. Le jour de son ouverture, l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) a annoncé le vote d’ici le 28 mai d’une motion visant à promulguer une loi de sécurité nationale dans sa turbulente « région administrative spéciale » (RAS), un projet en route depuis le 4ème Plenum fin octobre 2019.
Le texte interdirait « la sécession, l’ingérence étrangère, le terrorisme et toute activité séditieuse » destinée à renverser le pouvoir central. Il permettrait donc aux autorités hongkongaises, à la botte de Pékin, de réprimer tout comportement portant atteinte à la sécurité nationale. Ce projet serait synonyme d’un contrôle renforcé sur la presse, l’éducation, et la liberté d’expression, et ouvrirait la porte à tous les abus. Le mois dernier, l’arrestation de 15 personnalités du mouvement pro-démocratie en donnait un avant-goût…
Naturellement, cette annonce a fait bondir les députés de l’opposition, qui dénoncent une attaque directe au principe « d’un pays, deux systèmes » accordé à l’ex-colonie britannique lors de sa rétrocession en 1997. Certains militants pro-démocratie anticipent déjà la « fin de Hong Kong ». Les investisseurs n’étaient pas plus optimistes, craignant que la RAS perde son statut de place financière internationale : la Bourse de Hong Kong plongeait de 5,6% à sa clôture le 22 mai, la plus forte chute journalière depuis 2015. Les habitants eux, inquiets que la « grande muraille de feu » (la censure chinoise) s’abatte sur leur internet, se sont rués sur les VPN (réseau privé virtuel). Des appels à manifester ont été lancés pour le week-end, mais les manifestants étaient attendus par 6 000 policiers antiémeutes.
La cheffe de l’exécutif Carrie Lam, décrédibilisée par sa mauvaise gestion des crises successives (politique puis sanitaire), se voulait rassurante et affirmait que cette loi n’affecterait pas les libertés des citoyens, ni l’indépendance de la justice, ni les intérêts des investisseurs. « Au contraire, elle va offrir un environnement stable pour tous, sans la menace du terrorisme… Ce projet a mon total soutien », déclarait-elle.
En 2003, cette même loi, prévue par l’Article 23 de la « mini-Constitution » de la RAS, avait conduit un demi-million de Hongkongais dans les rues, y voyant une menace pour leurs libertés. Le 1er chef de l’exécutif de Hong Kong, Tung Chee-hwa, ne s’en était d’ailleurs jamais remis politiquement et avait présenté sa démission à mi-mandat. Depuis lors, l’administration de la RAS s’était bien gardée de la remettre à l’ordre du jour…
Le violent mouvement de contestation déclenché en juin 2019 par un projet de loi d’extradition, mais reflétant un mécontentement plus large à l’encontre du gouvernement, a convaincu Pékin de l’urgence de l’adopter elle-même, frustré par l’incapacité de l’exécutif hongkongais de le faire.
Le texte sera d’abord soumis au Comité permanent de l’ANP courant juin ou au plus tard en août, puis listé en Annexe III de la « Basic Law », et enfin, il pourra être promulgué automatiquement ou adopté par le Parlement local – probablement tant qu’il est encore aux mains des pro-Pékin, les élections au LegCo étant attendues pour septembre.
Cette loi devrait s’accompagner d’une arrivée sur le territoire d’antennes des services de renseignements chinois qui s’assureront de sa bonne application sur le territoire. Une annonce qui laissait même songeurs les délégués hongkongais présents à l’ANP… Mme Lam confiait n’avoir pas tous les détails.
Plus alarmant encore, en poussant l’adoption de cette loi, Pékin sait pertinemment que Hong Kong pourrait à nouveau s’enfoncer dans une forme de guérilla ruineuse, incitant habitants, entreprises et capitaux à prendre la porte de sortie. Au premier trimestre, la croissance de la RAS a chuté de 8,9%, un plongeon historique. Jusqu’à présent, ces mouvements ont toujours conduit à une reculade de l’exécutif. Mais cette fois, le régime semble déterminé à passer cette loi, quel qu’en soit le prix, quitte à « tuer la poule aux œufs d’or » ou à ce que le sang coule à nouveau dans la RAS.
