Education : Le bracelet électronique, remède épidémique miracle ?

À travers la Chine, 100 millions d’élèves ont déjà repris le chemin de l’école, soit 40% d’entre eux. Mais ils ne sont que quelques milliers à porter le dernier accessoire à la mode Covid-19 : depuis la rentrée le 11 mai, dans plusieurs collèges de Pékin, professeurs et élèves de 3ème arborent à leur poignet un étrange bracelet ressemblant fort à une montre connectée.

L’appareil permet en fait de contrôler en temps réel leur température corporelle grâce à un capteur intégré. Les données sont ensuite transmises par « Bluetooth » vers une application mobile dont dispose l’enseignant, qui les met à son tour à la disposition des parents et de l’établissement. Un professeur se veut rassurant sur la confidentialité des informations : « seuls le nom de l’élève et sa température apparaissent, rien d’autre ».

Disposant d’une petite batterie, l’appareil n’a pas besoin d’être rechargé, ce qui incite un proviseur à recommander de le porter 24h/24 ! Ce n’est toutefois pas le cas de tous les établissements.

Pratique, le bracelet évite de perdre du temps à relever la température des élèves plusieurs fois par jour. Les collégiens peuvent donc se concentrer sur l’essentiel : les examens à venir ! Par contre, si elle dépasse les 37,2°C, le professeur est contraint de le signaler sur-le-champ aux autorités sanitaires. Le jeune sera alors conduit à l’hôpital pour y être testé.

Depuis la réouverture des lycées le 27 avril pour les classes de terminale, de nouvelles contaminations dans les cours de récréation sont la hantise des autorités. Dans la province du Guangdong, elles sont même allées jusqu’à dépister 167 000 élèves de terminale et 30 000 professeurs avant la rentrée. Résultat, à Shenzhen, 6 enseignants et 21 élèves testaient positifs au Covid-19.

Plus largement, ces bracelets connectés pourraient-ils permettre de prévenir la prochaine épidémie ? C’est la question que se pose Huami, filiale du fabricant de smartphones Xiaomi. En analysant trois ans de données d’1,3 million d’utilisateurs de ses bracelets connectés (Mi Band et Amazifit), les ingénieurs ont pu corréler les « anomalies physiologiques » telles qu’une température plus élevée, un sommeil plus court ou un rythme cardiaque élevé (signes potentiels d’infection), avec les cas de Covid-19 en Chine, mais aussi en France, Italie, Espagne et Allemagne. Ainsi, le bracelet pourrait deviner que vous êtes malade avant même que vous le sachiez ! C’est ainsi que Huami a pu déduire que le pic de contamination à Wuhan a eu lieu le 28 janvier, soit cinq jours après le confinement de la ville. Grâce à leurs recherches, les chercheurs ont mis au point un algorithme pouvant alerter les autorités sanitaires d’une vague d’infections. Bien sûr, cette étude a ses limites. Tout d’abord, elle est basée sur un petit échantillon qui n’est peut-être pas assez représentatif de la population d’un pays. Ensuite, tout le monde ne porte pas de bracelet connecté, et encore moins les personnes âgées, les plus vulnérables aux maladies infectieuses, mais les moins susceptibles d’acheter de tels gadgets. De plus, les données peuvent être biaisées si le porteur du bracelet est ivre par exemple, une situation plus courante pendant les vacances – et particulièrement pendant le Nouvel An chinois !

Au-delà de ces considérations scientifiques et sociologiques, cette technologie soulève aussi la question de la confidentialité et de la sécurité des données. En effet, l’épidémie a été marquée dès fin janvier par une fuite d’informations personnelles (nom, adresse, numéro de téléphone, numéro d’identité) appartenant à des malades du Hubei. Suite à quoi, ils ont été nombreux à être victimes de harcèlement téléphonique ou sur internet, et de discrimination. Plus récemment, c’était au tour de 6 685 patients d’un hôpital de Qingdao de voir leurs données révélées. Officiellement, seules deux personnes atteintes du Covid-19 auraient été soignées dans l’établissement, mais des rumeurs voudraient que d’autres patients de la liste fussent également infectés…

Si la menace épidémique a rendu la population moins regardante sur le partage de ses données privées (code QR de santé, données de géolocalisation de son portable, bracelet électronique, relevés de température…), plusieurs entités (gouvernementales, privées, universitaires, comités de quartier…) profitent de cette « docilité » pour expérimenter différentes technologies et collecter plus ou moins légalement des informations personnelles. Et tout porte à croire qu’elles feront tout pour exploiter ce « momentum » le plus longtemps possible, tentant d’inscrire ces pratiques dans la durée. Alors que les scientifiques annoncent déjà qu’il faudra tirer les leçons de cette pandémie afin de mieux se préparer à la prochaine, les sociétés du monde entier devront également répondre à cette question : comment équilibrer le droit à la protection de la vie privée et les intérêts de santé publique ?

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
1/5
10 de Votes
1 Commentaire
Ecrire un commentaire