« La détermination de la Chine de poursuivre son processus d’ouverture n’a pas changé (…) les portes du pays seront plus grandement ouvertes ». C’est en ces termes que le Président Xi Jinping a marqué le 70ème anniversaire de la fondation du China Council for the Promotion of International Trade (CCPIT), lors d’un symposium auquel une trentaine de Chambres de Commerce étrangères et multinationales ont participé le 18 mai.
Le lendemain, au même événement, le Premier ministre Li Keqiang renchérissait en déclarant que « la Chine est prête à renforcer les échanges et la coopération avec les entreprises du monde entier (…) pour achever une coopération mutuellement bénéfique ».
Dix jours plus tôt, un commentaire publié par Xinhua appelait les investisseurs étrangers à « adopter une vision de long terme et à surmonter les difficultés avec la Chine au lieu de privilégier leurs intérêts immédiats en optant pour des solutions alternatives ».
Plus offensif, le Global Times taclait le 13 mai la « théorie du retrait des capitaux étrangers », en pointant les chiffres du ministère du Commerce qui rapportent que les investissements directs étrangers (IDE) se sont accrus de 26,1% les quatre premiers mois de 2022 à 74,47 milliards de $. « Choisir la Chine, c’est choisir l’avenir », concluait l’éditorial.
Depuis quelque temps, le gouvernement et la presse officielle multiplient les plaidoyers pour persuader les entreprises étrangères de continuer d’investir dans le pays. C’est le signe de l’importance que le pouvoir leur accorde, tant elles contribuent au développement de l’économie chinoise et à l’innovation du pays. Petites concessions, le gouvernement envisagerait « d’augmenter de manière ordonnée » le nombre de vols internationaux, et la municipalité de Pékin de réduire la durée de quarantaine à l’arrivée à 7 jours dans un hôtel, suivis de 7 jours d’observation à la maison (au lieu de 14 + 7).
Malgré cela, il faudra bien plus pour convaincre les entreprises étrangères des bonnes intentions du gouvernement. Tant que les aléas de la politique « zéro Covid » subsisteront (absence affichée de stratégie et de calendrier de sortie de crise, mesures sanitaires arbitraires, flou règlementaire…), le climat d’incertitude demeurera.
Il se reflète dans les derniers sondages réalisés pendant le confinement de Shanghai par les Chambres de Commerce étrangères auprès de leurs membres. Les résultats suggèrent que la politique sanitaire actuelle a ébranlé la confiance des firmes étrangères dans la deuxième économie mondiale.
23% des membres de la Chambre de Commerce Européenne en Chine envisageraient de transférer une partie de leurs investissements dans un pays tiers. 52% des firmes américaines en Chine auraient déjà reporté ou réduit leurs investissements. 47% des membres de la Chambre de Commerce et d’Industrie Allemande repenseraient leurs activités en Chine et une société germanique sur huit envisagerait de quitter le pays. Étant donné les années nécessaires pour s’implanter en Chine et la taille que représente le marché chinois, ces projets de départ sont particulièrement frappants.
Si ce désengagement se matérialise, il pourrait avoir un impact non négligeable sur l’emploi. Les statistiques officielles signalent déjà une nette dégradation du marché du travail, imputable aux différents rebonds épidémiques à travers le pays ainsi qu’à la reprise en main de plusieurs secteurs de l’économie (géants de la tech, immobilier, jeux vidéo, tutorat…).
En avril, le taux de chômage urbain, qui ne comprend pas les travailleurs migrants, était de 6,7% à travers 31 des plus grandes villes du pays, avec une moyenne nationale de 6,1%, proche du record absolu de 6,2% en février 2020. Mais c’est surtout la situation des jeunes (16-24 ans) qui est préoccupante, puisque 18,2% d’entre eux seraient sans emploi, record historique. « La situation de l’emploi est complexe et sévère », a affirmé le Premier ministre Li Keqiang, dont les propos trouvent soudainement écho dans la presse officielle.
Ce retour sur la scène médiatique du patron du Conseil d’État intrigue les analystes, qui l’interprètent comme le signe d’un affaiblissement de l’autorité du Secrétaire Général du Parti, à cinq mois du crucial XXème Congrès.
Cependant, certains experts mettent en garde contre toute surinterprétation et émettent d’autres hypothèses : et si le Président Xi avait réalisé l’urgence d’ajuster la trajectoire économique du pays (une récession n’est pas à exclure au 2nd trimestre) et délégué cette tâche au Premier ministre, dont le portefeuille comprend traditionnellement l’économie ? Et si la mise en avant de Li Keqiang avait pour but de détourner l’attention du public des responsabilités portées par le n°1 ? Les voies du pouvoir sont impénétrables…
Sommaire N° 20 (2022)