Sur 240.000 km² de plateaux à 1100 mètres d’altitude au nord du lac Victoria, l’Ouganda est un des pays les plus pauvres de la terre, au revenu de 691$ par habitant / an. Mais une de ses richesses potentielles est son extrême jeunesse : ses 39 millions d’habitants, population qui a quadruplé en 50 ans.
Pour la Chine, c’est une « cible » de choix, du fait de son réservoir de travailleurs pour des usines délocalisées, et de matières premières abondantes (textile, bois cuir, café, cacao, tabac), et des 2,2 milliards de barils de pétrole exploitable sur son sol, notamment à Hoima, près de la République Démocratique du Congo. À condition de pouvoir briser l’isolement du pays en perçant une route vers l’Océan Indien.
D’où ce projet de liaison ferrée internationale qui reliera la capitale Kampala au port kenyan de Mombasa via Nairobi : 3200 km, avec deux autres branches vers Juba (Soudan du Sud) et Bujumbura (Burundi), pour un coût total de 12,7 milliards de $.
Pékin a déjà approuvé le financement du tracé ougandais jusqu’à la ville frontalière de Malaba (273 km) pour 2,3 milliards de $, dont l’Exim Bank supportera 85%. Côté kenyan, cette banque consentait 4,9 milliards de crédits pour le tronçon Malaba-Naivasha en décembre – le reste de la ligne jusqu’à l’Océan Indien et Mombasa est en cours d’achèvement.
Mais les choses se compliquent côté kenyan, qui ne parvient pas à boucler son budget. Or, l’Exim Bank est formelle : son chèque à l’Ouganda ne partira qu’une fois Nairobi prêt à lancer sa part du chantier, ceci pour garantir la bonne fin du projet.
Aussi pour l’Ouganda, Matia Kasaija, le ministre des Finances s’impatiente et menace d’opter pour une route alternative via la Tanzanie, le voisin du sud. Ce tracé passerait par ferry à travers le lac Victoria – au moyen de deux terminaux, au financement assuré par le groupe financier allemand KfW. La distance à l’océan étant sensiblement égale – environ 1500km, Kasaija prévient : « nos partenaires n’ont qu’à se presser, nous voterons pour celui qui répondra le premier ».
Simple ruse qui ne trompe personne. Le fait est qu’Ouganda et Kenya souffrent d’un mauvaise note auprès des banques, suite à un endettement rapide sur des projets non productifs, car infestés de corruption. Quoique menant de front en Ouganda 22 projets pour 2,3 milliards de $, la Banque mondiale-même, en août 2016, suspendait ses paiements, alléguant une « mauvaise performance» – elle s’apprêterait à rouvrir le robinet en juillet prochain.
Pas par hasard, Uhuru Kenyatta, le Président kenyan était à Pékin les 14-15 mai au sommet BRI, reçu par le 1er ministre Li Keqiang pour débloquer le prêt et les travaux. La liaison ferrée vers l’océan Indien doit fonctionner en 2020, quand le gisement de Hoima et sa raffinerie de Kabaale entreront en production—une raffinerie partiellement propriété d’un groupe chinois, la Cnooc. Le temps presse donc, apparemment !
Sommaire N° 20-21 (2017) Spécial Initiative Belt & Road