Ce faisant, Pékin défie ouvertement Washington, qui doit rendre d’ici la fin du mois son premier rapport d’évaluation sur le degré d’autonomie de Hong Kong, dont dépend le statut économique spécial que lui accordent les États-Unis. Le Président Trump a déjà prévenu qu’il ne resterait pas sans réagir. Mettra-t-il ses menaces à exécution ou laissera-t-il la Chine agir impunément ? Révoquer certains des privilèges de la RAS ne ferait que l’affaiblir davantage sans toucher directement Pékin. L’administration américaine pourrait donc réfléchir à d’autres formes de sanctions. Elles ne tardèrent pas : le 22 mai, le Département du Commerce américain ajoutait 33 entreprises chinoises (dont celle de cybersécurité Qihoo 360) à sa liste des entités, les empêchant de se fournir aux USA. Un projet de loi bipartite prévoyant de sanctionner les responsables de la répression des Ouïghours (dont Chen Quanguo, membre du Politburo) vient également d’être adopté par le Sénat américain et doit être présenté devant la Chambre des représentants le 27 mai. Trump n’aura plus qu’à le signer… Washington pourrait également élargir ses interactions avec Taïwan, ce qui ne manquerait pas d’irriter la Chine.
Justement à Taipei, ce raidissement à Hong Kong éloignait encore plus toute possibilité de réconciliation pacifique avec Taïwan sous le même principe « d’un pays, deux systèmes ». En réaction à la nouvelle, le bureau des affaires continentales à Taipei taclait : « le Parti est incapable d’introspection, ignorant les véritables racines de l’instabilité dans la RAS et préférant blâmer les forces étrangères ».
Selon Jean-Yves Heurtebise, maître de conférences à l’Université Catholique FuJen et membre associé au CEFC, « si Hong Kong « tombe », Taipei sait qu’elle est la prochaine sur la liste. Taïwan a donc besoin de la résistance hongkongaise pour gagner du temps. De même, Hong Kong a besoin de Taïwan comme base arrière ». Leurs destins n’ont jamais été aussi liés…
Jamais une assemblée annuelle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’avait été aussi importante que cette 73ème , réunissant ses 194 membres en visioconférence le 18-19 mai. Pour la Chine, elle débutait bien puisque, juste avant son ouverture, Taïwan consentait à reporter à la fin de l’année le débat sur sa participation en tant que membre observateur.
Par la suite, la Chine ne reçut pas exactement les applaudissements escomptés. Les milliards de masques et de kits de dépistage n’ont pas suffi à faire oublier que le SRAS-nCov-2 a été identifié pour la première fois en Chine à Wuhan, ni sa tentative de dissimulation de l’épidémie, et encore moins sa relation complice avec l’OMS. « L’OMS est la marionnette de Pékin », tempêtait le Président Trump, qui a préféré boycotter le sommet. À l’issue de l’assemblée, le locataire de la Maison-Blanche donnait un ultimatum de 30 jours à l’OMS pour procéder à des « améliorations », sans quoi le financement américain (400 millions de $ annuels) serait retiré pour de bon, tout comme la participation des États-Unis à l’organisation onusienne. Une décision qui ferait de la Chine le meilleur garant de la santé publique dans le monde.
En effet, quand Washington se retire, Pékin avance ses pions. Grâce à un concours de circonstances, le Président Xi Jinping était le premier des cinq chefs d’État à prendre la parole. Le leader chinois a d’abord répondu implicitement aux critiques : son pays a agi avec « ouverture, transparence et responsabilité ». « Nous avons rapidement informé l’OMS, identifié le virus, et partagé notre expérience avec le reste du monde » se défendait-il. Xi en profitait pour faire la promotion de son concept de « communauté de destin pour l’humanité » en promettant de partager le futur vaccin chinois et de faire un chèque de 2 milliards de $ sur deux ans aux pays les plus pauvres pour lutter contre la maladie.
Ces généreuses promesses n’empêchaient pas la Chine d’être attendue au tournant par une centaine de pays réclamant une enquête internationale indépendante à l’OMS sur l’origine du virus. La première résolution proposée par l’Australie, demandant qu’une enquête soit entamée immédiatement, fut jugée trop incisive. Canberra paie cher cette tentative puisque Pékin a frappé de tarifs douaniers son orge et a suspendu ses importations de bœuf. C’est finalement la version portée par l’Union européenne qui remporta tous les suffrages (plus de 140 pays), même des alliés de la Chine comme la Russie ou l’Indonésie.
