Diplomatie : La Chine, nouvelle motrice verte de la planète ? (suite)

Lire la partie précédente… / – La Chine va poursuivre ses efforts de décarbonisation sur son propre sol, avec 360 milliards de $ à dépenser en 5 ans, dont 103 fournis par l’épargne investie en « obligations vertes », et des centaines de centrales à charbon à remplacer par autant de parcs solaires, éoliens, de centrales nucléaires, barrages…

– Elle déploiera ses projets industriels et d’infrastructures « One Belt, One Road » (OBOR) sur les cinq continents, avec 500 milliards de $ sur cinq ans (32 milliards dépensés en projets « verts » en 2016). Ceci sera la filière privilégiée pour écouler ses technologies environnementales à bas prix : chauffe-eaux et panneaux solaires, irrigation économe par hydroponie…

– Elle a de bonnes chances d’avancer de 2030 à 2025 la date du passage du « pic carbone », où ses émissions entameront leur « plateau » sans plus grandir davantage, avant d’entamer leur descente. Avant le passage du pic, elle prévoyait de voir ses émissions continuer à monter encore 13 ans, durant lesquels les pays développés eux, s’imposent déjà l’effort de coupe : cette durée de latence et d’efforts inégaux était l’excuse n°1 de Trump pour sortir du pacte, l’accusant d’injustice au détriment de son pays : sa réduction affaiblira considérablement l’argument.

– Plus problématique mais faisable, la Chine pourrait contribuer au fonds de 100 milliards de $ prévu à partir de 2020 pour assister les pays en voie de développement dans la décarbonisation de leur économie. A ce jour, suivant un schéma idéologique dépassé, Pékin place la responsabilité pour leur retard de croissance, sur  les ex-puissances coloniales, et attend que ce soient elles qui paient. Mais la Chine est entretemps devenue la première réserve en devises au monde, et si elle accepte de contribuer, elle tuera l’excuse n°2 de Trump pour casser la COP21.

– Enfin la Chine a entamé son rapprochement avec l’Union Européenne – entre autres, pour consolider avec elle l’accord climatique, et en obtenir les technologies de pointe qui lui manquent encore.

C’était un des sujets de la rencontre berlinoise du Premier ministre  Li Keqiang avec la Chancelière Angela Merkel (1er juin), et du Sommet Sino-Européen de Bruxelles le lendemain. Au sommet justement, en « trilogue » avec Donald Tusk Président du Conseil Européen et Jean-Claude Juncker Président de la Commission, Li Keqiang a convenu que Chine et UE poursuivent la régression des combustibles fossiles et le développement de technologies vertes. Ils ont aussi promis de soutenir la quête de fonds afin d’aider les pays en développement à réaliser leur propre décarbonisation économique. 

Le sommet a cependant trébuché sur un obstacle attendu : celui des différends commerciaux, autour de la surproduction en acier chinois qui déprime et tue lentement la sidérurgie européenne, et de la vieille exigence chinoise de se voir reconnaître le statut d’économie de marché, conformément aux engagements pris en 2001 lors de l’entrée de la Chine à l’OMC.

Les deux blocs savent que suite à la disparition des Etats-Unis comme allié fiable et « protecteur », ils ont l’obligation de combler le vide –et de s’entendre. Ils doivent donc signer un traité de protection des investissements (demande européenne) et de libre-échange (demande chinoise).  La Chine devra offrir aux Européens l’accès garanti et réciproque aux marchés publics, des services, de la finance. On en est très loin : aujourd’hui-même, France, Allemagne et Italie envisagent de faire imposer par l’UE un blocus des investissements chinois en Europe, tant que la Chine ne leur reconnaîtra pas les mêmes libertés sur son sol… Face à ces reproches, Li Keqiang plaidait la patience : « nous travaillons dur à rétablir l’équilibre des balances commerciales… Nous trouvons les problèmes, et nous faisons notre possible pour les réduire… ».

A Pékin même, avec son entourage d’économistes de haut vol, le Président Xi Jinping est parfaitement conscient de l’enjeu – la chance pour la Chine d’occuper le leadership abandonné par Trump, et des étapes à franchir pour y parvenir. Elles supposent entre autres des révisions idéologiques historiques à faire, sur la finalité de la coopération, tant avec l’Europe qu’avec les pays OBOR (dominer ou partager ?), et sur sa capacité d’écoute en négociation (l’abandon d’une forme de patriotisme poststalinien). Cette nouvelle donne pourrait devenir un thème majeur du XIXe Congrès, du second quinquennat de Xi Jinping.

Dans cette nouvelle configuration de la géostratégie planétaire, de nombreux points demeurent obscurs. Trump par exemple, peut-il se retrouver destitué à mi-parcours par son opposition désormais puissante, englobant Etats et métropoles, la presse, et les plus grands groupes comme GM, GE, Exxon, Chevron, Goldman Sachs ou Disney ?

Et que deviendra l’alliance sino-russe fondée depuis 30 ans comme club de résistance à l’« impérialisme américain » ? Une fois les USA repliés sur eux-mêmes, ces pays ne risquent-ils pas, dès lors, d’écouter plus cet autre vieux sentiment historique : la méfiance mutuelle ?
Toutes ces questions trouveront leurs réponses au fil de l’avenir. Un seul fait est sûr : une page d’histoire vient de se tourner.

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1 Commentaire
  1. severy

    Après un siècle de domination mondiale, les États-Unis amorçent leur déclin, laissant à une Chine riche en devises étrangères et perclue de problèmes intérieurs le lourd flambeau de moteur du monde. Il faut cependant s’attendre à ce que ce déclin dure longtemps avant que le mouvement soit irréversible. Vieux crocodile, les États-Unis ont plus d’un tour dans leur sac.

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