Un an exactement après le début de la guerre commerciale avec les USA, la saga continue, jamais avare de nouveaux rebondissements. Alors que les négociations étaient prêtes à aboutir, Donald Trump menaçait le 6 mai de mettre fin à la trêve décrétée le 1er décembre et d’augmenter à nouveau les tarifs douaniers.
La Chine resta d’abord silencieuse, espérant peut-être que le 11ème tour des négociations à Washington apaise l’impulsif Président américain. Raté ! Les palabres capotèrent le 10 mai : la Chine était revenue sur ses engagements. « Chaque pays a sa dignité », commentait le conseiller économique Liu He. Pourquoi ce rétropédalage ? Il pourrait être venu du Président Xi Jinping lui-même, ne pouvant en aucun cas perdre la face en faisant trop de concessions aux Américains à quelques mois du 70ème anniversaire de la RPC. Surtout, elles n’étaient pas compatibles avec la voie choisie par Xi dès 2013.
Comme prévu, les tarifs furent rehaussés de 10% à 25% sur 200 milliards de $ de produits chinois. Trump envisagerait également de taxer les 325 milliards de $ d’importations chinoises restantes après le 17 juin.
Sobrement, Pékin promettait des représailles. Le 13 mai, la Chine annonçait que les droits de douane de 5000 produits américains d’une valeur de 60 milliards de $ seraient augmentés jusqu’à 25% au 1er juin. Après cette hausse, il ne restera à la Chine que 10 milliards de $ d’importations américaines à taxer, de pétrole brut ou d’avions. Ces annonces successives soufflèrent 1000 milliards de $ de capitalisation en bourse.
Débuta alors une virulente campagne médiatique : les propos belliqueux du présentateur Kang Hui au journal de 19h sur la CCTV firent le tour du web. Il affirmait que « la guerre commerciale ne serait qu’un léger sursaut dans l’histoire chinoise cinq fois millénaire, et que son pays se battrait jusqu’à ce qu’un jour nouveau se lève sur le monde ». Il fut suivi par une armada d’éditoriaux, du nationaliste Global Times mais aussi de Xinhua ou du Quotidien du Peuple. Cette campagne avait pour objectif de préparer la population à la tumultueuse période à venir.
Ce qui est sûr, c’est que personne n’est gagnant dans ce conflit.
Aux Etats-Unis, les premières victimes collatérales sont les agriculteurs, pourtant parmi les supporters de Trump. Pour compenser leur manque à gagner, l’administration leur accordait l’an dernier 12 milliards de $, dont 70% en aides directes. Trump réitérait ses promesses de soutien à la filière à hauteur de 15 milliards de $ pour 2019 « financés grâce aux tarifs imposés sur les produits chinois ». Son conseiller économique Larry Kudlow rétablissait la vérité : ce sont en fait les consommateurs américains qui paient le prix fort de ces rétorsions, les importateurs répercutant ce coût supplémentaire sur leurs prix de vente. Selon l’organisation Trade Partnership, cette dernière hausse va renchérir en moyenne de 767 $ les dépenses annuelles d’une famille de quatre personnes.
Côté chinois, l’économie perd de la vapeur : la production industrielle ralentissait à +5,4% en avril (contre +8,5% en mars) et les ventes de détail à +7,2% (contre +8,7% le mois précédent). Hier florissant, le secteur du e-commerce procède à des licenciements. Et l’arrivée sur le marché du travail de 15 millions de demandeurs d’emploi cette année inquiétait le Premier ministre Li Keqiang dans son discours du 13 mai…
En une rencontre de la dernière chance, un 12ème round de négociations devrait bientôt avoir lieu à Pékin, avant un plausible entretien entre Xi Jinping et Trump en marge du G20 à Osaka (les 28-29 juin).
Selon Susan Thornton, ancienne secrétaire d’Etat adjointe, le temps jouerait en la faveur de Xi Jinping. Alors que la campagne électorale pour les présidentielles de 2020 a débuté aux Etats-Unis, les chances de réélection de Donald Trump dépendront fortement du deal conclu avec Pékin. Il serait donc dans son avantage de mettre un terme à cette guerre commerciale avant cette échéance. Pékin en revanche a tout intérêt à conserver sa politique attentiste. La perspective d’un nouveau Président américain plus prévisible et conciliant que Trump, lui serait plus favorable. Un professeur de l’Académie chinoise des Sciences (CAS) émettait un avis opposé : que le prochain Président élu soit républicain ou démocrate, il existerait un concensus entre les deux partis sur la stratégie de confinement à appliquer à la Chine. En tout cas, les prochains mois seront déterminants, vers une résolution ou une aggravation du conflit.
1 Commentaire
severy
24 mai 2019 à 14:27Les paris sont ouverts.
Excellent article.