À chaque mot son importance : le texte approuvé à l’unanimité appelle l’OMS à travailler avec les autres agences onusiennes pour identifier la source « zoonotique » du virus et sa transmission à l’Homme. Cette « évaluation impartiale, indépendante et complète » aura lieu au « moment approprié ».
Face à une telle levée de boucliers, la Chine n’avait d’autre choix que d’y consentir. D’une part, car elle sait qu’une enquête est inévitable : c’est une procédure standard, enclenchée après chaque épidémie. D’autre part, résister plus longtemps n’aurait fait qu’abîmer un peu plus son image. Accepter cette évaluation lui permet donc de sauver les apparences en se montrant coopérative.
Et malgré ses airs magnanimes, Xi Jinping n’a fait aucune concession. Au contraire, il a obtenu ce qu’il souhaitait.
Vu la complexité d’une telle évaluation internationale, il aurait été difficile de la confier à une autre organisation que l’OMS. Or rien ne garantit que la Chine n’intervienne pas, en influencant la composition de l’équipe par exemple. Les mauvaises langues diront que les 2 milliards de $ mis sur la table par Xi Jinping sont en fait une dette politique contractée par l’OMS, que Pékin sera à même de rappeler en temps utile. De plus, il est hautement improbable que Pékin accorde un libre accès à ses informations et à ses sites à des experts étrangers. Ils ne verront donc que ce que la Chine veut bien montrer.
Ensuite, par définition, une évaluation sur l’origine « zoonique » du virus n’inclut pas une visite des laboratoires de Wuhan. Cela donnera un argument supplémentaire à Washington pour contester ses conclusions.
Sous cette lumière, il est facile de prédire que les résultats de cette évaluation seront critiqués tout comme son impartialité.
De plus, le fait que la résolution ne désigne pas clairement Wuhan, ni même la Chine permet à Pékin de maintenir l’ambiguïté sur les origines du virus en pointant vers d’autres directions. Selon le rédacteur en chef du Global Times Hu Xijin, « la Chine ne doit pas être la seule cible de cette évaluation, les États-Unis et d’autres pays ayant retrouvé des traces du Covid-19 à une date antérieure au premier cas chinois (comme la France ou l’Italie) doivent également être inclus ». La Chine n’a donc aucun intérêt à dévoiler les résultats de sa propre enquête. D’ailleurs depuis le 26 janvier, lorsque 33 échantillons prélevés au marché de Huanan de Wuhan testaient positifs au SRAS-nCov-2, plus aucune avancée n’a été dévoilée…
Enfin, Xi sait que le temps joue en sa faveur : si l’évaluation n’a lieu que lorsque la maladie sera endiguée à travers le monde, il faudra probablement attendre des mois, voire des années. À titre d’exemple, le SRAS a été contenu rapidement, mais le MERS et Ebola représentent toujours une menace. Les résultats d’une telle évaluation pourraient perdre en intérêt s’ils sont publiés dans cinq ou dix ans ! D’ici là, de l’eau aura coulé sous les ponts, et d’autres polémiques occuperont le devant de la scène. Xi sera toujours au pouvoir, tandis que les Présidents actuels auront cédé leur place…
Finalement, si le régime veut absolument contrôler tous les aspects de cette évaluation (son calendrier, son contenu, sa géographie), c’est qu’il la considère avant tout comme une menace à sa stabilité, pas comme une leçon pour l’avenir. La Chine a beau appeler à la coopération internationale, elle n’a pas l’air prête à jouer le jeu.
Le 20 mai 2020 a eu lieu le discours d’investiture de la Présidente de Taïwan (ou République de Chine ) réélue le 11 janvier 2020. Les élections présidentielles de janvier avaient vu s’affronter trois candidats : Tsai Ing-wen (DPP), Han Guo-yu (KMT) et James Song (PFP – People First Party). Avec 57,13% des voix, Tsai Ing-wen avait obtenu presque vingt points d’avance sur le candidat de l’opposition Han Guo-yu (38,61%).
