Economie : Les grands chapitres des « lianghui »

En un exercice hautement chorégraphié, les délégués devront comme chaque année valider au Parlement, ce qui a été décidé au sommet. C’est également l’occasion pour les participants de faire remonter certaines propositions au gouvernement. Alors quels seront les sujets abordés et les annonces dévoilées durant ces deux Assemblées « exceptionnelles » ?

L’annonce la plus attendue est celle de l’objectif de croissance de l’année. Après avoir subi une chute historique au premier trimestre (-6,8%), l’économie chinoise devrait frôler la récession en 2020. Dans ce contexte, certains appellent à supprimer l’objectif annuel de croissance du PIB, une tradition instaurée dans le cadre de la planification de l’économie il y a plusieurs décennies. Elle a joué un rôle essentiel dans la transformation de l’économie chinoise, mais a également engendré des infrastructures redondantes, des surcapacités, des dettes abyssales, énormément de pollution, et une folle compétition entre les provinces pour réaliser les meilleurs chiffres, n’hésitant parfois pas à les trafiquer ! En effet, ces objectifs incitent les cadres à se préoccuper uniquement des résultats à court terme, pouvant leur assurer une promotion, au détriment d’une stratégie à plus long terme. C’est pourquoi, ces dernières années, plusieurs propositions ont émergé pour instaurer un objectif de « PIB qualitatif » ou de « PIB vert » – sans succès…

Cet objectif de croissance a également pour but de mettre en valeur l’efficacité du Parti et conforter sa légitimité puisque, sans surprise chaque année, le but fixé est toujours atteint. Sauf que lorsque les choses vont mal, ce rite se transforme en une pression supplémentaire. D’autant plus lorsque le Parti devait annoncer fin 2020 avoir atteint ses deux objectifs stratégiques : l’éradication de la pauvreté extrême et l’accession à une société « modérément prospère ». Depuis des semaines, lors de ses visites en province, le Président Xi Jinping martèle que la Chine réalisera ses objectifs économiques et sociaux, ce qui indique que le leader fera difficilement une croix sur l’un ou sur l’autre…

Alors, comment se sortir de l’ornière ? Xi pourrait atteindre son objectif de société de « petite prospérité » en ajoutant au seul critère de PIB (nécessitant une croissance anuelle de 5,6%, hors de portée) d’autres indicateurs. Concernant l’objectif de croissance, passer celui de 2020 sous silence et annoncer un chiffre sur deux ans (2021) est l’option préférée des économistes. Fixer un objectif ambitieux permettrait de réaliser une bonne performance économique même s’il n’est pas atteint. A l’inverse, définir un objectif raisonnable permettrait de laisser aux provinces plus de marge de manœuvre. Quelques chercheurs suggèrent de ne fixer des objectifs qu’au niveau provincial, au lieu du pays entier… Les options sont nombreuses et le choix s’annonce cornélien.

La question de l’objectif du PIB est cruciale puisque, plus haute sera la barre, plus fortes devront être les mesures de soutien. C’est le deuxième gros sujet de ce Parlement : le plan de relance de l’économie. Pour l’instant, les mesures déployées ne correspondent qu’à l’injection de 1,5 point de PIB – c’est très peu comparé aux montants consentis par les autres grandes puissances mondiales et par rapport aux 13 points de PIB dépensés par la Chine après la crise financière de 2008, endossant le rôle de locomotive mondiale. Aujourd’hui, la priorité est domestique. Il s’agit d’assurer les « six stabilités » (l’emploi, la finance, le commerce extérieur, l’investissement domestique et étranger, et les anticipations du marché ), et les « six priorités » (l’emploi, le niveau de vie de la population, le développement des entités du marché, la sécurité énergétique et alimentaire, la stabilité de la chaine d’approvisionnement, et le bon fonctionnement de la société ) – des termes qui devraient revenir à foison durant le Parlement.

Certains analystes tablent donc sur une relance autour de 6 ou 7 points de PIB, une augmentation du déficit budgétaire (peut-être 3,5% du PIB), des émissions de bons du Trésor « spécial Covid-19 » et des obligations des gouvernements locaux, une réduction des taxes (en particulier pour les PME), une variation du taux de TVA, et une relance de l’investissement public, non pas uniquement dans les secteurs traditionnels (routes, métros, lignes ferroviaires, aéroports…), mais dans les « nouvelles infrastructures » (le réseau 5G, l’intelligence artificielle, les « big data », mais aussi les véhicules autonomes, la santé…). Enfin, dans quelle mesure et par quels moyens l’Etat va-t-il relancer la consommation ? 170 villes ont déjà distribué des bons d’achats d’une valeur de 19 milliards de yuans. L’Etat, lui, consentira-t-il à des aides directes à ses citoyens ? C’est la grande question…

Sous l’angle sanitaire, Li Bin, directeur de la Commission Nationale de Santé (CNS), reconnaissait que cette pandémie a révélé les faiblesses du système de santé publique chinois. Un aveu rare. Le gouvernement espère régler ces problèmes en réformant son mécanisme d’alerte épidémique, par plus de centralisation et en faisant meilleur usage de l’intelligence artificielle et des « big data ». Pourtant, c’est bien la même CNS qui exigeait de détruire les échantillons des premiers patients le 3 janvier. Le 15 mai, un cadre de la CNS admettait avoir donné cet ordre, mais pour des raisons de biosécurité : « les laboratoires en question n’étaient pas habilités à manipuler un tel pathogène »… L’expert Zhong Nanshan lui, n’a cessé de plaider pour donner plus de pouvoir de décision au Centre national de Prévention des Maladies (CDC). Actuellement, le CDC, détenant pourtant l’expertise, émet des recommandations à l’attention de la CNS, qui elle, prend les décisions. Pas un mot pourtant sur cet aspect du problème…

Ces promesses, de réforme de son système de santé publique, de sa loi sur la biosécurité, d’interdiction du commerce et de la consommation d’animaux sauvages, sont en partie destinées à la communauté internationale, espérant ainsi calmer les esprits et la pression d’une enquête internationale en Chine. Cela suffira-t-il ? Rien n’est moins sûr…

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