Cette réélection de Tsai est historique à bien des égards : c’est la première fois qu’une femme est réélue à la présidence en Asie, la première fois qu’un Président est réélu à Taïwan avec de meilleurs résultats que lors du premier mandat et enfin qu’un Président est élu à Taïwan avec plus de 8 millions de voix (sur plus de 18 millions de votants). Alors qu’un ancien vice-président, Wu Den-yih, avait affirmé fin 2019 que Tsai Ing-wen était une personne malchanceuse et apportant le malheur (衰尾查某), depuis son accession au pouvoir en 2016, les grands événements internationaux ont renforcé sa ligne stratégique.
La stratégie de Tsai est de replacer Taïwan au cœur de l’Asie tout en la décentrant du monde chinois : la révolte à Hong Kong en juin 2019, le conflit commercial (biens agricoles, notamment le soja) et technologiques (Huawei) entre les Etats-Unis et la Chine puis l’émergence du Covid-19, tout est allé dans le sens d’un affaiblissement du soft-power de Pékin à l’international et d’un renforcement de celui de Taïpei, autant au niveau économique que politique.
Au niveau économique, on assiste à un ré-investissement des entreprises étrangères et taïwanaises basées en Chine à Taïwan, et à une multiplication des collaborations hors Chine : l’exemple le plus éclatant étant la construction d’une usine de micro-processeurs du n°1 mondial, le taïwanais TSMC aux Etats-Unis.
Au niveau politique, l’agressivité de la diplomatie chinoise du masque (le don de masques servant à montrer la faillite des démocraties et la valeur du Parti communiste chinois) a contrasté avec le caractère mesuré de la diplomatie taïwanaise. Ce succès ainsi que sa réussite dans la lutte contre le Covid-19, a conduit plus de 20 pays, dont la plupart des pays de l’OCDE, à soutenir l’inclusion de Taïwan comme membre observateur au sein de l’Assemblée mondiale de la Santé. Ce soutien n’était malheureusement pas suffisant pour obtenir une majorité, mais Taïwan a obtenu l’attention internationale souhaitée. Il n’était donc pas nécessaire d’irriter davantage la Chine deux jours avant l’investiture de Tsai. Ainsi Taipei a préféré repousser sa candidature à l’année prochaine… Cela pourrait lui permettre d’être à nouveau au centre de toutes les attentions – une manière d’empêcher Pékin d’être tenté par une aventure militaire insidieuse.
On peut ajouter à cela que Taïwan sera sans doute, avec le Vietnam (qui a su aussi se méfier des déclarations de la Chine et de l’OMS en fermant très vite ses frontières), le pays qui souffrira le moins en Asie de la crise pandémique actuelle.
Tout cela se traduit bien sûr au niveau des sondages. En mars, un sondage du ministère chargé des relations inter-détroits montrait que 76% des Taïwanais se méfiaient de la Chine. Début mai, un sondage de l’agence internationale Pew précisait le tableau : non seulement le sentiment d’identité taïwanaise est au plus haut à 83% chez les moins de 30 ans mais la grande majorité des taïwanais préfèrent un rapprochement politique avec les Etats-Unis (79%) qu’avec la Chine (36%). A la CCTV, une élue du KMT, Wang Hung-wei, faisait part de son inquiétude que Taïwan devienne un autre Etat américain. Cela correspond tout à fait à que ce Pékin veut entendre d’une Taïwanaise invitée à la télévision chinoise mais est l’exact opposé du sentiment local sur l’île.
Toutefois, il convient aussi de noter une inflexion au sein du KMT, le principal parti d’opposition et généralement considéré comme pro-Pékin : son nouveau dirigeant, Chiang Chi-chen, prône une attitude pragmatique de statu quo et de respect de l’intégrité de la République de Chine, notamment par un renforcement des relations entre le KMT et les politiciens américains, et en demandant à Pékin de cesser de menacer les Taïwanais d’attaque militaire imminente. Le fait que le Secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, ait félicité Tsai Ing-wen le jour de son investiture met en évidence une des plus grande réussites du premier mandat de Tsai : avoir réussi à convaincre Washington que le DPP, et pas seulement le KMT, pouvait être un parti responsable et partenaire de confiance.
Cependant, une telle réussite ne va pas sans problèmes ni difficultés. Tout d’abord, la Chine reste le principal destinataire des exportations taïwanaises (40% du total). Ensuite, de par sa réussite même, la stratégie de Tsai renforce les attentes indépendantistes au sein de son parti : bien que la motion du législateur DPP Tsai Yi-yu, visant à amender la Constitution pour en retirer la mention d’une « réunification » nécessaire avec le continent corresponde à l’attente populaire, elle fut pourtant rejetée. Tsai sait bien que le soutien des Etats-Unis est conditionné à un point essentiel : ne rien faire ni dans les gestes ni dans les mots qui puisse provoquer une Chine de plus en plus irritable. En effet, seule une attaque immotivée de la Chine sur Taïwan lui permettra de recevoir un plein soutien international.
De ce point de vue, le discours de Tsai Ing-wen lors de son investiture a été fort sage et extrêmement pacifique : évitant toute provocation, il a mis en avant la valeur de la marque « Taïwan » comme hub démocratico-technologique au cœur de l’Asie. Alors que le nationalisme chinois atteint des sommets, Taipei n’a pas d’autre choix que de rester discret en espérant que cela aide à repousser la tempête. C’est pourquoi Tsai Ing-wen a, dans son discours, appelé à une pacification des relations, se disant ouverte à collaborer avec « le leader de l’autre rive du détroit ». En se faisant la chantre du statu quo et de la paix, Tsai renvoie stratégiquement les désirs du Parti de Xi Jinping de « résoudre au plus vite la question taïwanaise » du côté de la guerre et du chaos. A la charge de la Chine de démontrer dans les quatre ans à venir que, comme elle le prétend, son émergence est bien pacifique et que la violence n’existe que du côté des « impérialistes américains ».
Pour Ma Qiang, la vie n’était pas si mal, bien meilleure que celles de la plupart des autres habitants de Fuxin (Liaoning). Lui, au moins, avait un métier solide et, étant à son compte, ne pouvait être licencié, comme c’était si souvent le cas en cette métropole (700 000 âmes) à bout de souffle de la ceinture de rouille du Nord-Est. Fuxin avait connu son heure de gloire dans la houille. Durant les années ’60, la ville s’était étalée sur la mine, déployant ses tentacules en suivant les riches veines noires à quelques mètres sous terre. Et peu importe si chaque jour, Fuxin se retrouvait surmontée du lugubre halo brun craché par les milliers de cheminées de brique, et si par milliers les gueules noires mourraient à l’hôpital de silicose, tandis que d’autres vies se trouvaient fauchées par les explosions de grisou : le charbon partait par trains entiers vers la côte. A cette manne noire, l’industrie et le commerce venaient se greffer, les paysans se mettaient aux légumes sous serre, à l’élevage, pour nourrir cette conurbation toujours plus exigeante et capable de payer.
Mais depuis le tournant du siècle, le vent tournait : une à une, les veines d’anthracite s’étaient épuisées, laissant place à la misère. Les galeries s’effondraient en de vastes entonnoirs dans le sol et les habitants n’avaient pas les moyens de combler les boyaux, ni de reconstruire plus loin. Par bus entiers, des familles implantées à Fuxin depuis un siècle repartaient piteusement pour ne plus revenir. Mais Ma Qiang lui, gardait son entreprise, sa clientèle, étant boucher en viande porcine. Il pouvait toujours obtenir les bêtes, à bon prix, les abattre, les revendre sur les marchés et restaurants. Sans être riche, il gagnait sa vie et celle de sa femme et de sa fille de 6 ans.
Vivre hors du besoin lui avait même permis, à 32 ans, d’assouvir une passion insolite : à ses heures perdues, Ma s’était fait pilote de course amateur. Son hobby avait à voir avec les vibrations, la poussière, l’excitation de la course, mais aussi avec le sens civique et de communauté, l’esprit citoyen. Ma aimait sa ville, et se désolait du péril mortel en lequel elle s’enfonçait. En désespoir de cause, la mairie venait de lancer un plan grandiose de redéveloppement vers une série de vocations nouvelles, inspirées moins par un potentiel objectif que par une dose inépuisable d’optimisme et de volontarisme. Fuxin allait devenir un pilier national de l’automation, un temple de la recherche et du développement de semi-conducteurs. Elle recevrait un complexe cinématographique et des studios « 3D » internationaux qui exalteraient les forêts de mélèzes et de bouleaux, les immenses étendues de neige et de prairies du Dongbei. La ville possèderait également bientôt un centre international de mode féminine, ainsi qu’un circuit de formule 1. Fuxin revivrait dans une gloire nouvelle, étoile du nord de l’Empire du Ciel. Et de fait en 2018, l’ »anneau de compétition » apparaissait : 1,3 kilomètre d’asphalte en lignes droites et épingles à cheveux, bordées de tribunes et d’aires de sécurité, de signaux lumineux dernier cri pour courses de vitesse, et circuits de F1, F2 ou F3 des cinq continents – seule la participation du monde manquait encore à l’appel, plus pour longtemps, espérait-on.
Immédiatement, Ma Qiang avait flashé sur ce projet. Car Fuxin avait trop dormi dans sa routine, trop confiante en la solidité de sa ressource unique. Mais Ma en était persuadé, le sauvetage était à portée de main. Sa foi en le Parti, en le génie des dirigeants de la région était infinie. Il suffisait de cracher dans ses mains, se retrousser les manches, et y aller tous ensemble. Même au plan personnel, Ma ressentait le besoin de ne pas se reposer uniquement sur son métier sans grandeur, bon pour faire bouillir la marmite, mais pas suffisant pour pouvoir dire en fin de vie qu’on avait vécu.
Un jour, un client lui avait montré sa voiture de course : un châssis de dix ans d’âge reconverti, sa suspension renforcée, sa direction surbaissée, le fauteuil de série remplacé par un siège baquet et le diesel d’origine par un moteur à essence de six cylindres en V. Mine de rien, le bolide atteignait bravement le 185 chrono par vent arrière. Les reprises étaient éblouissantes, seuls les freins restaient à refaire. Extatique, Ma lui avait demandé combien il le vendait, et l’autre lui avait fait un prix très bas – quelques semaines plus tôt, une sortie de route avec ce bolide lui avait fait subir plusieurs tonneaux, manquant de le tuer. Depuis, sa femme lui avait posé un ultimatum, le forçant à céder son joujou. Du coup, Ma Qiang, nouveau propriétaire du véhicule, s’entraînait avec, et passait tout son temps libre chez un copain garagiste, à rafistoler, rajouter de la tôle, réaléser les cylindres pour renforcer la puissance, changer les pneus… en plein bonheur, il était devenu « 亡命之徒 » (wáng ming zhī tú), trompe la mort.
A chaque moment libre, il s’entraînait sur le circuit municipal. Dans ce nouveau hobby, il s’était fait de nouveaux amis parmi toute la faune des apprentis pilotes et de la masse de citadins un peu bricoleurs, un peu mécaniciens, comme lui en mal d’émotions fortes, et d’un avenir pour leur cité. Tous ensemble formaient une chapelle qui s’entre-aidaient, s’admiraient mutuellement, et jouissaient d’une aura mystérieuse et sacrée auprès du reste de la société. Tous les deux mois, il y avait une course, diffusée à la TV sur le réseau national, suivie sur le site par des centaines de milliers de spectateurs. Tout le monde jouait le jeu : Fuxin n’était plus la ville morte, mais la nouvelle frontière. La prochaine course, pour le 14 décembre 2019 compterait pour le championnat national. Ma Qiang se sentait pousser des ailes, et une vocation de héros !
Mais avec son véhicule à bout de course, peut-il réussir ? On le saura, très bientôt, ami lecteur !
Notez qu’en raison de la situation actuelle, certains évènements ont été annulés ou repoussés à une date ultérieure (voir ci-dessous):
21 – 27 mai : Session des deux Assemblées (CCPPC et ANP, Lianghui, 两会)
25 – 27 mai, Shenzhen : China International Toy & Edu / Baby & Stroller, Salon international du jeu et du jouet et accessoires pour bébés et enfants, reporté – date à confirmer
26 – 29 mai, Shanghai : Design Shanghai, Exposition international du design, reporté au 26 – 29 novembre
27 – 28 mai, Shanghai : Metro China Expo, Salon international et conférence sur le transport par rail urbain et regional, reporté au 2 – 3 septembre
27 – 30 mai, Pékin : CIAACE, Salon international des accessoires automobiles, reporté – date à confirmer
Juin, Shanghai : MWC – Mobile World Congress, Congrès mondial sur le GSM, ANNULE
2 – 4 juin, Shanghai : PCHI, Salon des soins personnels et des cosmétiques, reporté au 8 -10 juillet
2 – 5 juin, Shenzhen : IAMD – Integrated Automation, Motion & Drives, Salon international pour l’automatisation des procédés, reporté au 12 – 15 octobre
3 – 5 juin, Shanghai : Aquatech/ Buildex, Salon professionnel international des procédés pour l’eau potable et le traitement de l’eau, reporté au 25-27 août
3 – 5 juin, Shanghai : Flowtech, Salon international des pompes, valves et tuyaux, reporté au 25-27 août
3 – 5 juin, Canton : IFE – International Food Exhibition, Salon international de l’alimentation, maintenu à priori
3 – 5 juin, Pékin :TOPWINE, Salon international du vin pour le nord de la Chine, ANNULE
4 – 6 juin, Pékin : NGVS, Salon international du gaz naturel et des équipements pour stations de stockage, reporté au 10-12 août
5 – 7 juin, Singapour : Dialogue de Shangri-La. C’est la première fois depuis 2002 que le forum annuel sur la sécurité en Asie est annulé.
9-11 juin, Shanghai : CSF – Remaxworld, Foire internationale de la papeterie, fournitures de bureau et autres produits culturels, reporté au 17-19 septembre
9-12 juin, Canton : Guangzhou International Lighting Exhibition, Salon international de l’éclairage, reporté du 30 septembre au 3 octobre
10 – 11 juin, Pékin : Optinet, Conférence sur les réseaux optiques, reporté au 26-27 août
10 – 12 juin, Shanghai : CAC Show& See Trade Show , Salon international et conférence dédiés à l’agrochimie, aux technologies de protection des récoltes et aux semences, ANNULE – prochain salon le 3-5 mars 2021
10 – 12 juin, Shanghai : CES Asia, Salon des hautes technologies et des entreprises pionnières sur les thematiques de villes intelligentes, intelligence artificielle, technologies des véhicules, robotique…,reporté – date à confirmer
10 – 14 juin, Shanghai : DMC– Die & Mould China, Salon international de la fonderie et du moule, du formage et des processus de traitement du metal,reporté au 10-13 octobre
11 – 13 juin, Shanghai : China AID, Salon professionnel des soins aux personnes âgées, de la rééducation et des soins de santé, reporté au 28-30 octobre
11 – 14 juin, Shanghai : COOC, Congrès international chinois d’ophtalmologie et d’optométrie, reporté au 18-20 septembre
12 – 14 juin, Canton : The Kids Expo, Salon international de l’éducation des enfants , reporté au 9-11 décembre
13 – 21 juin, Chongqing : Auto Chongqing, Salon international de l’industrie automobile, maintenu à priori
15 – 18 juin, Shanghai : Hotelex + Design & Deco, Salon international des équipements et fournitures pour l’hôtellerie en Chine, ANNULE
16 – 17 juin, Shanghai : GTDW – Global Trade Development Week, Sommet international et rencontres d’affaires organisés en Chine et dédiés au commerce mondial et au développement économique, reporté – date à confirmer
16 – 18 juin, Shanghai : Air Cargo, Exposition et conférence sur le fret aérien et la logistique, ANNULE
16 – 18 juin, Shanghai : Transport Logistic China, Salon professionnel international de la logistique, du transport et de la télématique, ANNULE – prochain salon le 15-17 juin 2022
16 – 18 juin, Shanghai : China E-POWER, Salon chinois international de la génération d’énergie et de l’ingénierie électrique, reporté au 21 – 23 septembre
19 – 22 juin, Tianjin : CIEX, Salon international de l’automation, de la robotique et de la machine-outil, maintenu à priori
13 – 22 juin, Shanghai : 23rd Shanghai International Film Festival, Festival du film international de Shanghai, reporté – date à confirmer
15 – 24 juin, En ligne : Canton Fair, Foire industrielle internationale qui expose notemment dans les domaines des machines-outils, bâtiment et construction, décoration, ameublement, luminaire, electroménager, domotique, électronique, mode et habillement